Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, la mine de charbon de Zollverein était en activité de 1851 à 1986 et était alors la plus grande mine de charbon d’Europe.

UN MONUMENT INDUSTRIEL DE LA RHUR

Le site originel se divisait en deux parties principales : La mine de charbon (Zeche) et la cokerie (Kokerei).  Le puits 12, ouvert en 1932, revêt une façade inspirée du mouvement Bauhaus. Il est aussi possible de lire que l’architecture du complexe est rattachée au courant Nouvelle Objectivité, mouvement allemand assez proche du Bauhaus. Le puits 12 est considéré par certains comme un œuvre technique et architecturale. C’est son architecture particulière pour ce type de programme et son ancien rôle dans le développement de la région qui lui a permis à la fois de devenir un point d’ancrage de la route européenne du patrimoine industriel, regroupant les lieux touristiques ayant pour thème le patrimoine industriel, et d’être inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2001.

Le puits 12, élément iconique de la mine de charbon de Zollverein

Les fermetures successives de la mine en 1986, puis de la cokerie en 1993 ont été suivies par l’acquisition du site par le land de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie afin de le protéger. Les premières réflexions sur une réutilisation du site ont été lancées en 2001 et c’est l’agence d’architecture OMA qui devint le maître d’œuvre du master plan du complexe minier.

Le master plan voulu par OMA devait respecter l’identité originale du site et ses monuments industriels selon la stratégie patrimoniale de l’IBA Emscher Park, ils ont donc fait appel à des spécialistes du patrimoine et des conservateurs. De cette manière, les architectes ont prévu une bande autour du site pour les nouveaux programmes pour laisser la grandeur et l’impact de l’existant sur le visiteur. Ils réutilisent aussi les éléments présents, comme les rails qui dessinent les espaces publics en connectant les bâtiments ou encore les passerelles servant autrefois à transporter le charbon sont ouvertes aux visiteurs pour leur permettre de visiter l’ancienne mine.

Plus précisément, OMA s’est occupé de réaménager le bâtiment central, le Kohlenwäsche qui était une usine de triage de charbon, pour y placer le Ruhrmuseum. Le Musée du design (Red Dot Museum) occupe lui la place de l’ancienne chaufferie. Toujours dans l’optique de préservation, le chevalement dominant le bâtiment du puits 12 n’a pas été enlevé et fait office de monument de cette époque révolue du développement industriel.

Nous sommes le 13 octobre 2016 lorsque nous nous rendons au complexe Zeche Zollverein, au milieu d’une semaine de voyage d’étude dans l’ouest de l’Allemagne et nous nous apprêtons à faire notre deuxième visite du jour, après une matinée sur la route entre Hambourg et Essen. Nous nous arrêtons enfin pour prendre une pause déjeuner et visiter le complexe industriel pendant 2 heures. Le site se situe au nord-est de la ville d’Essen et est entouré de quartiers résidentiels.

A l’arrivée sur le site, un pipeline vert suit la route menant au parking, suivi d’un autre plus imposant de couleur rouge se dirigeant vers les bâtiments en brique, comme un préambule à l’univers industriel qui nous attend. Les volumes en brique rouge émergent enfin derrière les arbres alors que nous arrivons sur le parking. Au-dessus de nous, une série de passerelles métalliques et de pipelines s’entrecroisent à plusieurs mètres du sol entre les différents volumes du complexe.

Une maquette du site en acier Corten trône à la sortie du parking pour guider les visiteurs

L’aménagement urbain du site est assez minimaliste et reprend les matériaux industriels de l’existant : les poteaux de délimitation sont en acier Corten, les bancs sont en béton. Le traitement du sol joue habilement entre les rails, avec une alternance de blocs de bétons, de gravier sombre, et d’un pavage en arc de cercle qui rappelle une ambiance urbaine et donne un côté plus accueillant au site. Un kiosque en bois qui parait un peu incongru du fait de sa matérialité permet de se renseigner sur le site et de connaitre les différents programmes. Le premier bâtiment que j’ai choisi de visiter et dans lequel je pris le plus de temps fut le Musée du Design, qui proposait de surcroît une exposition temporaire sur l’impression 3D.

Le traitement du sol entre minéral et végétal, vu depuis la terrasse

 

UNE RENAISSANCE TOURNÉE VERS L’AVENIR

Le Red Dot Museum of Design se situe dans le bâtiment qui était autrefois la chaufferie du site, et qui a été réaménagée par Foster + Partners. La partie non accessible au public constitue les locaux du Centre du Design NRW. Ce musée est dédié aux produits ayant reçu le Red Dot Award, un prix du design reconnu internationalement depuis 1955. De ce fait, les produits exposés sont sans cesse renouvelés au fil des années pour ne garder que les lauréats les plus récents. Le musée se répartit sur trois étages, la plupart des espaces du rez-de-chaussée sont en double hauteur, et à l’étage se trouve la salle d’exposition principale, avec un niveau intermédiaire (le R+2 donc).

