Après trois mois de vie à Londres, et tous mes week-ends réservés à de nombreuses visites, je commençais à être à court d’idées. C’est après avoir lu un article sur « les éléphants blanc » des Jeux Olympiques de Rio, que m’est venu l’idée de constater, par moi même, ce qu’il en était des anciennes installations de Londres.
Si le stade de Bordeaux, d’Herzog & de Meuron, dans lequel je travaille, me semble réussi avec sa « pluie » de poteau blanc, j’ai alors beaucoup moins d’intérêt pour tous les autres équipements sportifs. C’est en ayant un léger a priori sur ces architectures, me paraissant souvent ostentatoires, que j’ai entrepris cette visite.
Cette dernière s’étant faite de façon très spontanée, il est intéressant aujourd’hui de confronter mes premières impressions à ce que j’ai pu apprendre par la suite. Ainsi, je contextualiserais dans un premier temps l’installation des jeux olympiques de 2012, pour en faire sa description et sa critique dans un deuxième temps.

Une friche transformée

Bien qu’étant en Angleterre, c’est sous le soleil, que j’ai quitté mon auberge de jeunesse ce dimanche matin, pour prendre le métro, direction Stratford. Cette banlieue de l’est de Londres a été longtemps délaissée et considérée comme étant l’une des plus pauvres de la capitale. Lors de la candidature de Londres pour les J.O. 2012, il a été mis beaucoup en avant l’idée que le parc olympique serait un « catalyseur pour un projet d’amélioration urbain ». Stratford devant accueillir les équipements serait alors rapidement transformé afin de répondre aux exigences d’un tel projet. L’ampleur de l’installation est une opportunité pour le quartier de se régénérer. Installé sur un terrain de plus de 250 hectares, les équipements sportifs et le village olympique remplacent une vielle friche industrielle, très polluée. La gare et la station de métro ont été largement agrandis et refaits à neuf afin d’accueillir tous les visiteurs des J.O.. A leur sortie, si le vieux quartier de Stratford se dessine à droite, tout nous pousse à aller vers la gauche où le plus grand centre commercial d’Europe nous guide vers le parc olympique. Le projet existant avant l’obtention des J.O., il a été fortement accéléré par l’arriver de ces derniers. C’est donc directement en sortant du métro que je découvre cette immense architecture sur quatre étages. Westfield Stratford City, en plus d’accueillir plus de 300 magasins, 70 restaurants et un casino, loge également 3 hôtels et un cinéma multiplexe. Aux portes du site des J.O., on nous oblige à passer par ce temple de la consommation, en nous laissant découvrir au loin, par des percés visuelles, les installations sportives. On peut dire que la mise en scène est assez bien réussie. Mon excitation monte au fur et à mesure de ma marche vers le Quenn Elizabeth Olympic Park.

 

Westfield Stratford City

Une demi-décennie après les jeux olympiques, je suis étonnée de voir autant de monde sur le site. M’attendant à de grands espaces bétonnés autour d’architectures grandiose mais inutiles, je me retrouve face à un immense parc magnifiant des structures sportives ayant tout l’air d’être en activités. On est bien loin de Rio et Athènes et de leurs « éléphants blanc », qui surnomme un équipement public (sportif ou non) qui se révèle ruineux par son entretien ou son exploitation.

 

Plan pendant les jeux – plan aujourd’hui – plan prévisionnel*

Comme on peut le voir sur les plans, une partie des installations a été démontées afin de garder l’essentiel des équipements de classe mondiale pouvant servir au plus grand nombre. Le parc Queen Elizabeth a été entièrement réouvert deux ans après la clôture des jeux, proposant un vaste paysage accompagné de canaux et de terrain de jeux pour enfants. Parmi les curiosités du site, on peut trouver des mini-jardins représentant divers type de climats, comme les Amériques, l’Afrique du Sud ou la Méditerranée. Quatre circuits à thème pour la marche à pied sont également à découvrir, ainsi que des fontaines interactives et des pédalos en forme de cygne. Bordant le parc, les anciens logements des athlètes se sont transformés en 2 800 logements dont 700 logements sociaux. Autour, des grues se dessinent et viennent traduire la transformation que subie encore le quartier.
« L’ouverture du Queen Elizabeth Olympic Park n’est pas la fin de l’histoire de la transformation. Nous réalisons un nouveau cœur pour l’est de Londres, source d’emplois, de logements et d’investissements culturels et éducatifs avec des partenaires comme le Victoria & Albert Museum et University College de Londres. C’est un moment absolument palpitant pour tous les Londoniens et nous les invitons tous à venir découvrir le Queen Elizabeth Olympic Park par eux-mêmes. » Denis Honne, directeur général de LLDC

