On est en vacances ? Non, il n’y a juste pas de cours, mais c’est justement l’occasion d’avoir d’avantage de temps personnel pour travailler. Tant pis, je vais quand même partir quelques jours, cela fait un moment que Copenhague me fait de l’oeil.
Comment découvrir une ville en trois jours ? Rien ne sert d’essayer d’en voir un maximum en planifiant un nombre incalculable de « visites éclair », l’issue d’un tel projet ne mène qu’au stress et à la frustration. Je préfère cibler 4 ou 5 bâtiments qui me tiennent à cœur et ensuite me laisser surprendre par ma curiosité en visitant la ville.
LES GRANDES LIGNES
Copenhague, quand on ne la visite que 3 jours, c’est pas mal. C’est pas mal petit, pas mal plat et pas mal froid en février. C’est pas mal riche aussi, et vraiment cher du coup. C’est plutôt agréable à arpenter en vélo et conformément aux clichés, les gens sont plutôt grands et blonds. Pas de pauvreté, de personne en surcharge pondérale ou de déchets dans les rues, on est à la limite de l’espace aseptisé … hypercontrolé ? Même les arts de rue ont quelque chose de propre et rangé. Tout au long de la journée les gens courent, baladent leurs chiens, ils ont l’air heureux.
En terme d’architecture, c’est grandes fenêtres et baies vitrées sans rideaux dans toute la ville, une qualité et une simplicité dans chaque détail constructif de chaque bâtiment, le tout est bien entretenu, un régal pour les yeux. Tout y est soit d’un contemporain minimal irréprochable, soit d’un typique digne d’une carte postale. Il y en a pour tout les goûts.
Seul point dissident à cet ordre et cette droiture générale, Christiana. Un quartier en plein centre historique créer sur les ruines d’une ancienne caserne et autoproclamé « ville libre de Christiana », avec ses propres loies, sa propre monnaie, son propre système politique, et guidée par des squatters, de chômeurs et de hippies. Petite ville qui ferrait l’objet d’un article à elle seule et dont je ne parlerais pas plus ici.

Copenhague à proximitée du 9 rue Thorupsgade ©charles.p
UN PEU D’HISTOIRE
Pour résumer très brièvement son histoire, Copenhague n’était, à l’origine, qu’un petit village portuaire nommé Havn (« port ») jusqu’au milieu du XIIe siècle. Elle prit son essor lorsque Valdemar le Grand confie la ville à l’évêque d’Absalon, qui entoura la ville de fortifications en 1167. Le port prit par la suite le nom de Kaupmannahafn (port des marchands), qui a donné København (Copenhague) en danois. La ville devint rapidement un centre de commerce incontournable de la mer baltique. En 1443, Christophe III, roi de Danemark, de Norvège et de Suède, décida d’en faire la capitale du pays.
Elle connut ensuite un fort développement au VXIeme et XVIIe siècle. En 1658-1659, elle résista au siège conduit par les Suédois menés par Charles Gustave. Cependant, la ville fut très touchée par la peste de 1711-1712 et ensuite endommagée par les grands incendies de 1728 et 1795. En 1807, des navires britanniques bombardèrent la ville afin d’éviter que la flotte danoise ne capitule devant Napoléon, causant de lourds dommages et faisant des centaines de victimes.
La capitale, qui regroupe aujourd’hui près d’un tiers de la population danoise, est le centre économique et culturel de la région de l’Øresund (un centre important de l’économie scandinave et une des régions les plus dynamiques d’Europe ).
4 PROJETS A VOIR EN VRAI :
Premier jour, première surprise : kastrup sea bath
En arrivant à Copenhague, je prends le tram faisant la liaison entre l’aéroport et le centre-ville. (Première constatation, les trams de Copenhague ont 3 fois moins de places assises qu’en France, les gens le prennent debout) Depuis le wagon, j’aperçois près de la mer une installation en bois qui me rappelle quelque chose, je décide donc de sortir de mon moyen de locomotion à l’arrêt suivant pour voir l’objet architectural en question. Je ne suis alors pas encore à Copenhague, mais en banlieue, dans la ville de Kastrup.
