Avec l’évolution de la modernisation, de l’urbanisation de la ville de Suzhou, le besoin du marché des briques traditionnelles est de moins en moins fort, le savoir-faire tend à disparaître naturellement sans laisser de traces. Face à la disparition progressive des briques traditionnelles dans le développement de notre époque moderne, quel avenir pour la brique? N’est-elle plus capable de construire face aux besoins de l’urbanisation?

 La recherche du souvenir de la ville

Louis Kahn avait l’habitude de dire à ses étudiants : si jamais vous manquez d’inspiration, demandez conseils à vos matériaux. « Vous dites à une brique, ‘Que souhaites-tu, brique ?’ Et la brique vous dit, ‘Je voudrais une arche.’ Et vous répondez, ‘Ecoute j’en voudrais une aussi, mais les arches coûtent cher alors que je peux utiliser un linteau en béton’. Et vous dites : ‘Qu’est-ce que tu penses de cela, brique ?’ La brique répond : ‘Je veux une arche’. » Chaque matériau a sa nature, grâce à son caractère, les architectures sont diverses et originales.

En référence à mes souvenirs d’enfance, j’habite dans une ancienne maison en briques rouges avec mes grands-parents et mes parents, et ma grand-mère m’a raconté une fois quand j’étais petite, que j’aimais bien jouer avec les tuiles et les briques abandonnées dans le sable. Ainsi, le jour où j’ai rencontré l’architecture de Wang Shu, un sentiment impressionnant est resté en moi à ce moment-là. La brique est le matériau architectural que je préfère et c’est une de mes principales motivations pour devenir architecte.

Je suis rentrée en Chine cet été, où j’ai pu faire un stage à Shanghai pendant un mois. J’ai eu l’occasion de visiter Suzhou, une des villes exemplaires au Sud du fleuve, qui géographiquement est proche de Shanghai.

villages d’eau

Suzhou est une très belle ville, de nombreux hommes de lettre la décrivent dans leur chef-œuvre, grâce à la forme particulière des bâtiments, aux villages d’eau, aux jardins traditionnels, aux fabrications de la soie. Les villages traversés par l’eau sont caractéristiques du sud de la Chine. Ils possèdent trois caractéristiques : premièrement, on retrouve une même construction des édifices en fonction du fleuve avec des façades blanches, des toitures en tuiles grises et une forme particulière des murs dont la partie supérieure a la forme de palier pour lutter contre l’incendie. Deuxièmement, la réalité du patrimoine est une histoire plus complexe. Les entités physiques reflètent le visage de leur histoire, par leurs façades, les rues et les cours. Ils devraient être les éléments originaux des reliques historiques, montrer la vie réelle des habitants. Grâce à ses caractéristiques historiques et distinctives, il présente le caractère de cette ville. Troisièmement, la largeur des voies entre les petits bâtiments qui se font face est étroite, moins d’un mètre. Quant à la rue principale au sein de l’ancien quartier, elle a une largeur de 3,2 mètres. Le style architectural est certes identique, mais la sensation est différente dans chacune de ces deux rues. Ce n’est qu’en atteignant une certaine échelle que nous pouvons créer une atmosphère dans laquelle les gens peuvent avoir le sentiment d’un retour historique. C’est en étant au sein de ville de petite échelle que nous pouvons ressentir l’atmosphère nostalgique procurée par valeur de l’histoire.

Concernant le fleuve qui est considéré comme un élément unique dans le principe de la rue, il permettait auparavant aux habitants d’y laver leurs vêtements.

