Le Corbusier est connu dans le monde entier, il est le plus important représentant du style international moderne. La chapelle sur la colline de Bourlémont est l’un des projets les plus singulières de Le Corbusier. Notre-Dame du Haut est si moderne qu’elle ne semble pas être dans l’esthétique de Le Corbusier ou même du style international.
L’impossibilité de classer ce bâtiment, en fait l’un des édifices religieux les plus importants du XXe siècle et de la carrière de Corbusier. Il est inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO en juillet 2016.

L’histoire des origines au XXe siècle

L’histoire de la colline de Bourlémont est très ancienne. La présence de l’homme sur le site remonte à l’Antiquité, et c’est également depuis l’Antiquité qu’il y a une présence religieuse assez forte sur la colline.
Les Romains ont installé un camp sur les flancs de la colline. Cela avait une importance stratégique, il leur a permis de contrôler les environs, le passage vers la Germanie. Au sommet de la colline ils ont érigé un temple romain.
Puis, avec l’évangélisation du territoire au IVe siècle, le temple romain s’est transformé en une chapelle catholique, un sanctuaire dédié à la Vierge Marie. Pendant les années, Marie a attiré beaucoup de monde célébrant la nativité de la sainte Vierge, et la chapelle a connu de nombreuses changements, destinés à l’agrandir et la rendre disponible pour plus de fidèles.
Au moyen-âge, la chapelle était une seule église paroissiale de Ronchamp et des villages environnants. Mais au XVIIIe siècle, une nouvelle église a été construite au centre de la ville. La chapelle de la colline a été transformée en centre de pèlerinage du culte marial et nommée la chapelle Notre-Dame du Haut. Des pèlerins viennent deux fois par an, le 15 aout pour l’Assomption de Marie et le 8 septembre pour la Nativité de la Vierge.
À la Révolution Française, le site (la chapelle plus la parcelle sur laquelle elle se trouve), a été confisqué et vendu comme bien national. Elle a changé plusieurs fois de mains. Les habitants de la commune de Ronchamp étaient assez attachés à leur chapelle et finalement ont décidé de la récupérer. En 1799, ils ont formé une association de quarante-cinq familles et ils ont racheté l’ensemble de la parcelle.
Depuis cette date c’est une propriété associative et privée, qui ne dépends pas de l’église ni de l’état. D’où le fait de devoir payer des frais d’entrée. À ce moment-là, le pèlerinage a été remis en place. Pour accueillir un grand nombre de pèlerins chaque année, l’association a remis la chapelle en bon état et ils l’ont agrandie. Au début du XIXe siècle, le pape Pie VII a approuvé officiellement la pratique du culte marial et par conséquent la chapelle avait énormément d’intérêt. En plus, après la guerre contre le Royaume de Prusse, l’acte de pèlerinage est devenu plutôt un acte politique et symbolique qu’un acte religieux. Les gens de la région ont montré que leurs cœurs appartenaient à la France et à la Vierge Marie. Le 8 septembre de 1873, le record de nombre des pèlerins a été battu, plus de trente mille personnes sont venues sur le site.

Avant 1913. Source : https://commons.wikimedia.org

En 1913, un incendie a détruit une partie de la chapelle, la foudre est tombée sur la partie plus haute et a ravagé la charpente. Il n’est resté que les murs de pierre. La chapelle a été reconstruite dans les années 1920, mais elle n’a duré pas longtemps. Pendant la seconde guerre mondiale, des soldats français se sont installés au sommet de la colline, dans un endroit stratégique pour toute la région. En septembre 1944, la chapelle a été gravement endommagée par les bombardements.

