Souvent considérée comme la plus ancienne capitale du Maroc, Fès est également un joyau de connaissances dans le monde des civilisations arabo-musulmanes. Elle a été fondée par les Idrissides à la fin du VIIIe siècle de l’ère chrétienne, au temps de Charlemagne et d’Haroun Rachid. En 1276, le règne des Mérinides apporta à la ville un nouveau semblant administratif et guerrier en fondant une nouvelle partie de la ville: Fès Jdid.


Dans cette partie de la ville, l’histoire des dynasties marocaines est contenue dans les murs poussiéreux et dans les remparts vieillis par les guerres et par le temps. Dans ce décor, on aperçoit les murailles du palais royal qui s’ouvre sur la place des Alaouites par d’immenses portes ciselées dans le cuivre. Une esplanade déserte que sillonne la garde royale.
Nous voilà, marchant vers le quartier juif de Fès Jdid : le Mellah qui s’est formé dans l’ancienne Kasbah des archers syriens au XIe siècle. L’architecture de ce lieu est sans équivalent de par l’éclosion de son identité et de ses savoirs faire. Les bâtiments sont composés systématiquement d’un rez-de-chaussée réservé  au commerce et un étage, ou parfois deux, disposants d’un grand balcon. Ces balcons sont une forme d’ouverture vers l’extérieur qui brave l’architecture basique et pudique de Fès El Bali ( la partie ancienne de Fès ).

Batiment type du quartier Mellah

Batiment type du quartier Mellah

Chaque balcon est protégé par une loggia sculptée en bois prenant cette forme symbolique d’arc brisé. Le décor qu’engendrait le balcon donnait à la façade toute sa magnificence. Plus on marchait, et plus on s’intéressait aux détails de ces nombreuses façades. Souvent, on s’émerveillait de voir des lianes enguirlander ses loggias. Le mois d’avril donnait aux fleurs une floraison abondante et un feuillage étincelant. En dessous des fenêtres, sur les toitures ou sur les auvents, on retrouve les tuiles vertes vernissées (karmoud), un pigment de couleur apprécié dans l’architecture arabe. A l’époque, tout comme de nos jours, des marchands ambulants y travaillent du matin au soir occupant les trottoirs et les coins de rues. L’étroitesse des rues donne une impression de déjà vu de la ville de Marrakech.
De loin on voit les majestueux pins d’Alep du jardin de Jnan Sbil, qui représente un trait d’union entre Fès Jdid et Fès El Bali. Ce havre de paix a été construit au XVIIe par Moulay Abdellah sous la dynastie Alaouite. Attenant au palais royal, le jardin fut inaccessible au peuple jusqu’à l’arrivée du Maréchal Lyautey durant le protectorat français qui en fit un espace public. De ces 7,5 hectares de verdure, Jnan Sbil est un poumon pour la ville offrant à ces habitants une atmosphère propice à l’évasion. Ce jardin est un patrimoine paysager et architectural qui fut réhabilité en 2011.

Arrivant par le boulevard Moulay Al Hassan nous pénétrons dans ce paradis par la porte principale qui offre une vue dominante sur l’allée centrale. La symétrie des plantations et les différentes fontaines font tout de suite penser aux jardins arabo-andalous, partie intégrante de l’équilibre architectural et de la vie quotidienne. Le bassin central, séduit les visiteurs par sa forme géométrique étoilée qui entourée par du romarin enchante notre ouïe et notre odorat. L’eau ruisselante du bassin nous mène vers une rangée d’arbre cachant l’oued Djawahir :la rivière des perles. Les oiseaux quittent leur arbres pour se rafraichir dans les systèmes d’irrigation appelés Saguias qui se tiennent de part et d’autre du jardin. Au loin, se tient un magnifique objet qui attire mon attention : une Noria, un système hydraulique permettant d’élever l’eau en utilisant l’énergie produite par le courant afin d’arroser le potager. Lorsqu’on traverse les deux canaux, on se retrouve devant une étendue d’eau réunissant rêveurs et amoureux discrets.