 

La visite du Musée de la brique impériale de Suzhou

le nom du musée

Ce musée a été réalisé en 2016 par l’architecte Liu Jia Kun. Suzhou Imperial Kiln Ruins Park (苏州御窑金砖博物馆 & Museum of Imperial Kiln Brick)de son vrai nom se situe dans le quartier de Xiangcheng à Suzhou, qui sert principalement à protéger les ruines historiques et à exposer des vestiges culturels comme Jin Zhuan. Jin Zhuan est un des types de briques luxueux qui sert seulement aux architectures impériales. Afin de préserver en permanence la précieuse relique historique et le processus de fabrication de Jin Zhuan, le musée espère que les visiteurs pourront découvrir les significations historiques et culturelles de l’Imperial à travers l’architecture et l’urbanisme, du matériau au palais impérial le plus honorable.

Quand on arrive sur le site, on ne peut pas directement voir le corps du musée, tous les côtés ont été entourés par des remparts et des allées. En effet, étant situé au sein d’un quartier commercial fait de grands bâtiments imposants, ce cloisonnement voulu par l’architecte permet au musée de réduire le bruit de la ville et de bénéficier d’une tranquillité. Depuis le côté nord qui fait face à un pont, des arbres y ont également été plantés.

le four intérieur du musée

La forme principale du musée rappelle de manière abstraite le four impérial pour cuire les briques et la cour impériale. La façon de concevoir le musée reprend les principes esthétiques traditionnels. Il est considéré comme une architecture publique contemporaine qui incarne les deux éléments fondamentaux. L’architecture du musée emploie une variété de styles de constructions contemporaines notamment pour les matériaux en brique qui accentuent la présence de Jin Zhuan. Le musée est plus qu’un musée pour Jin Zhuan, c’est également l’histoire des briques du passé jusqu’à nos jours.

La conception du paysage m’évoque un sentiment de nature sauvage : l’architecte a expliqué  qu’il voulait souligner l’état des ruines et conserver le statut originel du site. Le musée démontre qu’il peut répondre plus qu’à la fonction de musée, car le visiteur découvre aussi sa structure de four et le processus de production de Jin Zhuan.

le paysage du site

Le trajet de la visite est un circuit complet et clair, en partant du jardin calme, puis au pavillon situé à l’entrée du bâtiment, de l’exposition de l’histoire sur les briques à l’évolution de celles-ci, et enfin à la sortie du musée avec l’ancien four en ruine. Par l’organisation de l’architecture, le paysage construit et le patrimoine, l’exposition de l’évolution de Jin Zhuan, cela permet de comprendre l’origine de la brique jusqu’à sont statut impérial. Tout au long de la visite du pavillon, par l’architecture et son environnement, la brique devient un élément répété en permanence sous différentes formes, que ce soit par le paysage, le sol, le mur ou le toit, nous pouvons voir la variation des types et différentes formes.

Le processus de fabrication des briques du four impérial est compliqué : l’opération technologique est composée de 20 procédés; le processus principal est par exemple le choix de la terre, l’extraction de la terre, le transport de la terre sur le lieu du trempage, le tournage du mortier, le chargement du four, la cuisson des briques, la défournage des briques, le curage du four et ainsi de suite. Chaque opération est indispensable, sinon le matériau ne peut être produit correctement. Les briques du four impérial nécessitent un savoir-faire spécial. Depuis la dynastie Ming et Qing, les briques sont appréciées par tous les empereurs. Ils sont réservés à un usage exclusif pour les palais royaux. Notamment, à l’époque de Jia Jing (pendant la dynastie Ming), les briques impériales ont été largement utilisées. Mais, à la fin de la dynastie Qing, en raison de la guerre qui a duré année après année, la brique a été produite par intermittence, et ce jusqu’en 1984 où elles ont repris leur cours de production. La fabrication des briques impérial a près de 600 ans (depuis 1413), elle est dotée d’une praticité et d’une valeur esthétique. Ainsi, ce matériau joue un rôle important dans l’histoire de l’architecture de la Chine.

En effet, nous l’utilisons souvent pour paver le sol, les avantages du matériau étant qu’il bénéficie d’une face brillante mais qui témoigne d’une résistance à l’usure : même s’il est usé par les frottements, il est certes brillant, mais il garde ses propriétés, il empêche la montée de l’humidité souterraine tout en décorant les palais les plus majestueux.

