Le Musée Juif de Berlin de Daniel Libeskind est un conglomérat de sentiments, transformés en un bâtiment. Les expériences à l’intérieur sont diverses et une vision objective du bâtiment est difficile. Cependant la question que je me pose est la suivante : Est-ce que l’architecture est au service de l’exposition ? Ou est-ce que Libeskind a voulu créer une oeuvre architecturale ensoi ?

Le musée juif

le musée juif

ARRIVÉE

De la gare Hallesches Tor on arrive en longeant le nouveau bâtiment puis on arrive en face de l’ancien bâtiment. La forme en zigzag de l’immeuble se confond avec les lignes obliques des fenêtres et des ouvertures, ce qui produit une sensation de déséquilibre. La façade en zinc brille et le bâtiment apparait comme un objet étranger.

Entre l’ancien bâtiment, le « Kollegienhaus » de la période baroque, et l’immeuble nouveau, il n’y a aucun lien visible. Je trouve que c’est une bonne solution. Au niveau architectural, deux mondes se rencontrent. La séparation entre nouveaux et anciens peut être interprétée comme la représentation de la séparation entre le passé, le présent et l’avenir. L’écart entre les deux structures symbolise l’ère du national-socialisme, un chapitre sombre de l’histoire allemande. Ce thème se retrouve non seulement dans l’exposition, mais aussi dans l’architecture du bâtiment.

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l’écart entre anciens et nouveaux

L’entrée

L’entrée du musée est située dans l’ancien bâtiment. Premièrement on arrive dans le hall d’entrée central. L’intérieur est habillé de blanc, mais les voûtes en briques croisées de l’ancien bâtiment est encore visible. Toutes les fonctions sont accessibles depuis ce point. Près de l’entrée se trouve un bureau d’information et un vestiaire. Le café du musée le jouxte. En parcourant le hall, on atteint rapidement l’entrée du musée, où l’on trouve à côté la boutique du musée et à l’étage une exposition temporaire d’œuvres artistiques.

« Sukka » – La cour du « Kollegienhaus »

Avant de regarder l’extension de Libeskind, je voudrais dire quelques mots sur la cour de Kollegienhaus. Elle a été couverte  8 ans après la fin de la construction du Musée Juif. Elle a été également conçue par Libeskind.

Libeskind a appelé le projet « Sukka ». Il s’inspira pour la forme de la structure en acier des cabines, qui sont construites au cours de la fête juive de Souccot lors de la danse et de la célébration.  Le patio couvert permet de ne pas détruire les façades anciennes du bâtiment.  Les meneaux qui portent la façade de verre sont fins et permettent une vue dégagée sur le jardin, au contraire, les quatre colonnes en acier blanc massives rappellent des arbres et sont très présentes. Libeskind a créé un espace très lumineux, haut et agréable, ce qui permet une transition douce entre l’espace intérieur et extérieur.

La façade du cour

la façade de la cour

LA CONCEPTION

Maintenant on passe dans le Musée Juif. Le bâtiment a été construit entre 1993 et 1999 à côté de l’ancien musée d’histoire de la ville de Berlin dans le « Kollegienhaus ». Initialement prévu comme une extension, le Musée Juif de Berlin est aujourd’hui mondialement célèbre. C’est la première conception architecturale de Libeskind qu’il a réalisée.

Lors de la conception, Daniel Libeskind, né en Pologne en 1946, avait toujours l’histoire juive-allemande en tête. C’est un thème qui se reflète dans l’architecture du bâtiment. Il a essayé de transformer des pensées et des sentiments dans un bâtiment. Cependant, il laisse libre l’interprétation de l’architecture. Ça permet ainsi à chaque visiteur d’avoir sa propre interprétation, sa propre expérience personnelle de l’espace.

« What is important is the experience you get from it. The Interpretation is open. » – Daniel Libeskind

le plan

le plan (source: http://libeskind.com/wp-content/uploads/museum-plan-c-sdl-2280×1106.jpg)

Libeskind a développé la forme du bâtiment, en traçant des axes reliant les adresses des différentes personnalités de l’histoire de Berlin sur une carte. Parmi les personnalités juives et non-juives, on peut citer par exemple le compositeur Arnold Schoenberg et l’architecte Ludwig Mies van der Rohe.

La ligne en zigzag que Libeskind a formée est recoupée par une ligne droite qui forment des espaces vides appelés des « Voids » présents à tous les étages. Ces vides référent à la destruction du nazisme et à la guerre. Le vide montre ce qui est absent, c’est une métaphore de l’absence liée à la guerre. Libeskind appelle sa conception « Between the lines ».

coupes

les coupes (source: http://libeskind.com)

VISITE DU MUSÉE JUIF

L’entrée

Dans l’ancien bâtiment, un grand vide s’ouvre sous la forme d’une installation de béton. Un escalier noir descend loin dans le sous-sol. C’est l’entrée du musée, qui est conçue comme un objet étranger dans l’ancien bâtiment. L’architecture nouvelle bouscule l’ancien, cela représente ce que le nazisme a fait à l’histoire juive.