 

Panorama sur Fes Al Bali

Photo prise par PIALLO  –   Site internet : www.flickr.com

Nous quittâmes Fès Jdid, pour voir la ville sous un autre angle. Aujourd’hui, les remparts en ruines entourent cette ville immense et active blottie dans une vaste vallée. La route de Sidi Hrazem surplombant la ville nous intéressait. Nul endroit ne pourrait procurer un tel sentiment de hauteur et de plénitude en voyant la ville à nos pieds. Ce panorama de toiture et de verdure raconte l’histoire de la ville. Au loin, à ma droite j’aperçois la mosquée Al Qarawiyyin reconnaissable par ses toitures en tuiles vertes vernies et son minaret blanc autour de laquelle s’étend le quartier qui auparavant était peuplé par les arabes venus de Kairouan (Tunis actuelle) au IXe siècle. A la même époque, les arabes de Cordoue s’installent au sud de la ville dans le quartier Andalous. La réunion de ces deux quartiers permettra la formation de la ville de Fès que j’admire de ce belvédère.

Maintenant, le temps est venu de s’arracher de ce spectacle et de descendre dans la ville, de la pénétrer, de se perdre dans ses rues et dans son paysage. Quelle porte dois-je emprunter? Quel parcours emprunter? Où est mon plan? Ces nombreuses questions que posent tous les touristes en arrivant dans cette ville, mais en y repensant, nous sommes tellement omnibulés par les détails de la ville que nous oublions notre chemin. La curiosité de voir ce que cache chaque rue trouble notre sens d’orientation.

Je décidais alors d’emprunter Bab Boujloud, une des nombreuses portes qui donnent accès à l’ancienne médina. Deux artères principales traversant la médina partent de cette majestueuse porte ; Talaa sghira, talaa kbira. Bab Boujloud est composée de 2 portes symétriques latérales pour les visiteurs et une grande porte centrale en arc cintré qui permettait et qui permet toujours le passage des charrettes. Cette porte est une relique du passé de la ville et des dynasties qui l’ont traversée. La couleur bleue vif de la céramique ornant ces trois portes attire les touristes et les renvoie à une ère lointaine. La porte dispose d’une deuxième façade ornée de céramique émaillée verte que l’on découvre après avoir franchi la porte. Nous pénétrons dans le quartier qui fait jonction entre la vieille cité et les constructions Mérinides.

C’était plus ou moins l’heure de la prière du Duhr (midi), lorsque l’on entendit la voix du muezzin se diffuser du haut de la Medersa Bou Inania, une école coranique datant de l’époque du sultan Mérinide du XIVe siècle : Abou Inan Faris. L’appel de la prière nous guida jusqu’à sa porte où on fut émerveillé devant une horloge à eau ; un système qui permettait à l’époque de définir avec précision les heures de prière. A l’intérieur, nous parcourons des escaliers sombres, puis un couloir avant de déboucher sur une grande cour centrale, sur laquelle on retrouve une petite fontaine d’ablutions. Les visites ne sont pas interdites pendant les heures de prières. Nous avons donc profité de la vue de ces deux halls ouverts sur la cour et surmontés de dômes de bois. Les symétries parfaites du plan, le zellige étincelant, le travail des muqarnas, le bois sculpté de géométries complexes et d’écritures coraniques faisait de cet endroit une œuvre artistique éblouissante.

Après ce spectacle d’architecture, nous plongeons dans les ruelles étroites du quartier ou se trouve les souks (marchés). Plus on avançait, plus on découvrait des souks différents. Le souk Attarine réunissant les épiciers dont on reconnait l’odeur même avant d’y pénétrer. Puis ensuite, le Souk Najjarine réunissant les menuisiers où l’odeur du cèdre domine l’air.
Dans les rues du souk Najjarine, on retrouve un lieu culte et incontournable pour les habitants et les touristes : la fontaine Nejjarine. Ornée d’un fronton au bois sculpté, et de zellige multicolore, cette fontaine attire énormément de touristes. les géométries captivantes du zelliges ressemblent à des fractales, plus on s’approche et plus le détails s’enrichit.

Nous nous dirigeâmes vers la Zaouïa de Moulay Idriss, un lieu saint, renfermant la dépouille du fondateur de la ville. Ce sanctuaire, de sa splendeur est un témoignage de la ville à Moulay Idriss II. Il fut construit par les Mérinides en 1440, et au cours des siècles et il fut lourdement modifié voire même complètement remplacé au XVIIIe siècle par Moulay Ismail dans un style typique des Alaouites. Au fil du temps, on y rajouta en extension une mosquée.
Dans la cour, le regard est perdu dans les détails du stuc travaillé en dentelle dans des reliefs apparents. La fontaine centrale d’ablutions y est présente et on aperçoit des fidèles jambes croisés assis sur des tapis artisanaux en laine teintée en rouge et décorée de géométrie bleues.
L’édifice dispose d’une grande coupole pyramidale verte qui abrite le tombeau Idrisside. A l’intérieur, la sépulture est recouverte d’un magnifique baldaquin de bois sculpté à incrustations de cuivre et d’or et entouré de nombreuses colonnes en feuille de marbre noire et blanches. Les grands lustres surplombant les antichambres illuminent l’espace et créent des ombres sur les reliefs des murs de stucs. Les détails à l’intérieur sont troublants et témoignent de la dévotion des volontaires qui ont en parti construit ce lieu.