Queen Elizabeth Olympic Park

Une partie de la foule de ce 2 juillet et dû au « Great Newham London Run ». Cette course de 10 km dans le parc, emmène les coureurs de l’emblématique Arcelor Mittal Orbit, vers le London Aquatics Center avant de revenir derrière le stade vers la Copper Box Arena. À 7 km, les coureurs traversent la rivière Lea en direction du VeloPark avant de retourner au stade. Ceux qui arrivent au bout ont alors la chance d’avoir leur propre moment olympique lorsqu’ils franchissent la fameuse ligne d’arrivée dans le stade. De l’enfant en poussette à la personne âgée, chacun est poussé par l’évènement et par la symbolique du lieu. Le vœu des organisateurs des J.O. était de remettre la population au sport. Le slogan « Inspirer une génération » traduit bien ce souhait. Cinq ans plus tard, on ne peut que constater cet engouement positif autour de ces installations sportives.

Des équipements sportifs de pointe

En suivant le parcours des coureurs, on peut ainsi découvrir les architectures qu’ont laissées les jeux derrière eux. Agréablement surprise, j’ai pu rentrer dans 4 d’entre elles.

La tour Arcelor Mittal Orbi

Si les organisateurs des jeux avaient essayé de mettre plus d’argent dans la rénovation du quartier et moins dans le caractère spectaculaire des architectures, ils sont revenus sur leur parole en commandant cette tour olympique. Cette sculpture en acier, d’une hauteur de 115 mètres est le plus grand projet d’art public d’Angleterre. Dessiné par le sculpteur Anish Kapoor et l’ingénieur Cecil Balmond, la tour est sensée offrir une vue imprenable sur l’ensemble du parc olympique et le futur Stratford. Malheureusement, l’entrée reste beaucoup trop chère pour un simple panorama. De plus, le design, bien que combinant parfaitement sculpture et génie des structures, reste assez discutable est peu accordée au reste des installations. C’est après l’installation d’un toboggan, en juin 2016, que la tour a renoué avec le public qui était, dans un premier temps, très mitigé.

Le London Aquatics Center

Dessiné par Zaha Hadid, la piscine olympique est la première architecture que l’on croise en entrant dans le parc. Sachant qu’elle avait été réalisée par cette « star-architecte », je suis assez surprise de la sobriété de l’édifice. Comme le mouvement d’une vague, la toiture ondulée vient couvrir un socle en béton tout en arrondis. Les bassins sont alors baignés dans une lumière naturelle permise par le galbe des arcs structurants et les façades latérales vitrées. Toujours dans le langage fluide de l’eau en mouvement, le centre aquatique vient s’affirmer par son allure futuriste. On peut alors admirer l’entièreté de sa beauté qu’en arrivant sur le pont menant vers le stade. Aujourd’hui utilisé comme piscine municipale, elle avait lors des jeux une autre configuration. En effet, en entrant dans l’édifice et en constatant le « peu » de gradins qu’il reste, il est difficile de s’imaginer qu’il ait pu être utilisé à des fins olympiques. Zaha Hadid avait alors pensé à des ailes métalliques accueillant 15 000 places, venant compléter les 2500 places qui bordent les bassins. C’est qu’après le démontage des ses extensions que la piscine a pu dévoiler sa silhouette définitive.

La copper Box arena

Conçu par MAKE Architectes, Populous, Arup et PTW architects ayant également conçu le « cube d’eau » de Pekin, l’emblématique Copper Box, est très sobre de l’extérieur. En forme de boite, le bâtiment reste assez austère de part sa couleur sombre et son opacité. Un niveau vitré entoure le bâtiment permettant aux visiteurs de voir les événements sportifs qui se déroulent à l’intérieur et peut être d’éclairer et d’animer le lieu lorsqu’il est allumé la nuit. Un socle en briques sombres percé de menuiseries rouge vient asseoir le bâtiment sur le site. Le revêtement de cuivre couvrant le reste de la boite donne un aspect unique qui développera apparemment une couleur naturelle riche et améliorera la structure à mesure qu’elle vieillit. Cette architecture est l’une des initiatives les plus vertes du Parc Olympique. Le lieu a été conçu et construit avec la durabilité comme priorité. Parmi ses nombreuses fonctionnalités innovantes, le toit de la Copper Box est équipé de 88 tubes de lumière qui laissent pénétrer la lumière naturelle dans le lieu, réduisant ainsi la demande en éclairage électrique. La forme simple du lieu offre une flexibilité d’aménagement afin d’accueillir des activités allant de la compétition internationale aux sports communautaires. On peut ainsi y pratiquer le basketball, le handball, le badminton, la boxe, les arts martiaux, le netball, le tennis de table, le rugby et enfin le volley-ball.