Il est plutôt loin de l’arrêt de tram, mais le trajet en vaut la peine puisqu’il s’agissait du « kastrup sea bath » de White arkitekter AB. Une installation en bois dédié à la baignade située à une centaine de mètres de la berge, et reliée à celle-ci par un ponton. De forme circulaire, elle protège les baigneurs du vent (qu’importe sa direction) et monte progressivement jusqu’à 5m de haut où elle se termine en plongeoirs. Son bois ( de l’Azobe) a été choisi pour sa résistance aux intempéries maritimes ainsi que pour sa durabilité.
Ce projet fut un moteur de régénération urbaine, puisque la plage qui lui fait face fut créée en même temps et en conséquence de son installation. Il s’agit aujourd’hui d’un lieu de détente très pratiqué par les habitants de Copenhague et de sa banlieue.
Le projet fait face à la plage d’une manière accueillante, il n’a rien de privé ou d’exclusif, d’ailleurs il est totalement public et ne peut être fermé. Il est accessible à tous, indépendamment de l’âge ou de la mobilité physique. La baignade n’est pas obligatoire, mais le projet nous y invite sérieusement, on y trouve des cabines, une douche, de quoi s’asseoir, s’allonger, etc… Le geste architectural est net et élégant, le projet dialogue avec son environnement de manière subtile, laissant entrevoir le paysage environnant depuis l’intérieur au travers des tasseaux de bois qui composent ses murs. Sa partie haute est un observatoire d’où on aperçoit Copenhague, les zones résidentielles et industrielles des villes environnantes.
- kastrup sea bath ©charles.p
- kastrup sea bath ©charles.p
- kastrup sea bath ©charles.p
“My idea was to achieve a sculptural, dynamic form that can be seen from the land, from the sea and from the air” raconte Fredrik Pettersson. “The silhouette changes as the spectator moves around it.”
Je serais bien resté plus longtemps dans cette installation, mais il me faut rejoindre mon auberge de jeunesse avant qu’il ne soit trop tard et que je me retrouve à dormir dehors.
Deuxième jour, le Danish Royal Playhouse :
Parmis les différents bâtiments vus le lendemain, l’un d’eux m’a particulièrement marqué, il s’agit du Danish Royal Playhouse de Lundgaard & Tranberg. Il se situe près du bras de mer qui sépare la ville en deux, et il est proche du coeur historique de laville. Il est très représentatif de l’architecture de Copenhague.

Danish Royal Playhouse
La Playhouse de Copenhague est la propriété du Théâtre Royal (tout comme les deux autres théâtres de la ville : l’opéra de 2004 avec qui il présente quelques similitudes et la “vieille scène” de 1874).il fut inauguré en février 2008. Conçu par le cabinet d’architectes danois Lundgaard & Tranberg, le bâtiment a reçu un prix RIBA European Award en 2008 pour son architecture.
Le bâtiment se compose de 2 grandes parties distinctes : la base, construite à l’aide de briques d’un brun sombre, longues et fines, mises au point spécialement pour ce projet. Et un volume de verre se posant sur la base du projet, flottant au-dessus de l’espace de café/restaurant. Il abrite les bureaux du théâtre et les coulisses destinées aux acteurs. Au-dessus du bâtiment se trouve un cube de cuivre : la tour de scène. Il abrite les mécanismes qui permettent aux décors et lumières suspendues au-dessus de la scène de bouger verticalement.
Avec presque 40% des 20.000 m² de la surface du bâtiment construite au-dessus de l’eau, le projet incluait également la construction d’une promenade faisant le tour du théâtre près de l’eau. Elle dévie le trajet des piétons sur un chemin de 150 mètres de long, couvert de planches de bois rustiques placées sur des colonnes vénitiennes créant une impression de flottaison.
