À la sortie de la station Revolución de la ligne 2 du métro, dans le quartier Santa Maria la Ribera, nous nous dirigeons vers l’avenue Insurgentes. Mexico peut s’enorgueillir d’être traversée par l’avenue la plus longue du monde ; une artère large de 30 m. en moyenne, longue de quelques 30 km., qui vient fendre la capitale du nord au sud.

Avenue Insurgentes, Mexico

Pour la traverser, il faut s’y prendre à plusieurs fois. Il faut dire que les mexicains ne sont pas vraiment attachés au code de la route. Alors entassés sur le trottoir, coincés entre les vendeurs ambulants, bousculés par les gens, on attend. On essaie de suivre la logique des Chilangos (terme familier désignant les habitants de la ville) : traverser dès que possible. C’est finalement le mouvement de foule qui nous fera traverser au rouge et l’on manquera de se faire écraser par un camion distributeur de gaz, d’où émane la douce mélodie qui en fait sa publicité.

Le piéton n’est clairement pas chez lui, et on le lui fait comprendre. Au milieu du vacarme, nous fonçons pour rejoindre le trottoir d’en face, avant que le feu ne passe au rouge.

Nous longeons l’avenue Insurgentes sur 100 m. Lorsque je sors enfin la tête du plan du quartier, je tourne la tête à gauche et j’aperçois une silhouette étrange, au bout d’une petite rue (relativement à l’avenue). Le contraste est net. Chaque pas nous éloigne un peu plus de l’avenue la plus fréquentée de la capitale. Nous retrouvons un semblant d’accalmie et de soulagement.

 

La façade du musée universitaire del Chopo, toute de métal et de verre, s’élance vers le ciel. C’est en fait une haute nef étroite flanquée de deux tours métalliques caractéristiques, chacune couverte d’un lanterneau au toit vert. On a du mal à croire que cette halle aux couleurs ternes abrite un musée d’art contemporain.

Coupe du bâtiment en maquette

Mais une fois passée l’entrée, nous pénétrons dans un espace blanc immaculé, baigné de lumière. L’enveloppe de fer et de verre est percée d’immenses baies en plein cintre, présentes toute autour. Mais quelque chose nous interpelle. Une sorte d’énorme vaisseau blanc en verre translucide fend l’espace sur toute la longueur de la halle. Il semble en lévitation à 5 ou 6 m. du sol. Le concept est fort. On le comprend vite ; c’est la boîte dans la boîte. Ne pas toucher à l’enveloppe mais au contraire, la mettre à distance pour la mettre en valeur. C’est aussi mettre à distance une époque face à une autre. La largeur de la boîte permet de créer des espaces de circulations autour, dans des espaces tampons, entre l’enveloppe et la boîte. On peut donc en faire le tour, traverser des espaces de circulation qui deviennent aussi des espaces d’expositions.

 

Espaces de circulations

 

Espace tampons pouvant servir à des expositions

Avant la visite, nous montons au premier niveau où est installé un café sur une plateforme en porte-à-faux au-dessus du vide. D’ici, on peut apprécier l’ensemble des espaces d’expositions du rez-de-chaussée, situés sous et de part et d’autres de la boîte.

Le parallélépipède, on le devine, renferme des galeries d’expositions nécessitant une lumière différente ou un autre rapport au visiteur. En opposition à l’aspect mat de l’enveloppe, la boîte se pare d’un verre brillant reflétant alors la structure métallique de l’enveloppe. Les mêmes matériaux sont employés mais leurs propriétés sont exploitées de manière différente pour accentuer l’opposition. La brillance et la finesse des détails me font penser à une sorte d’objet précieux dans son écrin.

La boîte, débarrassée des circulations verticales, peut s’étendre sur toute la longueur de la nef, sans obstacle. Elle abrite une galerie qui en fait est une large rampe menant au niveau supérieur. Chose assez curieuse que de suivre les œuvres tout en gravissant la pente. Celle-ci débouche alors sur une grande galerie, plate cette fois-ci, constituant donc le troisième niveau. À son extrémité se situe une terrasse-belvédère où l’on peut apprécier d’un peu plus près la charpente métallique gris foncé de la toiture qui dialogue avec la structure triangulée de la boîte blanche.

 

Les circulations verticales, les escaliers le long de la boite, la rampe

 

Mais la partie qui m’a particulièrement marqué se situe au dernier niveau. Le dessus de la boîte est accessible, il délimite une autre galerie ainsi qu’un centre de documentation. Cet espace se situe seulement à quelques mètres de la charpente de bois et de métal et procure à l’espace une sensation de quiétude ; on s’y sent bien, à l’échelle par rapport aux vastes volumes que renferme l’enveloppe métallique. Le sol blanc immaculé brille et reflète lui aussi la charpente ; on semble flotter, comme dans un entre-deux. Le mobilier, quant à lui, est coloré ; rouge, orange, moelleux, en opposition avec la froideur des matériaux alentours. Les parois du dernier niveau montent et s’appuient sur la structure, prenant ainsi la forme de l’arc en plein cintre ; c’est le seul point de rencontre entre le vaisseau et l’enveloppe. Le sous-sol abrite un théâtre et un cinéma.

 

La structure des nefs conservée

Idem

Ce projet, de l’agence mexicaine TEN Arquitectos, m’a beaucoup surpris. C’est tout d’abord par un jeu de tensions entre les éléments. Une structure presque suspendue, qui effleure mais ne touche jamais la structure existante. Une confrontation entre ces deux éléments par un dialogue ; le dessin de la structure, les matériaux employés, les jeux de reflets, les couleurs, les points de vue. On sent clairement la volonté des architectes d’affecter un minimum l’enveloppe de la halle pour la préserver et offrir une contemplation pour le visiteur, en fait un véritable objet d’art. En effet, le parcours muséal offre toujours des points de vue particuliers, des doubles hauteurs, des perspectives. Et ce qui est très intéressant, c’est de se rendre compte du volume considérable sous l’enveloppe métallique au départ et de sentir que les espaces ont été travaillés de façon à les rendre à échelle humaine.

La lumière est gérée différemment selon les galeries. On peut donc passer du noir complet à un espace baigné de lumière naturelle. Ces espaces tampons (résultant de la mise à distance de la façade) sont également un point fort du musée puisqu’ils permettent d’accueillir des expositions ou des installations de toutes natures, tout en échappant à la galerie dans la boîte et donc deviennent partie intégrante des circulations. Le visiteur peut déambuler entre les œuvres, le dialogue devient alors peut-être plus facile.

 

Morgane Tiroir

Voyage effectué en février 2016.

Photos prises pendant le voyage, par Ronan Audebert et moi-même.

 

 

Sitographie

https://fr.scribd.com/doc/97359115/Ensayo-Museo-Chopo
http://www.ten-arquitectos.com/projects/57