Musée du Design

L’entrée se fait par les portes centrales du bâtiment donnant sur un hall en double hauteur, rénové dans une esthétique sobre et moderne, avec des murs blancs, un sol en béton ciré et un escalier noir menant à l’espace d’exposition principale au premier étage. Lors de ma visite, je me suis directement rendu vers la salle d’exposition permanente qui, lorsque l’on passe la porte pour rentrer dans l’exposition, contraste fortement avec le minimalisme de l’entrée. C’était aussi une surprise de se retrouver dans l’usine originelle, avec les machineries laissées telles quelles, les compteurs, tableaux de bords et la tuyauterie.

La hauteur du plafond et les grandes fenêtres industrielles donnent des airs de cathédrale gothique à l’ensemble. Pour se donner une idée, la structure métallique d’une voiture était suspendue au plafond par le capot, et les visiteurs pouvaient passer dessous pour la regarder. En entrant, cette carcasse est d’ailleurs le seul élément visible qui dénotait de l’ensemble industriel, car les espaces d’expositions sont tout autour et au-dessus du cœur central. Un éclairage rouge-orangé autour des machines fait référence au fonctionnement des chaudières.

Au cœur de la chaufferie

Les couloirs latéraux sont aménagés avec des vitrines présentant les premiers produits et mènent vers les espaces plus vastes dans lesquels sont exposés ponctuellement les produits, ou en file indienne s’ils sont du même type, comme les télévisions, rangées en hauteur devant les vitres. Ce système rappelle fortement les muséums d’histoire naturelle avec ses regroupements par espèces.  Des escaliers mènent au niveau supérieur, qui a été aménagé au milieu des chaudières. Les gardes corps sont en verre et les nouveaux murs pour soutenir le plancher sont en béton brut. On trouve dans cet espace les produits liés à la maison avec un espace salle de bain, cuisine et salon composés d’ensembles d’ameublement épars. Certains objets exploitent les particularités du bâtiment, comme les aspirateurs exposés sur les convoyeurs à charbon (remplis de charbon, surement pour le folklore) ou les lampes placées dans les escaliers anciens.

En revanche, l’exposition temporaire en place n’abordait pas ce rapport avec l’existant, avec la présence de murs blancs ou peints de couleurs pastel qui rappellent plus le système de musée en « white box » classique. L’exposition temporaire portait sur l’impression 3D et ses diverses utilisations ; que ce soit en médecine, dans l’art, la mode ou encore en tant que jouets.

Le rez-de-chaussée est divisé en trois parties accessibles. Le hall d’entrée permet d’accéder à un premier espace d’exposition, toujours en rez-de-chaussée, réservé à l’électroménager de grande dimension. Cet espace, comme le hall d’accueil, fait fi de l’existant en présentant des murs blancs et lisses dissimulant les briques, un sol en linoleum gris foncé et un plafond avec traitement acoustique supportant une série de spots lumineux. Les seuls éléments visibles de la chaufferie sont les fenêtres industrielles en acier noir en bandes verticales.

Une œuvre au milieu de lampes, télés et sèche-linge, dans un espace plus classique

Un autre lieu d’exposition se trouve lui au centre du plan du bâtiment, sous la salle d’exposition principale du 1er étage, dans une ambiance beaucoup plus sombre et intimiste. L’éclairage naturel est complètement absent, et les spots n’éclairent que les éléments en exposition. Etant donné sa situation sous la salle principale, de grands poteaux métalliques en IPN d’environ 1,5m de large forment des arches massives dessinant les contours de l’espace central, et de chaque côté se trouvent des couloirs latéraux avec un plafond sous-baissé sous de gros volumes en béton, et où les murs sont couverts par une série de vitrines.

Croquis de l’espace en RDC situé sous les machines de la chaufferie

L’exposition des objets design dans un contexte industriel est une façon intéressante de les mettre en valeur. Plutôt qu’un système de showroom aux murs blancs, le décalage des deux univers invoqués permet de faire ressortir les objets modernes de façon plus exacerbée, comme des intrus au milieu d’un univers ouvrier. On peut faire le parallèle avec la façon dont le site veut se tourner vers le futur sans renier ses racines, en préservant le patrimoine bâti, mais en proposant des programmes modernes en décalage avec leur contexte, et la construction de nouveaux bâtiments en périphérie proche pour profiter de cette nouvelle attractivité amenée par les activités culturelles.

LE RUHRMUSEUM ET LA VILLE

Etant donné la plage horaire assez courte qui nous était donnée, je n’ai pas pu visiter le musée de la Ruhr, mais seulement les espaces hors exposition du bâtiment.

Pour accéder au musée de la Ruhr, il faut passer par « le plus grand escalator d’Europe » qui s’accorde de l’extérieur aux passerelles aériennes, mais peint d’un orange vif à l’intérieur, l’escalier central est par contre noir, mais avec la main courante creusée et un éclairage orange à l’intérieur. Ce thème de couleur déjà évoqué sert à rappeler l’histoire liée au site, le feu et la dureté du travail. Cette entrée a été construite pour accéder au musée car le bâtiment n’avait pas d’entrée, les ouvriers y accédaient par les diverses passerelles venant des autres bâtiments.