Plan pour la reconstruction de la chapelle entre deux guerres. Source : http://commons.wikimedia.org

L’appel à Le Corbusier

Après la destruction de la chapelle la question se pose. Est-ce qu’il faut reconstruire la chapelle encore une fois ou construire quelque chose complètement nouveau ? Les descendants de l’ancienne association constituent une Société Civile Immobilière, qui, avec le support de la Commission diocésaine d’art sacré de Besançon, finalement fait appel à le Corbusier, seul architecte capable de construire une chapelle extrêmement moderne et d’y introduire de la peinture moderne.
La première sollicitation rencontre le premier refus. Le Corbusier, un athée déclaré, considère l’architecture religieuse comme quelque chose de mort. « Cela ne l’intéressait pas de travailler pour une institution morte ». Il décide de ne pas poursuivre ce projet.
Mais l’association est sûre de son choix et revient deuxième fois pour le solliciter. Le Corbusier refuse mais cette fois pour une autre raison. En 1948, il a dessiné un projet d’une Basilique à la Sainte-Baume, très moderne, parce qu’il a proposé un édifice totalement enterré. Les institutions religieuses de Marseille ont décidé ne pas le réaliser et en conséquence, Le Corbusier refuse de s’engager dans un autre projet religieux.

La basilique Sainte-Baume. Source : http://www.fondationlecorbusier.fr

Finalement, persuadé par son ami Maurice Jardot, le 4 juin 1950, Le Corbusier monte sur la colline. Le passé du lieu et le paysage environnant lui ont parlé. Quand il arrive, il est séduit par ce lieu et il accepte toute de suite de construire ce projet. Le chanoine Ledeur et François Mathey, ils parviennent finalement à le convaincre, en mettant en avant la beauté du paysage environnant et la promesse de la liberté totale.
« Je n’avais rien fait de religieux, mais quand je me suis trouvé devant ces quatre horizons, je n’ai pu hésiter » [1]

Conception du projet

Dès que Le Corbusier arrive sur le site, il commence à réaliser des croquis et des esquisses qui ne changeront pas, ils deviennent un projet final. Habituellement un artiste passe par plusieurs étapes entre ses premiers idées et la réalisation, il doit dessiner des centaines d’esquisses avant l’aboutissement d’un projet. Le Corbusier, par contre, étant un grand architecte, a eu son idée fixée au moment d’arrivée sur le site.

Les croquis de Le Corbusier. Source : Le Corbusier, Gérard Monnier, Fondation Le Corbusier, 1999

Le Corbusier réalise sa chapelle en basant sur la nature, la matérialité et la lumière. La nature, c’est tout ce que nous avons tout autour de nous, toutes les collines en courbe qui nous entourent, que nous retrouvons dans cette chapelle. Il n’y a absolument aucun l’angle droit dans le plan, tous les murs sont courbes. Ensuite, la nature ce n’est qu’une source d’inspiration mais aussi le motif de décoration dans la chapelle. Finalement la lumière, c’est un matériau de construction pour Le Corbusier.

Pour arriver sur le site

Le chemin à travers la forêt

La route participe à la spiritualité du site. Le chemin de croix est un accès historique pour monter sur la colline, le visiteur prend le même chemin que les pèlerins depuis des siècles. La découverte de la chapelle à la sortie de la forêt apparait comme la récompense après la montée. Le visiteur sorte du tunnel des arbres pour voir finalement le grand bâtiment, couronnant le sommet de la colline, flottant même sur l’herbe comme un énorme champignon.

La chapelle émerge…

Une promenade architecturale

La chapelle n’apparaît pas en un seul coup d’œil. Le Corbusier nous invite à la découverte de la Chapelle à travers d’une promenade architecturale.
La monumentale porte principale s’ouvre seulement les jours de pèlerinage. La porte qui permet d’accéder au bâtiment tous les autres jours, se trouve à l’arrière de la chapelle. De cette façon, le visiteur est obligé de tourner tout autour de la chapelle avant de rentrer à l’intérieur. Il découvre petit à petit, en approchant l’église il ralentit ses pas, il commence à remarquer des formes, des factures, des détails. Il s’éloigne pour voir une perspective fameuse, il prend un photo…Chaque visiteur se comporte de même manière.
« Dehors : on approche, on voit, on s’intéresse, on s’arrête, on apprécie, on tourne autour, on découvre. On ne cesse de recevoir des commotions diverses, successives. Et le jeu joue apparait. On marche, on circule, on ne cesse de bouger, de se tourner. Observez avec quel outillage l’homme ressent l’architecture… Ce sont des centaines de perceptions successives qui font sa sensation architecturale. C’est sa promenade, sa circulation qui vaut, qui est motrice d’évènements architecturaux. » [2]
Chacune des façades est différente au niveau de son architecture, chacune orienté au diffèrent point cardinale, et s’ouvrant au paysage diffèrent avec lesquels ils dialoguent. Plus, ces quatre façades permettent aux visiteurs de découvrir l’architecture en fonction de leur imagination, de leur vécu, de leurs souvenirs. Quelqu’un peut y voir un bateau, un oiseau, un arche, un champignon en fonction de l’endroit où il se place, de luminosité, etc.