 

Une réflexion après le voyage

Dans le cadre du développement de l’urbanisme contemporain, de nouveaux bétons ainsi que l’émergence de certains nouveaux matériaux synthétiques remplacent progressivement des matériaux traditionnels chinois. Ils sont solides, malléables et capables de produire des résultats spectaculaires, comme les gratte-ciels. Néanmoins, la réalisation de ces projets modernes provoque de nombreuses démolitions de bâtiments anciens. Aujourd’hui, l’architecture traditionnelle est face à une grave crise, les gens commencent à abandonner les matériaux traditionnels et l’artisanat. Les briques ont une histoire longue et une connotation culturelle profonde et cette histoire nous montre l’importance d’étudier le développement de la brique. La discussion sur le développement futur de l’architecture chinoise propose d’absorber l’essence de la culture traditionnelle en revalorisant constamment ce matériau. Les efforts déployés pour créer des bâtiments modernes avec des caractéristiques régionales et l’essence de la culture chinoise sont maintenant des préoccupations essentielles.

La brique actuelle est composée de deux catégories : la brique en terre cuite, la brique en argile crue. La fabrication des matériaux est un travail manuel complexe à cause de la qualité de la technologie, d’un long du cycle d’apprentissage, d’un besoin important en main-d’œuvre qualifiée, de faibles rendements économiques. Les briques anciennes sont toujours moulées à la main, dans les briqueteries modernes, la machine opère de la même façon que l’homme. Le processus de fabrication des briques exige des semaines avec la technique traditionnelles, mais les façons d’aujourd’hui requièrent seulement quelques heures. Par conséquence, la brique semble avoir perdu une partie de sa valeur, une sensibilité temporelle. Une part de l’attractivité de la brique repose dans son processus de fabrication, l’histoire peut nous montrer que la brique possède d’un grand nombre d’avantages et de possibilités, comment pouvons-nous les exploiter?

Actuellement, il n’y a qu’un seul four à Suzhou et près de 20 artisans se consacrent à la fabrication de briques, d’où la nécessité urgente de prendre des mesures de protection pour les anciennes techniques artisanales de fabrication de briques. Avec l’évolution de la modernisation, de l’urbanisation de la ville de Suzhou, le besoin du marché des briques traditionnelles est de moins en moins fort, le savoir-faire tend à disparaître naturellement sans laisser de traces. Le palais royal est devenu une architecture monumentale, les bâtiments civils sont également de plus en plus fragiles. En effet, les matériaux du marché comme les bétons ou les aciers, compétitifs sur le plan structurel et pour la rapidité de mise en oeuvre, ils sont considérés comme l’identité de notre époque. Mais leur utilisation excessive conduit à un déséquilibre du marché des matériaux de construction, la disparition des matières traditionnelles et, par conséquent, à un appauvrissement du choix. Bien que les visages du bâtiment soient variables avec une structure en béton ou en acier, il manque une pluralité dans les manière de construire.

Face à la disparition progressive des briques traditionnelles dans le développement de notre époque moderne, quel avenir pour la brique? N’est-elle plus capable de construire face aux besoins de l’urbanisation? De nos jours, Giovanni Peirs pense que « une grande partie de nos populations mondiales habite toujours dans des maisons construites, la brique en terre cuite est le matériaux de construction que l’on obtient en portant à une température appropriée – la température de frittage – une portion d’argile préalablement mise en forme ». Le produit de la cuisson conserve une certaine porosité, ce qui lui confère des caractéristiques particulières qui le distinguent de tout autre matériau. En fait, dans de nombreux pays, les structures en brique ne peuvent plus être construites, la cause principale n’est pas la fragilité des matériaux, la raison est qu’il n’y a pas d’architectes ou des ingénieurs qui savent comment gérer ce matériau. Ainsi, l’éducation à tous les niveaux, pour les artisans, les ingénieurs et les architectes est vraiment nécessaire.