l'escalier vers le sous

l’escalier vers le sous-sol

Les trois axes

Si l’on descend les escaliers, on arrive au sous-sol. Il comporte trois longs et larges couloirs qui se croisent. Ils sont carrelés de pierres sombres, les murs sont blancs et les plafonds vêtus de noir. Au milieu du plafond il y a une bande de lumière blanche. Le sol, les murs et le plafond sont obliques de l’autre côté. Les angles droits n’existent pas ici et ça provoque un malaise. Ce malaise est aussi le premier sujet de l’exposition. Les trois corridors sont appelés « Achse der Kontinuität » / « axe de la continuité », « Achse des Exils » / « axe de l’exile » et « Achse des Holocausts » / « axe de l’Holocauste ». Les axes marquent les fatalités des conditions des Juifs allemands pendant la période nazie. L’axe de la continuité mène du sous-sol vers l’escalier principal qui ouvre sur l’exposition permanente. L’axe de l’exil conduit vers le haut au « jardin de l’exil » / « Garten des Exils ». Les deux axes sont tranchés par l’axe de l’Holocauste, qui mène à la « tour de l’Holocauste » / « Holocaust-Turm ».

Dans les murs de ces deux derniers axes, des vitrines d’exposition sont intégrées. Celles-ci parlent des thèmes de l’exil et de l’Holocauste et sont basées sur des objets personnels, des histoires et destins personnels de juifs.

Le contenu de l’exposition est incluse dans l’architecture. L’incertitude, la tristesse, le choc, sont des sentiments que j’ai eu dans ces salles. Les histoires sont terribles et l’architecture les renforce.

l'axe de l'Holocaust

l’axe de l’Holocaust

Le jardin de l’exil

À la fin de l’axe de l’exil on trouve le jardin de l’exil. Il est composé de 49 stèles en béton, de 7 x 7 stèles érigées dans un carré, la seule forme rectangulaire dans tout le musée. Les stèles sont remplies de terre et plantées de saules, formant un toit en été. Principalement on relie l’exil avec le sauvetage et la sécurité. Cependant, le jardin de l’exil donne un sentiment différent. Le sol est incliné et les stèles aussi. Ici, on ressent l’incertitude des réfugiés lorsqu’ils arrivent dans un pays étranger. Entre les stèles, il y a beaucoup de chemins, mais aucune cible claire et le point le plus bas se trouve à l’entrée du jardin. On retourne toujours là bas, à la patrie. Les stèles peuvent selon mon interprétation représenter les buildings de Manhattan, où de nombreux réfugiés sont arrivés. Les 49 stèles peuvent aussi symboliser les 49 jours entre les fêtes Juives, Passah et Chavouot. Passah célèbre l’exode d’Egypte, qui est également une fuite.

« One feels a little bit sick walking through it. But it is accurate, because that is what perfect order feels like when you leave the history of Berlin. » – Daniel Libeskind

Le jardin de l'exil

le jardin de l’exil

La tour de l’Holocauste

L’axe de l’Holocauste se termine par la tour de l’Holocauste. Cet espace est une sorte de mémorial dans le musée. C’est un espace vide, un « Void ». La tour fait 24m de haut et est en béton brut. L’espace n’est pas ventilé et n’est pas éclairé artificiellement. La lumière du jour tombe seulement à travers une saignée. Le mémorial est en constante évolution avec la lumière, la température et le bruit de l’extérieur. Ce lieu est très sombre et à l’entrée de chaque personne,  cette pénombre impose une solennité qui force le silence. Les premières pensées en rentrant dans cette espace vont à l’histoire tragique des familles juives.

la lumière dans la tour de l'Holocaust

la lumière dans la tour de l’Holocaust

L’exposition permanente

Après la visite à la tour de l’Holocauste la visite continue sur l’axe de continuité où l’escalier principal mène à l’exposition permanente. On peut considérer l’escalier comme une sorte d’escalier vers le ciel, parce qu’on monte du sous-sol sombre vers un espace lumineux. Des traverses de béton transpercent l’espace. Elles semblent dégringoler.

l'escalier vers l'exposition permanente

l’escalier vers l’exposition permanente

L’espace d’exposition permanente est continue dans le bâtiment en zigzag mais des transitions s’opèrent dans les coins de ce volume complexe.  Toute l’histoire du judaïsme nous est présentée. Des médias ludiques sont utilisés et il y a beaucoup d’objets exposés dans les collections. Malheureusement, je n’étais pas totalement réceptif au contenu de l’exposition après les expériences impressionnantes dans le sous-sol.

On trouve également dans l’exposition permanente de nombreux « Voids ». Grâce à des fenêtres on peut examiner les « Voids » qui sont totalement vides. Dans un « Void » il y a des centaines de visages métalliques : c’est une image bouleversante.

ET QU’EST-CE QUI RESTE?

Daniel Libeskind a créé une architecture qui se veut expérimentée et interprétée. L’architecture est impressionnante et chargée de symboles. Cependant, je trouve que l’architecture dessert l’exposition. Les trois axes dans le sous-sol sont pour moi le cœur du projet. L’incertitude et l’anxiété sont là-bas très forte et impressionnante.

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Voyage effectué en octobre 2016

Philipp Brodbeck

RÉFÉRENCES :

_Rafael Roth Learning Center dans le musée

_https://www.jmberlin.de/der-libeskind-bau

_http://libeskind.com/work/jewish-museum-berlin/