Mon père est  ingénieur des mines (géologue) et a fait beaucoup de terrain du Nord au Sud et de l’Est à l’Oust du pays, des carrières d’argile aux carrières de phosphate etc… et le long de ses multiples déplacements et missions, il a connu à chaque fois de multiples vestiges, monuments, traces de l’histoire algérienne et de ses nombreux colons qui ont occupé, succinctement diverses zones et pour des raisons différentes, le territoire.

Après 40 années de travail, de recherche et surtout de découverte, son but était de partager avec nous cette richesse culturelle qu’il a accumulée, à travers une série de voyages dans les quatre coins de l’Algerie.

Ghardaia, le Mzab: us et savoir faire

1. Trajet vers Ghardaia

Le premier voyage était à destination du Sud (ou plutôt la porte du Sud à 700 km de route de ma ville Contre 2500 km jusqu’à la ville la plus au Sud aux frontières nigériennes et maliennes, la notion de loin ou de prés est vraiment différente dans le désert algérien.

2. Le comparatif avec la ville la plus au Sud

Le 24 décembre 2009, à 07h13, nous démarrâmes vers ce Sud qui restait pour nous, une illusion et que mon père, lui connaissait très bien. Le but pour lui, ce n’était pas seulement de nous faire découvrir Ghardaïa (où ma cousine allait nous héberger dans son pavillon de fonction, mutée là-bas pour 4 ans), mais plutôt, nous faire découvrir toutes les villes entre Tizi Ouzou et la destination finale, en passant par les villes suivantes.

Boumerdés (rocher noir) qu’on connaissait assez bien, les montagnes de Thenia (Ménerville), Blida (Rovigo) que la France appelait la ville des roses, située au contact de l’Atlas blidéen et de la Mitidja, elle a été fondée au XVIe siècle pour accueillir des immigrés andalous.

Lemdia (Médéa), la ville des moines de Tibhirines, puis  Boughzoul, où un projet stratosphérique et aberrant de nouvelle capitale pour l’Algérie est en réflexion.

Ain Oussara connue par ses marchés à la criée spécialisée dans l’agneau à très bas prix, en quantité et de très bonne qualité elle fut est une source d’eau sur la route de Laghouat, en 1853, l’armée française y construit un caravansérail, ou encore Djelfa, centre des monts des Ouled Naïl, présente à 1140 m. d’altitude une large dépression dans le mont S’Hari. Elle a toujours été un important centre de transit. Enfin Laghouat, avant d’arriver à Ghardaia, vers 19h00.

3. Vue prise du ciel de Ghardaia

Parti une première fois en voyage dans cette extraordinaire cité, ce fut avant mes débuts en architecture, certes il y avait les souks, les palmeraies, les ksars mais malgré cela, je m’ennuyai vite, pour moi cela n’avait aucune attirance, contre le gré de mon père qui me disait, je le cite « tu changeras d’avis dans quelques années’’ sachant que j’allais faire des études en architecture.

Effectivement 3 ans après j’y suis retourné avec mon enseignant de projet et mes camarades et surtout avec mon œil d’architecte, et là stupéfaction rien ne me paraissait plus pareil. Comment une civilisation urbaine millénaire a pu bâtir des ksars avec des maisons comme unités absolues juxtaposées sur la colline les unes au-dessus des autres sans aucun vis-à-vis, une vue panoramique à partir de la terrasse mais sans voir la terrasse du voisin du bas, des maisons introverties avec de véritables jardins dans les patios. Son architecture traditionnelle a largement inspiré l’œuvre de Le Corbusier après son coup de foudre en 1931, et son voyage en voiture en passant par l’Espagne et le Maroc, Le Corbusier demanda à faire des relevés des maisons construites selon des plans émouvants d’efficacité et de références aux désirs de l’âme « c’est une ville radieuse »

Les palmeraies sont des lieux très agréables à vivre pendant les mois les plus chauds, elles offrent un paysage aux apparences si naturelles qu’on oublierait qu’elles ont été entièrement créées par les hommes. Ces jardins sont la récompense de siècles d’efforts incessants pour domestiquer le désert.