Le plus grand escalator d’Europe

Le Ruhrmuseum occupe l’ancienne laverie de charbon du site, qui transformait le charbon brut extrait du site à 1200m de profondeur, en produit commercialisable. Cette étape consiste à calibrer et trier le charbon selon sa qualité et sa taille.

Tout comme le musée du design, les interventions intérieures touchent le moins possible à l’existant. une seconde peau a quand même été ajoutée à l’intérieur pour une meilleure isolation thermique, et qui suit le tramage des châssis en acier. A l’intérieur, on retrouve une maquette du site qui fait écho à celle présente sur le parking en ayant la même échelle, mais cette fois réalisée en verre dépoli.

Le café au niveau de l’accueil du musée

En cherchant les photos de la rénovation, j’ai découvert que les façades en briques avaient été reconstruites autour d’une nouvelle structure en acier, mais en gardant le modèle de brique et les couleurs authentiques qui sont désormais protégées par des copyrights.

 

Depuis le bâtiment du musée, un accès permettait d’accéder à la terrasse panoramique. De ce point de vue, on visualise mieux les circulations complexes de passerelles  et on peut voir au loin la cokerie, dont une partie à été réaménagée en piscine publique, et qui accueille un marché de noël chaque année. On peut aussi apercevoir le peu de bâtiments  en périphérie prévus par le masterplan d’OMA, dont l’école de management et de design par SANAA, ou un immeuble de bureaux en construction. L’offre de bureaux reste encore assez restreinte, mais le site n’est pas encore entièrement rénové, principalement du côté de la cokerie. Ce qui était étonnant était le relatif calme qui émanait du site avec le peu de visiteurs ce jour là et le parc voisin, par rapport au tumulte qu’évoquent les machineries métalliques visibles un peu partout sur le site. Le parc qui longe les bâtiments de la mine de charbon la sépare de la cokerie. On y trouve la continuité du traitement de sol jouant avec les rails, mais dans un vocabulaire plus végétal.

La cokerie est à gauche et on aperçoit un immeuble en construction à droite

LE KUBUS PAR SANAA

Parmi les bâtiments construits en périphérie du complexe, on trouve donc l’école de Design et de Management d’Essen, aussi appelé kubus, par l’agence japonaise SANAA. Le bâtiment renvoie un aspect assez froid en comparaison aux tons brique du contexte construit, car il est entièrement en béton clair. Il est aussi minimaliste par son utilisation de formes simples: les façades sont carrées, et les percements sont aussi tous de formes carrées, mais avec un répartition aléatoire et des dimensions différentes, rendant la lisibilité des espaces intérieurs plus floue.  Le minimalisme se retrouve aussi dans le détail de l’éclairage, directement intégré aux dalles de béton formant le plafond. Les espaces profitent d’une grande hauteur sous plafond et de nombreuses ouvertures, ce qui donne des espaces certes un peu vides, mais très lumineux. Les plateaux sont libres, avec seulement trois blocs de circulations qui traversent les étages et un auditorium au rez-de-chaussée. Les autres salles aux différents étages sont entourées par des parois vitrées. Le bâtiment donnait l’impression d’être simple, même si on peut deviner la complexité de mise en œuvre pour dissimuler les réseaux électriques ainsi que les dispositifs d’isolation et de  chauffage. Un détail aussi simple que les rideaux du premier étage permettent aussi de donner un côté moins impersonnel à l’ensemble.

L’entrée n’étant pas autorisée au public, je n’ai pu visiter que le rez-de-chaussée avant de me faire gentiment indiquer la sortie.

Une réflexion m’est venue après avoir ressassé cette visite de Zollverein est son rapport à la ville d’Essen: le contexte urbain proche étant principalement résidentiel, l’impact du musée n’est pas vraiment visible sur les quartiers alentour. On parle souvent de l’effet Bilbao lorsque des autorités locales décident de créer un nouvel ensemble culturel attractif en faisant appel à de grands architectes, mais ce complexe minier semble déroger à la règle.  Les rénovations de la mine ont été effectuées il y a bientôt dix ans et malgré ça les nouveaux programmes prévus autour du site tardent à voir le jour, comme en témoigne le seul bâtiment neuf, en plus du Kubus, qui est actuellement en construction.

Pierre Laurent

Visite réalisée le 13/10/2016

Photos : Pierre Laurent

Sitographie :

http://www.fosterandpartners.com/projects/essen-design-centre/

http://oma.eu/projects/zollverein-kohlenwaesche

http://www.red-dot-design-museum.de/en/

https://www.zollverein.de/uploads/assets/5138954c695498381800001b/Zollverein_World_Heritage_Site_Flyer_e.pdf