La façade sud

La façade sud

La chapelle est orientée traditionnellement, l’autel est situé à l’est. Mais contrairement à la tradition, Le Corbusier positionne l’entrée principale dans le mur sud, le mur qui nous accueille sur le site, le premier mur que nous voyons après avoir grimpé au sommet. Ce mur est d’apparence massive, composée de trois éléments : d’une grande tour, d’une porte d’entrée et du mur piège à lumière.

Les chapelles de lumière

Par l’orientation qu’il donne aux ouvertures, il maitrise les modulations de la lumière à l’intérieur. Le principe de lumière réfléchie est identique pour les trois chapelles. Le Corbusier surmonte d’une calotte en béton, de même hauteur pour les chapelles au nord, il rehausse pour la tour sur. La face plane des calottes laisse pénétrer la lumière, qui est ensuite brisée par des lamelles verticales en béton, disposées obliquement. La lumière se répand doucement sur les autels des chapelles.

La chapelle de lumière nord

Habituellement dans les édifices religieux la lumière vient de l’avant, du chœur et il manque dans le reste du bâtiment. Dans ce cas, c’est à l’inverse. La lumière indirecte vient du fond et se diffuse petit à petit au chœur. Cette lumière réfléchie n’entre pas en concurrence avec les étoiles du chœur. C’est un signe de l’architecte moderne.

Les brises de lumière

Une grande tour a son orientation à la lumière de plein nord qui permet de créer de la lumière froide, neutre, passive, diffusée et constante tout au long de la journée. La lumière du nord, c’est la lumière qui est utilisée par exemple dans les ateliers d’artiste, car c’est toujours de la même intensité. N’importe que ce soit le matin ou l’après-midi, l’été ou l’hiver, qu’il fasse un magnifique soleil ou que le ciel soit complètement couvert de nuages, la lumière à l’intérieur sera toujours la même. Il fait aussi entrer la lumière du matin dans la chapelle nord-est, et la lumière du soleil couchant dans la chapelle nord-ouest. La lumière à l’intérieur du bâtiment influence le comportement des visiteurs. Tout au long la journée, avec le soleil se déplaçant, les éléments intérieurs différents sont illuminés. C’est vraiment l’enjeu de cette construction.

La porte d’entrée

La face extérieur de la porte

À côté de cette grande tour sur la façade sud, il y a une porte d’entrée, la double porte en fonte qui s’ouvre uniquement les jours de pèlerinage et le dimanche pour la messe. La reste du temps la porte est fermée. Pour accentuer cette porte monumentale, il crée une console horizontale, qui surgi de la chapelle de gauche et par pierre de fondation qui s’élevé verticalement à droite en avant de l’entrée.

Leonardo da Vinci, Annunciazione. Source : https://upload.wikimedia.org/

Cette porte, c’est aussi la façon d’introduire la peinture dans l’architecture. Il y a deux peintures, la face extérieure et la face intérieure, ce sont les peintures réalisées par Le Corbusier. La face extérieure montre une scène de l’Annonciation et la face intérieure montre la scène de l’Assomption de la Vierge Marie. La scène de L’Annonciation est inspirée par un tableau de Léonardo de Vinci qui exposé à la Galerie des Offices de Florence en Italie. Le Corbusier reprend les couleurs des personnages ainsi que le positionnement de leurs mains pour recréer cette peinture d’une manière très moderne.

