Une architecture flottante au cœur de Rotterdam
C’est à travers une architecture animée et très coloriée pour des maisons surélevées dans le quartier de la gare Rotterdam-Blaak, que l’architecte Piet Blom a tissé cette toile de cubes abritant des appartements et des boutiques réalisés entre 1978 et 1984.
Le quartier en question, appelé le ‘Oude Haven’ est l’un des plus ancien de la ville et il fait partie des lieux les plus fréquenté de Rotterdam . Le choix s’est donc porté sur cet emplacement en 1970 pour accueillir des logements sans pour autant étouffer cet emblématique quartier. Blom sera en charge d’insuffler une nouvelle vie à l’Oude Haven qui était endormi depuis plus de 40 ans, en lui redonnant grâce à son architecture, l’étiquette de l’une des places les plus célèbres de la ville. L’idée principale de Blom a été de penser ‘les logements comme une toiture urbaine’, une prouesse qu’il avait déjà réalisée à Hengelo, dans le quartier de Kasbah, à l’Est du pays dans les années 60. Ce projet est aussi une conception de maisons surélevées en dessous desquelles les habitants peuvent se rencontrer et participer aux activités de la vie quotidienne. L’architecte nomme l’espace ouvert entre les éléments construits comme étant ‘la quatrième dimension’ dans lesquelles les résidents peuvent se retrouver et recréer leur propre environnement. Le passage de Hengelo au centre de Rotterdam a permis à Blom d’élargir sa théorie mais cette fois-ci sur une densification du quartier avec de petits modules de maisons très diverses. Il refuse de se prêter à une architecture prévisible, qui laisserait deviner sa fonction à travers son apparence depuis l’espace public. La construction des maisons-cubes a largement participé au caractère innovateur de l’architecture de la ville de Rotterdam. Pour épater encore plus le client, Blom a décidé de faire une architecture qui donnerait l’impression d’avoir été conçue par 3 différents architectes en référence aux trois pôles bien distincts du complexe qui sont : le ‘Blaaktoren’, qui est la tour hexagonale de logement faisant 13 niveaux et qui a la forme d’un crayon , le ‘Spaanse Kade’, qui est un ensemble de logements avec des balcons qui entoure une cour intérieure et le ‘Kubuswoningen’ qui est la succession d’une exploration de maisons cubiques .
Le plan des 268 modules de logement traverse le ‘Blaak’, en créant un lien avec la place de la bibliothèque centrale. L’académie de l’architecture, annexées à des boutiques et 7 appartements y sont abrités. Les cubes tiennent sur des colonnes hexagonales, qui sont composées de 3 poteaux en béton armé reliés par des murs en maçonnerie. La structure des cubes est réalisée avec l’aide d’une ossature en bois avec une isolation en laine de roche couvert de panneaux en lamelles de bois. En raison de la complexité de la construction, l’entrepreneur aurait construit une maquette à l’échelle 1 d’un module de cube. Avec les 70dB de niveau sonore de la place ‘Blaak’, il était évident que les quelques fenêtres lui faisant face ne pourraient pas être très efficace. Donc pour une bonne isolation acoustique, la tactique de l’architecte a été de minimiser l’exposition des espaces de nuit à la zone la plus bruyante des environs avec le passage des voitures et des transports en commun.
Ce qui est particulier dans ce tissage en hauteur, c’est que la question du seuil est tout à fait reconsidérée. On y entre de manière tout à fait aléatoire comme pour traverser une halle. Le traitement du sol et les différences de niveau font un peu office de rupture avec l’espace public. Au beau milieu des espaces que crée les cubes on se croirait dans une forêt d’arbres dont les troncs seraient les colonnes structurelles des maisons, et les feuillages, les cubes flottants. La scène était d’autant plus réaliste avec une épaisse couche de neige qui donnait un coté fantastique aux cubes, et que les quelques rares bribes de rayons du soleil se laissaient inviter à travers les cubes comme c’est le cas dans les forêts denses avec moins de 20% des rayons qui atteignent le sol. On aurait presque l’impression d’être au milieu des concessions Africaines composés de plusieurs maisons (cases) mais qui au final forment une seule et même maison.
Une fois à l’intérieur des maisons cubiques, la première remarque c’est que les escaliers sont fait avec une seule unité de passage, ce qui ne permet pas le passage de 2 personnes en même temps et rend très difficile la circulation dans cette seule maison-musée accessible au public. Vu la complexité des formes spatiales intérieures, un second travail sur les meubles a aussi été effectué par l’architecte. Tout est fait sur mesure en essayant d’optimiser au maximum l’espace. Les visiteurs se prêtent très bien au jeu et s’installent sur les sofas et chaises pour discuter pendant que d’autres admirent les vues vertigineuses plongeantes qu’offrent les ouvertures.
Chacun des cubes a une surface totale de 106m² répartis sur 3 niveaux. Le rez-de-chaussée représente l’espace de vie avec la cuisine et les toilettes dans un coin, et l’espace de travail dans l’autre. L’étage intermédiaire comporte 2 chambres et une douche commune. L’étage supérieur est un petit espace en forme de triangle pyramidal, qui est souvent utilisé pour une chambre d’enfant ou le mini salon où l’on peut profiter du soleil avec les ouvertures zénithales. La déambulation dans la maison est vite limitée à cause des hauteurs sous plafond peu importante, mais l’orientation multiple des faces offrent une diversité très appréciés des vues sur les rues de la ville.
Ce qui est en outre intéressant dans cette typologie, c’est qu’on devine à peine la fonction qui s’y développe. Cela fait qu’on a la plupart des espaces qui ont été reconvertis au fil des années. Récemment, les 2 plus grands cubes ont été réaménagés : l’académie d’architecture a été reconvertie en auberge de jeunesse, et l’espace commercial en logements sociaux de transition. L’objectif de l’architecte, qui a été à la base de faire de ce projet une icône de l’architecture de Rotterdam, a été atteint. C’est en quelque sorte une expérimentation spatiale mariée à une touche d’esthétique contrairement à la vague d’architectes hollandais qui sont plutôt lancés dans une production collective et répétitive d’une architecture sensée représentée l’innovation et l’expérimentation dans les projets.
Médoune Aidara TRAORÉ
Voyage du 26/12/2014 au 06/01/2015
Bibliographie
Rotterdam, 2009, collection « Portrait de ville », Thierry Mandoul et Sophie Rousseau
Architecture Rotterdam 1970-1995, Rotterdam Arts Council
Archdaily, AD Classics: Kubuswoningen / Piet Blom