Le Bosphore, la Corne d’Or et les côtes de la mer de Marmara confèrent à Istanbul une organisation particulière. Elles font d’elle une ville d’eau et génèrent des relations de rives à rives.
Le détroit du Bosphore en Turquie sépare les continents Européen et Asiatique (Istanbul est la seule ville au monde située sur deux continents) et relie la mer Noire à la mer de Marmara. Il est large de 700 à 3000 m pour une longueur de 42 km. Deux ponts majeurs permettent de traverser d’un continent à l’autre: le pont du Bosphore situé entre les quartiers d’Ortaköy et construit en 1973, et le pont Fatih Sultan Mehmet construit en 1989.
Pendant notre séjour à Istanbul, nous avons pu constater une relation de la ville à son fleuve assez paradoxale.
En effet, les rives sont très peu aménagées alors qu’elles constituent un élément marquant de sa géographie. Ce constat est peut être lié au fait que la marche est une pratique très peu répandue chez les Stambouliotes. D’autres lieux que les rivages sont beaucoup plus centraux dans la vie des habitants, à l’image des centres commerciaux, des rues et bien sûr des mosquées.
En revanche, on observe un nombre important d’installations industrialo- portuaires sur les rives et des jetées régulières servant aux traversées maritimes en vapur.
Le trafic est très important (majoritairement constitué du transports de ressources Russes vers l’occident) alors que pendant longtemps, il a été difficile de traverser le détroit pour les bateaux allant et venant de la mer noire du fait de la dangerosité de la traversée, et de la fermeture du passage par les Ottomans pendant plusieurs centaines d’années. Aujourd’hui, on assiste au ballet quotidien des porte- conteneurs et à la vision des nombreuses grues de chargement.
Les rives semblent donc majoritairement utilisées dans des dynamiques d’échanges de flux (hommes et marchandises) mais très peu dans une culture de la promenade et de la mise en valeur d’un territoire.
Pourtant, ce détroit est omniprésent dans le paysage. En effet, du fait d’une topographie très prononcée, il est presque toujours possible d’observer la mer quand on grimpe sur les hauteurs d’Istanbul et les points de vue sont très changeants du fait de la sinuosité du détroit. Le contraste est assez saisissant entre le Bosphore et l’urbanisation très dense de la ville. Le bâti est en effet très resserré entre anciennes habitations de bois et bâtiments modernes ce qui offre peu de recul pour observer la ville. Les rives permettent alors de s’extraire du rythme effréné de la ville et de porter un regard sur celle ci. D’autres éléments montrent une certaine relation au littoral.
Historiquement, les littoraux ont été traditionnellement occupés par les populations favorisées, ce qui est encore le cas aujourd’hui. On peut observer de nombreuses Yalis, « yali » qui signifie «les pieds dans l’eau», immenses maisons de bois construites sur les rives du Bosphore à partir du XVIIème siècle, maisons secondaires des habitants les plus aisés à l’époque. A partir de 1950, ces demeures sont habitées de manière pérenne.
On observe aussi certaines pratiques liées à la mer comme sur le pont de Galata sur la Corne D’or (un bras d’eau qui se détache du Bosphore) où beaucoup d’activité différentes se côtoient et cohabitent. Ce sont des pratiques assez populaires, différentes de celles liées à la bourgeoisie sur d’autres endroits du rivage. A côté du pont, des doubles rangées de «bateaux restaurants» sont agglutinées aux quais. La rangée collée directement au quai sert de bar et de salle de restaurant et la rangée de bateau extérieure sert de «bateau cuisine». La situation est assez comique quand les deux bateaux tanguent et que le cuisinier tente de faire passer le sandwich pain-poisson-oignons-salade au restaurateur de l’autre bateau.
Sous le pont, on trouve pleins de petits restaurants, tandis que au dessus du pont des pêcheurs tendent leur canne à pêche à côté du trafic routier très intense. Ces pratiques de pêche se retrouvent aussi le long du Bosphore et de la mer de Marmara. Elles sont très courantes et génèrent de petites activités commerçantes.
Le rapport aux rives est en train de changer. En effet dans les années 80 beaucoup de routes ont été aménagées en voies rapides le long du littoral pour transporter les marchandises, transformant des endroits naturels ou de vie sociale en lieux sans réelle identité. Mais depuis ces années 80, la ville est sujette à un processus de marchandisation et on voit le développement d’un «waterfront». Certaines installations portuaires ont par exemple été remplacées par des espaces publics et on voit apparaître l’intervention d’acteurs privés dans le développement d’infrastructures. Ce waterfront n’est cependant pas continu, car la côte est très longue. On observe alors une alternance entre des zones aménagées et des zones qui le sont moins comme des zones portuaires, militaires; des zones d’embarquement très présentes pour les traversées fluviales quotidiennes, et des endroits plutôt d’appropriation populaire.
Certains endroits de promenades ont également été aménagé, à l’image des «digue promenade» sur lesquelles nous nous sommes promenés du côté de Besiktas. Ces digues sont très sommaires, souvent bordées par la route mais offrent un panorama exceptionnel sur la ville d’Istanbul.
Bibliographie:
-Bazin Marcel, Pérouse Jean-François, «Dardanelles et Bosphore : les détroits turcs aujourd’hui». 2004. Cahiers de géographie du Québec, vol. 48, n° 135, p. 311-334. Consulté le 10 juin 2015. http://erudit.org/revue/cgq/2004/v48/n135/011795ar.pdf
-Fleury Antoine, Les rivages d’Istanbul : des espaces publics à part, au coeur de la mégapole,Consulté le 16 mai 2015. https://scholar.google.fr/scholar?hl=fr&q=Les+rivages+d%E2%80%99Istanbul+%3A+des+espaces+publics+%C3%A0+part%2C+au+coeur+de+la+m%C3%A9gapole&btnG=&lr=
-Carte de la Turquie : http://www.oceanattitude.org/index.php?post/2009/01/29/Bassin-m%C3%A9diterrann%C3%A9en
TOQUET–ETESSE Anaëlle – Voyage effectué en février 2013
anaelletoquet@hotmail.fr
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