La face intérieure de la porte.

Cette peinture est signée est signé à deux endroits par Le Corbusier. Il y a un petit « L » et un petit « C » (des initiales) en bas de la porte et une écriture « Le Corbusier 1955 » dans la partie haute, dans un nuage noir. En fait, la chapelle est signée par le Corbusier dans plusieurs endroits. Il y a deux signatures à la face extérieure de la porte d’entrée, une signature à la face intérieure et deux vitrages de lumière sont également signés.

Les signatures de Le Corbusier sur la face extérieure de la porte d’entrée.

Vitrages et non-vitraux.

La façade sud est un grand mur courbe orienté vers le soleil, percée d’ouvertures placées irrégulièrement aux vitrages colorés, un piège de lumières. Le Corbusier peint lui-même les vitrages en utilisant une gamme de couleurs commune aux loggias des unités d’habitation et à ses tableaux des années 50. Ce sont les vitrages, non des vitraux, parce que ce sont des simples dalles en verre teintée, enchâssées dans un mur en béton. En cas de vitrail, il y a une vitre sur laquelle une mosaïque de verre colorée est posée, et ici c’est juste un épaisseur du verre.
Cette façade filtre la lumière tout au long de la journée, à chaque moment de la journée les rayon du soleil vont rentrer par des ouvertures. Ce mur mesure 3,87 mètres d’épaisseur à sa base pour s’affiner jusqu’à seulement 0,5 mètres en haut. À côté du portail d’entrée, la façon dont le mur a été réalisé est bien visible, nous pouvons voir la courbe dans toute sa splendeur.

L’épaisseur du mur sud

En fonction de la profondeur des orifices réalisés par Le Corbusier, il y a plus ou moins de la lumière à l’intérieur de la chapelle. Ces trouées constituent la seule source de lumière directe dans cette chapelle. Le reste des ouvertures fournissent de la lumière indirecte.

L’abri du pèlerin

Pour admirer la perspective la plus célèbre, sud-est, il faut s’éloigner du bâtiment. Nous rencontrons une autre construction le Corbusier sur le site, l’abri du pèlerin.

L’abri du pèlerin

L’abri du pèlerin avec la maison du chapelain, que nous avons à peine remarqué en s’approchant de la chapelle, sont les deux premiers bâtiments construits par Le Corbusier sur le site, entre 1950 et 1953.
Au début, l’abri du pèlerin sert du logement pour les ouvriers, Le Corbusier y loge huit ouvriers avec lesquelles il a l’habitude de travailler. Ils sont logés sur le site pour deux raisons, d’une part pour la proximité du chantier et d’autre part pour « la protection » du construction. Cette chapelle est construite dans le plus grand secret, le Vatican n’est pas au courant de l’architecte qui réalise cette reconstruction et surtout du projet qui a été sélectionné. Alors, cette chapelle est réalisée en moins de deux ans et de telle sorte que personne ne le sache pour éviter que la chantier ne soit bloqué ou arrêté.
Après la construction de l’église ce bâtiment sert d’abri pour les pèlerins, comme son nom l’indique. Il est également un lieu de vie pour la communauté de clarisses pendant deux ans, lors de la construction de leur nouveau monastère. Aujourd’hui il est utilisé pour tous ce qui est l’atelier d’enseignement pédagogique et l’accueil de particuliers, d’où le fait que le bâtiment n’est pas ouvert au public.
Ce bâtiment est construite en béton et en pierre, avec un toit terrasse. La pierre locale, le grès rose de Vosges, vient de l’ancienne chapelle ; Le Corbusier décide de la récupérer et de la réutiliser. Alors, nous pouvons la retrouver dans toutes les constructions de Le Corbusier, dans les murs du maison de chapelain et l’abri du pèlerin, et dans la structure porteuse de la chapelle.