 

Le Lee Valley VeloPark

Ce vélodrome conçu par Hopkins Architects et Grant Associates se pose comme une soucoupe volante sur un parterre d’herbe. Visible de loin, j’avais hâte de la retrouver. Ses façades sinueuses bardées de cèdres rouges s’ouvrent vers le ciel. La toiture concave à double courbure, réalisée à l’aide d’une structure métallique, laisse des fentes vitrées permettant à la lumière naturelle d’entrer. Les coursives vitrées ouvertes au public viennent séparer les tribunes périphériques de 6000 places. A l’intérieur du bâtiment, c’est du Pin de Sibérie issu de forêts éco-gérées, qui vient revêtir la piste cyclable. L’ensemble de l’architecture brille par sa pureté.

 

Le London Olympic Stadium

Racheté par le club de football de West Ham en 2016, le stade, dessiné par les architectes Populous et Sir Peter Cook, a subi beaucoup d’aménagements après les J.O. (suppression d’un étage, couverture des gradins…). Pas particulièrement spectaculaire, il reste impressionnant de part sa transformation. Il est passé de 80 000 places pendant les jeux, à 54 000 définitives. Dépouillé de son revêtement extérieur, il laisse apparaître aujourd’hui, de grandes structures métalliques. Ces dernières viennent alors se prolonger en porte à faux au dessus des gradins pour venir les couvrir.

Vue du parc

Un constat urbain mitigé

Tout au long de cette promenade, j’ai pu mesurer la réussite de l’adaptabilité des structures créées pour les Jeux Olympiques. Les installations sportives ont réellement retrouvé un usage quotidien et le parc reste une respiration verte dans le quartier. Bien desservi par les transports publics, le parc olympique et le centre commercial trouvent facilement leur public.
Le dépassement de plus de la moitié du budget des J.O. annoncé au départ est alors justifié par la volonté de réhabiliter l’East End de Londres. Aujourd’hui, lorsqu’on se rend à l’aéroport de London City, on ne traverse plus une zone en friche comme autrefois. Pourtant, on n’est toujours pas sur un quartier dit « à la mode ». 2 800 logements ont été mis à disposition, mais ils sont assez loin de la station de métro, perdus dans le Queen Elisabeth Olympique Park. Ils restent en dessous du marché londoniens mais ne sont absolument pas abordables pour les anciens du quartier. La promesse des promoteurs des J.O., de réserver la moitié des logements à des loyers à faible coût est aujourd’hui très loin. 12 ans après l’attribution des jeux, Stratford est toujours en transformation. D’ici 2030, 24 000 nouveaux logements sont attendus. De plus, l’University College London, le London College of fashion, la salle de danse contemporaine et une annexe du Victoria et Albert Museum vont être construits. Le quartier a alors encore le temps de faire ses preuves…
« Pour avoir habité un moment dans l’E9 et l’E16, à côté du Parc, c’est pas une franche réussite côté intégration sociale en effet. Stratford on y va soit pour voir les Hammers (qui ont récupéré le stade à vil prix), soit pour zoner dans les deux gros centres commerciaux sans âme. Les logements construits sont en effet à destination des ménages (très) aisés. Les modestes sont repoussés un peu plus loin, vers West Ham et plus loin, Barking. Où l’on détruit les HLM pour faire du haut standing. » Commentaire d’un internaute à la suite d’un article en ligne.

Agathe Briday
Visite du 2 juillet 2017

*plans du magazine a+u, n° 503

Bibliographie

« London 2012 Olympics », Architecture and Urbanisme, 2012:08, n°.503
Lain Sinclair, Londres 2012 et autres dérives, Manuella Éditions, février 2011

Webographie

https://www.letemps.ch/sport/2017/08/02/jo-londres-cinq-ans-apres-reve-dure-realite
http://www.liberation.fr/sports/2017/07/10/jo-de-londres-un-succes-durable-mais-pas-social_1582943

http://www.lemonde.fr/sport/article/2017/08/10/jo-a-londres-la-transformation-inachevee-du-parc-olympique_5170856_3242.html

http://www.lemonde.fr/sport/article/2013/03/29/a-saisir-parc-olympique-etat-neuf_3149835_3242.html