Il en est des villes comme des femmes… Certaines sont connues, admirées… On vient de loin pour les voir… d’autres restent discrètement dans l’ombre mais pour autant méritent qu’on s’intéresse à elles… Il en est ainsi de Beni Mellal, capitale de la région Tadla-Azilal, au Maroc. Située sur l’axe routier des villes impériales Fez et Marrakech, elle est considérée comme une « ville-étape » et ses grands hôtels sont tous situés à sa périphérie … Pourtant, érigée au pied du Moyen Atlas, elle dispose d’un cadre géographique magnifique et mérite mieux que la caractéristique de « ville étape ».

On est bien loin aujourd’hui de la bourgade qui portait le nom de « Day » au Moyen Age, nom emprunté à une petite rivière qui traverse la ville. Elle a gagné son importance sous les Idrissides et les Almoravides. La « ville moderne » de Beni Mellal est née à l’époque ismaélienne, au XVIIème siècle par la fusion de « Day » avec une autre petite ville « Soumaa » où une zawiya a été fondée au 16ème siècle par Sidi Ahmed Ibn Kassim Soumai. C’est de cette époque que datent les murailles de la ville érigées, sous Moulay Ismaïl, en 1688… Aujourd’hui, il faut un œil exercé pour découvrir les vestiges de cette muraille qui se cachent derrière les habitations et il faut savoir flâner dans les petites ruelles du vieux centre ville. Pourtant, quand on a la chance de connaître des vieux Mellalis, ils se rappellent encore de l’époque où les portes de la ville étaient fermées à la tombée de la nuit et où il fallait attendre le lendemain matin pour y pénétrer. Car le « centre ville » s’est déplacé au fur et à mesure que Beni Mellal s’est développé.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/4e/Fortress_Beni_Mellal.jpg/188px-Fortress_Beni_Mellal.jpg

construite au XVIIe siècle par Moulay Ismaïl a été restaurée au XIXe siècle.

Il est un quartier que ne connaisse pas bien les jeunes Mellalis, plus attirés par les terrasses de café de la ville moderne que par les rues décrépies du vieux centre : c’est le quartier d’Aït Tislit… Nombreux ne savent pas que la gare routière y était installée, sur une petite place longtemps négligée mais aujourd’hui en cours de restauration. Le vieux centre abrite aussi un marché permanent dans le quartier Rdera Al Amra… une débauche de couleurs et d’odeurs variant selon les saisons et les fruits et légumes qui débordent des étals et qui ne demandent qu’à remplir le panier des ménagères… Ce marché aujourd’hui a pris de l’extension et squatte carrément la rue Aït Tislit et ses environs, ne permettant plus aux habitants d’approcher en voiture leur maison d’habitation… Il faut beaucoup d’imagination pour concevoir qu’autrefois cette place de marché abritait la mairie de Beni Mellal.

Le vieux centre est « mité » par des caves et des souterrains qui mettent en péril les vieilles maisons en pisé qui, faute de restauration, ne finissent pas s’écrouler laissant libres des espaces béants et incongrus… La couleur des chambres mises à nues, quelques vestiges de céramiques témoignent que des familles ont vécues à l’ombre de ces murs effondrés. Le vieux centre ressemble aujourd’hui a un immense chantier… Ce sont les rues, à défaut des maisons, qui sont consolidées, bétonnées en profondeur car il y a quelques années un » « cratère » s’est formé en plein milieu d’une rue, non loin de la place de la Liberté.

Photographie du Souk du Vendredi a Beni Mellal

Photographie du Souk du Vendredi a Beni Mellal

La place de la Liberté est un de mes endroits préférés. C’est une place très harmonieuse, entièrement bordée d’arcades sous lesquelles s’abritent de nombreux commerces… Les bijoutiers s’y sont rassemblés sur deux côtés, quelques vieux hôtels, les plus anciens de la ville, y subsistent. Les vendeurs de tissus ou de babouches se partagent le reste de la place. Quand on débouche sur cette place, en arrivant de la rue Ahmed El Hansali, on découvre au printemps les cimes enneigées du Moyen Atlas et un bougainvillier luxuriant qui a squatté le tronc et les branches d’un oranger. De cette place de la Liberté, sur la droite, une petite rue très commerçante descend vers la vile nouvelle, le Bd Mohamed V… Tous les soirs, vers 18 h, une foule incessante et tranquille déambule dans cette rue… Le néophyte pourrait croire qu’il y a un rassemblement organisé tant la foule est serrée… Dans tout le vieux centre, c’est l’heure où les marchands ambulants étalent, à même le sol, leur marchandise et jouent à cache-cache avec la police municipale qui, régulièrement, essaie de les déloger.