La façade est

La façade est

La toiture

Le Corbusier s’inspire de la nature du paysage environnant et pour créer la toiture il s’inspire d’une carapace du crabe. Il ramasse des coquilles des crabes en marchant sur les plages de Long Island aux Etats-Unis, et ces coquilles lui donnent une idée de toiture pour sa chapelle. La toiture se compose de deux membranes de béton brut extrêmement fin qui font seulement 6 centimètres d’épaisseur. Ces deux membranes sont reliées par les cloisons d’entre elles, la plus haute d’entre elles fait 2,26 mètres de hauteur. La toiture a été construite à l’aide d’un coffrage en bois, les empreintes des planches sont encore visibles. La légèreté de construction permet à Le Corbusier de créer cette grand forme dynamique. Elle est soutenu par les seize piliers en béton armé, qui prennent tout l’ensemble du poids du toit. Les espaces entre les piliers sont remplis avec les pierres de l’ancienne chapelle pour créer les murs. Ensuite les murs sont recouverts de béton projeté, enduis de chaux blanche. Grâce au grains du béton, la surface blanche des murs semble vibrer au soleil.

La texture des façades

Comme les murs ne sont pas porteurs, Le Corbusier crée une espace de dix centimètres entre la toiture et les murs pour faire entrer la lumière par ses ouvertures. À l’intérieur nous avons une impression que la masse de la toiture flotte au-dessus des murs.
Nous pouvons avoir une impression que cette structure inspire d’une carapace du crabe, a été créée tout à fait spontanément et intuitive, et qu’il n’y avait rien de « rationnel » derrière elle. Mais Le Corbusier a utilisé ses principes rationnels lors de la conception. La distance entre les deux membranes, le 2,26 mètres de hauteur, c’est la hauteur calculée sur le Modulor.

La cathédrale en plein air

Le Corbusier, dans son projet de l’église, il conçoit également une chapelle en plein air dans la façade est. Nous pouvons distinguer ici un autel, la croix, une tribune pour les choristes. Le mur courbe est un axe de symétrie entre le chœur intérieur et extérieur, il réunit également le chœur extérieur et l’esplanade ouverte pour des grands pèlerinages.
La façade est est éclairée le matin. La lumière de l’est, la lumière de matin, c’est la lumière de la Vierge, qui est surnommée l’Étoile du matin. Le Corbusier réutilise dans cette façade une statue en bois polychrome d’une Vierge à l’Enfant sauvée de l’ancienne chapelle de la fin XVII siècle. Elle est située dans l’épaisseur du mur, sur un simple mécanisme qui permet de la tourner. Les jours de pèlerinage la statue fait face aux pèlerins, tous les autres jours elle fait face à l’intérieur de la chapelle. Dans l’épaisseur du mur il y a aussi « des meubles » pour les cérémonies liturgiques.
Autour de cette statue il y a des petits orifices qui font une sorte de constellation. À l’origine c’étaient des endroits où passaient les poteaux d’échafaudage et quand les murs ont été finis, Le Corbusier a décidé de ne pas les refermer pour créer cette constellation. Puisque la Vierge n’est pas seulement l’Étoile du matin mais aussi la Reine du ciel et la Reine des étoiles.
Nous pouvons retrouver le même principe de constellation à l’église Saint-Pierre de Firminy où Le Corbusier recrée la constellation d’Orion derrière l’autel.

Église Saint-Pierre de Firminy. Source : http://www.fondationlecorbusier.fr/

L’acoustique de cette chapelle en plein air est très particulière, le son résonne grâce au mur et à la toiture et la voix porte jusqu’au fond de la place, jusqu’aux arbres de la forêt. À l’intérieur il y a le même système acoustique, le son se propage d’un endroit à l’autre.
La porte qui se trouve dans la façade est, est très simple, mais Le Corbusier cache ici un détail très particulier. Trois coquilles sont imprimées dans le béton de la porte. Elles montrent que Ronchamp fait partie du chemin de pèlerinage de Compostelle. Les visiteurs passent souvent à côté, sans les remarquer.