Cela fait plus de 130 ans qu’un tel théâtre doit être construit à Copenhague, pas étonnant qu’il soit à tel point spectaculaire. Depuis le 19e siècle en effet, le Théâtre Royal du Danemark a besoin d’une scène qui puisse accueillir des compositions plus récentes et modernes que la “vieille scène” de Kongens Nytorv. Avec respectivement 650 et 200 sièges dans les deux auditoriums principaux, et 100 dans la Studio Stage, la Playhouse a de quoi réaliser ce rêve.
Ce qui fait surtout l’originalité de la Playhouse en plus de son emplacement idéal au cœur de Copenhague, c’est son premier étage entièrement ouvert et très finement travaillé dans ses détails. D’une manière typiquement danoise, ce dernier ne cache rien de la vie théâtrale qui s’y déroule, dévoilant couloirs et ateliers de costumes, salles de répétitions et bureaux, faisant des coulisses du théâtre un théâtre de rue à part entière. Ce même volume semble flotter au-dessus du restaurant et du café théâtre faisant face à la mer, il offre une superbe vue sur le port de Copenhague.

Danish Royal Playhouse ©charles.p
C’est un véritable plaisir de prendre un petit macchiato dans un tel lieu, à la fois monumental dans son dessin et très travaillé dans ses détails. Rien n’est laissé au hasard, si le sas rompt la liaison avec l’extérieur lors de l’entrée dans le théâtre, une fois installé à une table, la continuité des sols et des plafonds projette le visiteur hors du volume bâti.

Danish Royal Playhouse ©charles.p
Deuxième jour, une nuit, The Crystal :

the crystal ©charles.p
C’est en me promennant de nuit dans la ville que je vit apparaitre au loint, depuis le pont Langebro, the crystal par Schmidt Hammer Lassen Architects. Un bâtiment relativement simple et discret le jour et qui révèle sa véritable richesse la nuit. Il s’agit du siège des bureaux de Nykredit ( une boîte offrant des services financiers). Il s’agit d’un bâtiment livré en 2011 de 6850 m² ayant reçu cette même année le European Steel Design Award. La structure métallique du bâtiment, cachée le jour par une double peau en verre sérigraphié, se révèle la nuit via l’éclairage des bureaux. Cet éclairage met en avant non seulement sa structure, mais aussi la volumétrie globale du projet, un volume simple reposant, grâce à sa structure, sur un petit nombre d’appuis et se soulevant pas endroit afin de créer des patios et auvents donnant sur l’espace publique ( cette sous-face du projet est d’ailleurs très agréable à pratiquer en vélo ).
L’espace public est quant à lui traité avec une grande simplicité, un simple pavage recouvre l’ensemble de la parcelle, une fontaine circulaire s’intègre dans la continuité du sol à la manière d’un miroir d’eau. Il ne se passe pas grand-chose dans ce lieu, cette sculpture architecturale focalise l’attention du regard et domine l’espace public. Un bâtiment qui répond donc bien aux attentes de Nykredit, souhaitant, comme tout financier, afficher une transparence et une force incontestable (afin de masquer quelques déboires ?
Bien entendu à cette heure-ci le bâtiment était fermé, je n’ai donc pas eu l’occasion d’y entrer, je décide de continuer ma petite escapade nocturne à la recherche de nouvelles surprises…
Troisième et dernier jour, l’incontournable «The Mountain Dwellings» de BIG :
Parmis la constellation d’objets architecturaux se trouvant à Copenhague, il en est bien un concepteur que je ne pouvais esquiver tant il est médiatisé, je parle bien entendu de Bjarke Ingels alias BIG.
Je tenais absolument à voir certaines de ses réalisations pour m’en faire ma propre idée, notamment «The Mountain Dwellings», un projet composé de 2/3 de parking et d’1/3 de logements.
«The Mountain Dwellings» est assez excentrée, elle se situe à vingt minutes de vélo du centre, dans le quartier récent d’Ørestad, à la frontière avec une large zone pavillonnaire. Le bâtiment se situe sur une bande construite bordée à l’est et à l’ouest de deux canneaux.