La couleur éblouissante dorée de l'intérieur de la Zaouïa

Intérieur de la  Zaouïa

Au abord de ce lieu saint, les rues devenaient de plus en plus marchandes, et souvent sur la route on voyait des marchands arroser le sol. Cette pratique permettait de refroidir l’atmosphère disait un marchand en nous montrant un système de pergola au-dessus de nos têtes. Dans certaines rues, les marchands et les habitants ont choisi d’installer un grillage en roseau permettant de filtrer les rayons du soleil afin de conserver la fraîcheur. Les trous de ce maillage créent une ambiance agréable dans les rues.

Plus nous nous approchons de la mosquée Al Qarawiyine, une des premières universités aux mondes, plus les medersas, ou les écoles se multiplient. Parmi elles :
– Médersa Attarine fondée par Abou Saïd au début du XIVe siècle, elle doit son nom au souk d’épices attenant
– Médersa Seffarine : particulièrement saisissante puisqu’elle se situe sur la place du même nom Seffarine (dinandiers), où retentit inlassablement le bruit du métal que l’on façonne pour les portes ou les ornementations. Elle fut construite par le Sultan Mérinide Abou Youssef en 1280 et jusqu’à aujourd’hui elle abrite de jeunes étudiants en théologie de la mosquée Qarawiyine.
La mosquée Al Qarawiyine apparaît au loin avec ses tuiles vertes où les rayons du soleil se reflètent lui donnant une couleur étincelante. Cette mosquée fut érigée en 859 sous le règne de la dynastie Idrissides par Fatima al-Fihria fille d’un riche homme d’affaire émigré de Kairouan. A partir du Xe siècle, elle devient l’une des premières universités dans le monde. Elle est considérée comme la plus ancienne université dans le monde encore en activité. Au début, on y enseignait principalement le coran et sous le règne des Mérinides on commencera à y enseigner plusieurs matières : les mathématiques, la philosophie, la jurisprudence, l’astrologie et l’astronomie mais aussi la science du langage et bien entendu la théologie.
Ce lieu est l’emblème de la ville et son architecture est un bon exemple pour illustrer le style arabo-andalou. La mosquée compte 270 colonnes formant 16 nefs de 21 arcs chacune. De ces 17 portes on voit jaillir des touristes, des enfants, des fidèles et des étudiants. Ce monument dispose également d’une bibliothèque rassemblant d’anciens parchemins, manuscrits racontant l’histoire, la science de l’époque de la création de cet établissement. Lorsqu’on y entre, on entend le ruissellement de la fontaine centrale qui ensorcelle nos sens. Le zellige mouillé autour de la fontaine et les détails hypnotisants des façades offrent à ce lieu un charme et un caractère envoûtant.

Intérieure de la mosquée Al Qarawiyine

Intérieur de la mosquée Al Qarawiyine

Cette ville par son charme, est particulière pour chacun, puisque chacun y est séduit différemment. C’est aussi une ville où l’on goûte, où l’on subit et s’imprègne du moindre courant d’air porteur d’odeur ou de fraîcheur. Courir dans ses rues, y habiter, y acheter ses vivres en est une autre expérience.

Parcours de la visite :

Points importants du parcours

Points importants du parcours

 

Salma LAFDILI ALAOUI

 

voyages : le 11  février 2016 / le 15 et 16 avril 2016

Bibliographie :

-Maroc, Charles PENZ, édition OGE , 32pages.

-Terrasse, H., Villes impériales du Maroc, Grenoble, 1937

-http://www.manumed.org/fr/bibliotheque_mediterranee/11-bibliotheque_de_l_universite_al_quaraouiyine_a_fes.htm

-http://www.cosmovisions.com/monuFes.htm

-http://adafes.com/forum_adafes/read.php?4,2280