Pyramide de la Paix

Pendant une promenade, le visiteur peut remarquer une construction très particulier au fond d’esplanade. C’est un mémorial construit à la demande des anciens combattants de la seconde guerre mondiale. Le Corbusier lui donne une forme particulière, inspirée des pyramides d’Amérique du Sud au étages dissymétriques, appelées zikkurat.

La Pyramide

À l’origine, au sommet de ces structures, des sacrifices rituels d’humain ou des animaux ont été réalisées. Le Corbusier réinterprète cette notion de sacrifice pour construire son mémorial. Les soldats français ont sacrifié leur vies pour la paix et pour la liberté de la France durant la seconde guerre mondiale. La colline n’est qu’un lieu de culte religieux mais elle s’intègre aussi dans l’histoire de France de façon plus générale. Le Corbusier le rappelle en installant, à côté de la pyramide, une colonne métallique avec l’inscription : « Sur cette colline en 1944 des français sont mort pour la paix »

 

La façade nord

La façade nord

Le Corbusier joue une sorte de jeu de cache-cache en réalisant ce bâtiment, il laisse des allusions très simples et discrètes à la religion pour montrer que c’est une chapelle dédiée au culte marial. Sur ces vitrages de cette façade, il y a des écritures, ce sont des extraits de la prière « Je vous salue Marie », dédiée à la Vierge. Ces écritures sont visibles uniquement de l’extérieur. À l’intérieur de la chapelle, même si c’est un sens de lecture, il faut vraiment se positionner au niveau du chœur et tout contre le mur pour pouvoir lire ces mots.
La sobriété de cette façade est réanimée par le jeu graphique des escaliers et de deux taches de couleur, le vert et le rouge, sur les portes. Les deux grandes tours encadrent asymétriquement la porte qui donne accès au chapelle au-delà des jours de pèlerinage.

L’intérieur

La lumière

Le mur de lumière.

L’entrée dans la chapelle par la porte nord nous positionne directement devant la lumière de la façade sud. Par contre, l’intérieur de la chapelle est très sombre. La lumière et l’ombre créent l’espace. La lumière se fraye le chemin entre les différents éléments architecturaux pour avoir accès à l’intérieur. L’atmosphère qui est créé à l’intérieur change au cours de la journée et provoque un comportement différent chez les fidèles. Les visiteurs sont en tête à tête avec eux-mêmes, ils doivent se frayer le chemin entre leurs différentes pensées pour avoir accès à notre forme intérieure.

L’espace

L’espace intérieur

Le Corbusier crée un espace asymétrique dans toutes ses dimensions, enfermé de trois côtés par des murs doubles non parallèles. À l’intérieur, la forme du toit qui contrairement à ce que nous avons habitude de voir dans les édifices religieux, est un coque en béton inversée. Dans certains endroits le toit est presque plat, après il monte. Le sol suit la pente naturelle de la colline, descend vers le chœur et les murs s’écartent. Ce sol est construit d’un pavage de ciment coulé entre les lattes, dont la disposition est dictée par le Modulor. Au centre du sol, il y a une croix en dallage noir. Le Corbusier accepte de mettre des bancs seulement d’un seul coté. Il laisse un large espace vide pour provoquer le mouvement des visiteurs, pour créer sa jeu de modernité.

Les décorations

Les murs à l’intérieur sont très peu décorés, et les seuls décorations sont la statue de Vierge et le grand mur piège de lumière. La Vierge c’est juste une apparition et même juste la présence, nous n’arrivons pas à la distinguer à cause de la lumière qui l’entoure.

La statue de la Vierge

Les décorations sur vitrages se composent de trois éléments : des couleurs, des dessins et des écritures. Il y a des comparaisons entre la Vierge et la nature, il y a un rappel de son surnom « l’Etoile du matin », il y a aussi le mot « la mère » qui signifie la mère génératrice. Par contre, Le Corbusier n’utilise jamais le mot « vierge », il utilise un mot assez neutre « Marie ».