Il y as comme un petit coter Ensa Nantes dans le parking de ce projet, mais avec vue sur le mont Everest, un dégradé de couleurs vives en sous-face des habitations ( d’un vert prairie au rez-de-chaussée, à un bleu ciel au dernier étage) et un assenceur vitré, non pas vertical, mais oblique, suivant la pente de l’immense parking lumineux. L’ensemble du bâtiment est soutenu par des douzaines de piliers (en de nombreux endroits, le plafond du parking mesure jusqu’à seize mètres de haut).
Les façades nord et ouest du parking sont dotées de panneaux d’aluminium perforés qui laissent pénétrer la lumière et l’air. De jour, l’ensemble des trous estampés apparaissent noirs sur l’aluminium clair et forment une photo rastérisée représentant le mont Everest. La nuit, la façade est éclairée de l’intérieur par les différentes couleurs des étages et des couloirs. La montagne apparaît alors sous la forme d’un négatif multicolore.
Posés sur ces 450 places de parking, 80 logements en L disposants de larges terrasses orientées sud se superposent pour former une montagne artificielle de 34 m de haut, sur une surface totale de 33 000 mètres carrés. Les toits de 80 à 150 mètres carrés servent à la fois de toits-terrasses pour les habitations des niveaux supérieurs et de toits pour le parking de 4 étages.
Distingué en tant que meilleur immeuble d’habitation en 2008, lors du festival mondial de l’architecture (WAF) à Barcelone, le groupe BIG a remporter le 1er prix de la catégorie «Habitations» avec ce projet «The Mountain Dwellings». À l’extérieur, trois éléments architecturaux se distinguent: de l’aluminium perforé avec la représentation du mont Everest, sur une surface totale de 2 510 mètres carrés, mais aussi des panneaux de bois avec vitrage pour les terrasses orientées sud et enfin de l’aluminium composite pour la façade de l’immeuble.
Bon il est temps de rentrer à Nantes, je me pose pour un petit croquis en attendant l’avion et je file.
Charles Poulain
séjour du 15 au 18 Fevrier 2016
bibliographie :
livres :
– Auteurs multiples, 1992, Architecture and Urban renewal in Copenhagen : suggestion for architectural walks / Dansk arkitektur. Copenhagen : Gammel Dok, centre for Architecture and Building Exports
4 plans commentés et illustrés : ill., photogr., plans ; 32 cm.
Web :
- Marc AUCHET, « COPENHAGUE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 17 mai 2016.
< http://www.universalis.fr/encyclopedie/copenhague/ >
- Auteur inconnu,« Kastrup Sea Bath / White arkitekter AB » 25 Jun 2008. ArchDaily [en ligne].,consulté le 15 mai 2016.
< http://www.archdaily.com/2899/kastrup-sea-bath-white-arkitekter-ab/ >
- Alexandre Rosa, « Danish Royal Playhouse, la nouvelle née des scènes de théâtre danoises », 25 juillet 2009. Travelpics [en ligne], consulté le 15 mai 2016.
< http://www.travelpics.fr/2009/07/danish-royal-playhouse-la-nouvelle-nee-des-scenes-de-theatre-danoises.html >
- Auteur inconnu, « The crystal/copenhagen/Denmark », [en ligne] consulté le 18 mai 2016
< http://shl.dk/eng/#/home/about-architecture/krystallen-og-skyen >
- Courtesy of Schmidt Hammer Lassen Architects, « The Crystal », [en ligne] consulté le 18 mai 2016.
< http://www.architecturenewsplus.com/projects/2064 >
- Mara Corradi, « The Mountain : complexe résidentiel à Copenhague » , 16 juin 2010. floornature [en ligne]. Consulté le 18 mai 2016.
< http://www.floornature.eu/projets-housing/projet-the-mountain-complexe-residentiel-a-copenhague-5356/ >
- Auteur inconnu, « Mountain Dwellings / PLOT = BIG + JDS » 11 Mar 2009. ArchDaily. [ en ligne ] consulté le 20 mai 2016
<http://www.archdaily.com/15022/mountain-dwellings-big/>