Gecekondu désigne, en Turquie, une habitation construite en une nuit, sans permis de construire et par extension, un quartier entier composé de ce type d’habitation, une sorte de bidonville. Une partie non négligeable de la ville d’İstanbul aurait ainsi été construite sans permis.
Le terme Gecekondu dérive du langage de tous les jours, « Gece » qui veut dire « la nuit » et « kondu » qui signifie « placé, mis « , d’où l’expression « construit en une nuit ». Ce terme désignait à l’origine une forme spécifique d’auto-construction qui est apparue conjointement au phénomène d’exode rural et d’industrialisation de la Turquie entre 1945 et 1985.
Exemple d’un Gecekondu où les murs en briques sont laissés bruts
Il s’agit, au départ, d’un habitat sommaire et précaire, initialement bas, privé des équipements de base, mais intrinsèquement évolutif. C’est une forme d’auto-construction considérée comme illégale car construite sur des terrains non possédés par les constructeurs à l’origine. Ces terrains appartenaient souvent au domaine public ou étaient la propriété de fondations pieuses.
Les premiers Gecekondu de masse apparurent à Istanbul dans la deuxième moitié des années 1940 à Kazlıçeşme-Zeytinburnu. Longtemps restée illégale, c’est en 1948 que les pouvoirs publics ont commencé à se poser la question de la légalisation de cette forme d’habitat. La loi de juin 1948 reconnaît que leur destruction ne peut avoir lieu sans grandes conséquences sociales et politiques. L’objectif premier de cette loi est donc de permettre aux revenus « limités » de sortir de la précarité et de l’illégalité dans laquelle ils se trouvent, en les faisant accéder à la propriété, avec, pour contrepartie, l’obligation d’améliorer leur habitat. Si les conditions ne sont pas respectées, l’habitation est détruite. Ainsi, le Gecekondu a évolué et pris des formes multiples qui, pour une large part, n’ont rien à voir avec des bidonvilles, mais ressemblent davantage à des villas ou des immeubles en béton hâtivement édifiés.
Par ailleurs, cette forme architecturale a fini par créer un paysage spécifique, souvent décrit comme non urbain, qui associe la maisonnette, son jardin et ses arbres. Cette typologie vient en contraste avec le développement urbain d’Istanbul qui produit un bâti élevé, massif et serré. Néanmoins, les habitants des gecekondu préfèrent ce milieu de vie à faible densité et à « taille humaine », aux formes dominantes engendrées par l’économie «moderne » de la construction.
Ce paysage subsiste aujourd’hui, sur les pentes fortes et dans les endroits non urbanisables à forte densité. La topographie accidentée d’Istanbul permet ainsi la survivance de ces gecekondu, témoins de formes urbaines largement révolues, mais qui survivent çà et là.
Bien qu’en voie de disparition, il s’en construit encore aujourd’hui aux limites des aires urbaines, dans des secteurs qui ne sont pas encore officiellement ouverts à la construction et pas encore pris en compte dans le cadastre. En effet, le cadastre de la Turquie n’est pas achevé et il subsiste donc « des vides juridiques » qui sont autant de brèches pour la construction abusive. Les périphéries d’Istanbul offrent donc de ce point de vue un terrain favorable pour la construction de Gecekondu.
Bibliographie:
Pérouse, Jean-François. 2004. « Les tribulations du terme gecekondu (1947-2004) : une lente perte de substance. Pour une clarification terminologique. » European Journal of Turkish Studies. Social Sciences on Contemporary Turkey, no 1 (septembre). http://ejts.revues.org/117.
« Istanbul’s Gecekondus | Articles | LSE Cities ». 2015. Consulté le 2 février 2015. http://lsecities.net/media/objects/articles/istanbuls-gecekondus/en-gb/.
Blandine Longépé – Voyage effectué en février 2013
Blandine longepe@hotmail.com
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