Un vitrage

La nature est également présente au niveau de la décoration. En fait, tous les dessins qui vont figurer sur ce mur de lumière, ce sont des éléments naturels, des fleurs, des feuilles, des étoiles, des oiseaux, du soleil, etc. Tous ces éléments sont dessinés d’une façon extrêmement simple, pour qu’un enfant ou un adulte puisse comprendre ce qui est représenté. Puisque la nature est commune à tous, chacun peut comprendre ce qui y est dessiné, peu importe d’où il vient. Dans ce sens, c’est la façon de créer une architecture universelle.

Les vitrages

La façade nord

Façade ouest est créée de façon simple et assez sobre. C’est un seul mur qui se renferme et s’enroule depuis les portes d’entrées sud et nord, pour créer deux chapelles.

Vue sur le gargouille avec la fontaine et la tour sud-ouest

Sur cette façade, il y a une gargouille en forme de « canon de fusil » qui anime cette façade, d’où l’eau tombe dans la fontaine-sculpture. La fontaine, composées de trois formes géométriques, est réalisée par l’un des ouvriers de Le Corbusier.

Un campanile

Le campanile

Le son dans la chapelle est très important sauf qu’il n’y a absolument aucun instrument musique à l’intérieur ni aucune cloche à l’extérieur. Alors, en 1975 Jean Prouvé, influencé par Le Corbusier, vient pour créer le campanile de la chapelle Notre-Dame du Haut. La commande vient directement du chapelain, après la mort de Le Corbusier. Il y a trois cloches, deux anciennes qui ont survécu aux bombardements pendant la seconde guerre mondiale, et la troisième, la plus petite, qui a été fondue pour compléter le projet de Prouvé.
« En bâtissant cette chapelle, j’ai voulu créer un lieu de silence, de prière, de paix, de joie intérieure », explique Le Corbusier pendant l’inauguration. Le Corbusier était à la fois un architecte, urbaniste, décorateur, peintre, sculpteur, donc un artiste complet. Et cette chapelle c’est une œuvre d’art total, une architecture basée sur le son, la lumière et sur la peinture. Le Corbusier crée une architecture dédiée à la Vierge, à la nature et à l’universalité. Ce bâtiment célèbre le mystère de la religion, il attire l’attention immédiate, il surprend et se fixe fortement dans le souvenir de visiteurs. Cette œuvre est parfois considérée comme une œuvre-testament de Le Corbusier, puisqu’elle est réalisée dix ans avant sa mort. C’est presque la synthèse de l’architecture réalisée pendant sa carrière. Et c’est également la première œuvre religieuse du Corbusier qui a été construite.

Joanna Olszewska
Voyage à Belfort du 28/10/2017 au 01/11/2017
Visite de Ronchamp le 31/10/2017

 

[1] « Silence, prière, paix, joie intérieure », Frédéric Edelmann, lemonde.fr
http://www.lemonde.fr/culture/article/2011/10/21/architecture-silence-priere-paix-joie-interieure_1591898_3246.html [21.11.2017]
[2] « Ronchamp, une chapelle de lumière », Christophe Cousin, Yves Bouvier, CRDP de Franche-Comté, Néo éditions, 2005, p.12

 

Bibliographie :

« Ronchamp, une chapelle de lumière », Christophe Cousin, Yves Bouvier, CRDP de Franche-Comté, Néo éditions, 2005
« Le Corbusier 1887 – 1965, Un lyrisme pour l’architecture de l’âge de la machine », Jean-Louis Cohen, Tachen, 2006
« Le Corbusier et son atelier rue de Sèvres 355, Œuvre complète 1952 – 1957 », publié par W. Boesiger, Éditions Girsberger Zurich, 1957
« Silence, prière, paix, joie intérieure », Frédéric Edelmann, lemonde.fr
http://www.lemonde.fr/culture/article/2011/10/21/architecture-silence-priere-paix-joie-interieure_1591898_3246.html [21.11.2017]
https://www.collinenotredameduhaut.com [30.10.2017]
https://www.archdaily.com/84988/ad-classics-ronchamp-le-corbusier [22.11.2017]