La brique est considérée comme un matériau au charme unique et donc irremplaçable. D’une part, la maçonnerie a un rôle important car elle reflète la culture géographique de l’époque. Dans la cour classique ou le jardin privé, on peut voir partout l’usage de la brique sur la façade. Il est modéré et riche mais dépend surtout des caractéristiques régionales. D’autre part, les valeurs culturelles importent car la rénovation d’anciens bâtiments utilisent également la brique d’argile.

En outre, les briques peuvent également composer des formes différentes et ce avec divers matériaux produisant une grande variété de façades. Les détails mettent en évidence les caractéristiques de construction. Grâce aux nuances de couleurs des briques intégrées dans la façade, les différents motifs formés, réduisent le sens de la hiérarchie. Ainsi l’utilisation d’une variété de matériaux peut former un contraste sur la façade du bâtiment, et mettre en évidence l’importance de l’édifice et les détails. On peut dire que les briques et les matériaux nouveaux modernes expriment non seulement l’esprit des lieux mais donnent un souffle d’une nouvelle ère.

Certains architectes sont sensibilisés à la valeur traditionnelle des matériaux. L’architecte Liu Jia Kun par exemple réutilise les briques selon leurs formes et cette utilisation des matériaux est différente de celle de l’architecte Wang Shu. Ce dernier préfère récupérer les matériaux traditionnels pour reconstruire un symbole culturel et employer le savoir-faire traditionnel avec de nouveaux matériaux. Même si les matériaux de récupération n’ont plus de fonction structurel, ils sont devenus une collection pour le souvenir ou une décoration sur les façades des bâtiments. Par contre, Liu Jia Kun utilise davantage les briques bon marché d’aujourd’hui, comme les briques poreuses, les briques en gangue. Selon lui, le bon marché explique l’universalité de son emploi. Après le séisme de Wen Chuan en 2008, le traitement de nombreux déchets du bâtiment à posé une grande difficulté. Liu Jia Kun a ainsi récupéré les chutes de façon à produire un nouveau matériau : il a expliqué que les matériaux des ruines broyés peuvent constituer un agrégat, et une fois mélangé à des granulats, des pailles d’origine, du sable et de l’eau, on obtient des produits dont le coût est moindre. Ce système de recyclage est à la fois une transformation de la matière, mais aussi une renaissance du lieu par la reconstruction. En conséquence, ces traitements de matériaux traditionnels nous offre des possibilités pour leur formes futures. La récupération des matériaux est limitée, pourtant elle permet de contrer les grandes destructions.  L’application du savoir-faire traditionnel aux matériaux d’aujourd’hui permet de maintenir une certaine tradition. De plus, l’utilisation des matériaux bon marché n’est pas un mauvais choix pour la construction, car ils ont le potentiel de devenir un chef-d’oeuvre si on exploite leur véritable valeur.

Ainsi, on note une nette évolution entre les matériaux traditionnels et ceux employés aujourd’hui. Mais cette évolution doit trouver une cohérence entre l’évolution de l’époque et le concept architectural moderne, en vertu de la nouvelle science et technologie. De plus, l’évolution de l’architecture permet l’amélioration de la conception, mais aussi des limites du matériau. L’architecture traditionnelle n’est pas une question de choix entre préserver ou détruire, il y a plusieurs solutions pour  faire coexister harmonieusement l’ancien et le moderne, les monuments et les styles, proposer une réponse avec du tact. Ainsi, après tout, la reconstruction ne signifie pas que tout doit être abattu pour être éliminé mais au contraire pour se réinventer.

 

Zhang Meng

Voyage du 06/08/17 au 08/09/17

 

Bibliographie

« L’art et l’histoire de la brique », Thames & Hudson Ltd, 2003

« La brique », Giovanni Peirs, 2005