Photographie d'une prairie a 5 km de Beni Mellal

Photographie d’une prairie a 5 km de Beni Mellal

La gare routière et les administrations ont déserté depuis longtemps le vieux centre pour ériger de nouveaux bâtiments sur les grands boulevards qui constituent la colonne vertébrale de la ville nouvelle. Le Tribunal, la Cour d’           Appel, la Banque du Maroc sur le Bd Mohamed VI, les bureaux de poste principaux à chaque bout de l’immense Bd Mohamed V… Quand au Bd Hassan II, il est aujourd’hui embelli par des arcades toutes neuves qui se veulent le symbole des anciennes murailles de la ville. Beni Mellal est une ville sage… Elle ne cherche pas à rivaliser avec les grandes métropoles du royaume chérifien… Ses bâtiments modernes ne font pas plus de quatre étages…Ils sont souvent coquets et revendiquent leur origine orientale… Le long des grands boulevards, les terrasses de café sont légion et ne désemplissent dès que les beaux jours sont arrivés Il faut dire que Beni Mellal jouit d’un climat très continental et qu’il y fait souvent très chaud.

Le nom de Beni Mellal est composé de deux mots : Beni qui veut dire « fils » en arabe et Mellal dont le mot amazigh signifie « blanc »… Beni Mellal était, en effet, une ville « blanche »… Mais depuis deux années, elle vire à l’ocre, comme sa grande sœur Marrakech… décision municipale, qui, il faut bien l’avouer, donne un charme particulier à la ville et lui convient mieux. En effet, les maisons blanches avaient bien du mal à le rester car « lajaj » ce vent du désert s’invite régulièrement et laisse les poussières du Sahara s’infiltrer partout…

Photographie d'une maison d'hôte a proximité de la ville de Beni mellal

Photographie d’une maison a proximité de la ville de Beni mellal a borj Ain

On ne peut parler de Beni Mellal, sans parler du Borj Aïn, la Kasbah fortifiée en pisé qui domine la ville et qui a été restaurée au XXème siècle… De cette forteresse, il y a une vue imprenable sur la ville qui s’étale au milieu des vergers d’oliveraie et d’orangers, ainsi que sur l’immense plaine de Tadla. C’est de là-haut que l’on prend le mieux conscience de l’expansion de cette ville qui, de nos jours, compte près de 200 000 habitants et deux université : la Faculté des sciences et techniques, créée en 1994, que l’on aperçoit au milieu des oliviers, à quelques kilomètres au nord en direction de Fez, et la Faculté des lettres et des sciences humaines, créée en 1991 qui se loge au centre ville. En 2014, la ville s’est doté d’un aéroport et le premier tronçon de l’autoroute reliant Beni Mellal à Casablanca a été inaugurée le roi. A cette occasion, Beni Mellal s’est faite belle avec la rénovation de tous les trottoirs du centre ville et la création de grands boulevards d’accès que ce soit en provenance de Casablanca, de Fez ou de Marrakech.

Photographie d'un paysage a 25 km de Beni Mellal

Photographie d’un paysage a 25 km de Beni Mellal

Enfin, si la ville de Beni Mellal, elle-même, n’attire pas les touristes, il est un lieu très prisés non seulement des mellalis mais aussi des marocains et des tours opérateurs, c’est AÎn Asserdoun et ses magnifiques jardins ombragés et rafraîchis par cette source généreuse qui fournit l’eau potable si nécessaire à la vie. La route qui mène à ces jardins serpente entre la montagne et les oliviers centenaires et nous invite à grimper vers la montagne et à nous approcher du Mont Tassemit qui domine la ville à plus de 2200 m d’altitude car, il ne faut pas l’oublier, Beni Mellal est une perle et le Moyen Atlas est son écrin.

Photographie du fleuve Beni el ouidane

Photographie du fleuve Beni el ouidane

AALLALOU Selma- Voyage Septembre 2012_ Avril 2013_ Mai 2014