4. Système de drainage des eaux dans la palmeraie à Ghardaia

Des amis mozabites nous ont invités à nous reposer quelques instants dans leurs jardins, au milieu des plantes d’agrément, jasmins, lauriers et rosiers qui mêlent leurs parfums à ceux des orangers ou des amandiers.

De nombreuses habitations ont été construites dans la palmeraie, l’ensemble constitue la ville d’été qui se retrouve noyée dans une végétation luxuriante. Dans les rues, on marche entre les hauts murs de pierre; sur le sol, tapissé de sable, les pas sont silencieux, tout respire le calme et la sérénité.

À l’ombre des palmiers dattiers, les Mozabites pratiquent la culture. De nombreux arbres fruitiers (orangers, citronniers, grenadiers, figuiers…) sont protégés de l’ardeur du soleil par les palmes des palmiers. À leur tour, les arbres fruitiers abritent sous leur feuillage des cultures de céréales et de légumes.

Les jardins de la palmeraie sont traditionnellement irrigués par des seguias (petits canaux) et des rigoles. La plupart possèdent aussi des bassins qui constituent des réservoirs d’eau afin de subvenir aux besoins d’arrosage et d’irrigation des cultures. Sous le climat saharien, chaque arbre nécessite plusieurs dizaines de litres d’eau par jour.

 

5. La Zaouia Tijaniya à Laghouat

Au retour nous nous sommes arrêtés à Laghouat et spécifiquement à la Zaouïa Tijania, là où l’aventurière française Aurélie Picard, aussi appelée Lalla Yamina Tidjani, née le 12 juin 1849 à Montigny-le-Roi (Haute-Marne),  est décédée le 28 août 1933.

Son histoire avec l’Algérie commence après la défaite française de 1871 face à la Prusse qui l’entraîne en exil à Bordeaux et là  Elle rencontre un jeune prince et dignitaire musulman, Sidi Ammar At-Tidjani, petit fils de Mawlâya Cheikh Sidi Ahmed At-Tidjani, qui s’éprend d’elle et l’épouse à Alger.Elle fait construire le palais de Kourdane où elle régnera telle une princesse pendant près de soixante ans.

 

La Casbah d’Alger : le joyau de Le Corbusier

6. La casbah d’alger

Durant mon enfance, on m’a toujours parlé de la casbah, cette médina (ville) qui a abrité des générations et des générations, mes parents m’y ont emmené des dizaines de fois, sans que je comprenne vraiment l’intérêt que tout le monde y trouvait, jusqu’en 2010 en 2e année de mon cursus d’architecture lorsque mon enseignante de projet décida de nous la faire visiter avec un guide.

7. Ruelle à la casbah d’Alger

Avec mon œil de futur architecte je me devais de comprendre, la Casbah d’Alger apparaissait dans un premier temps comme un exemple typique des villes traditionnelles maghrébines, qu’on trouve sur la partie occidentale de la Méditerranée et l’Afrique sub-saharienne, elle conserve toujours son intégrité, malgré les diverses mutations et, globalement, les caractéristiques esthétiques de l’art islamique et les matériaux originaux sont préservés.

Je découvre que la Casbah possède encore sa citadelle, des palais, des mosquées, des mausolées et des hammams qui participent toujours à l’identité du site. L’architecture militaire de la Casbah comporte des legs ottomans, datant de la période de la régence d’Alger, mais l’architecture civile garde l’authenticité des médinas maghrébines. Cependant la Casbah apparaît comme un espace en mutation ; en effet, durant la colonisation, certaines bâtisses sont démolies pour implanter des habitations de style européen, principalement sur le front de mer et aux limites de la ville européenne. Elle possède donc aussi, à sa périphérie, des immeubles de style haussmannien datant de l’époque coloniale, intégrés dans son patrimoine classé, on compte aussi certaines modifications de l’habitat avec l’introduction de matériaux non authentiques, et la disparition du circuit commercial de matériaux traditionnels. Sa marginalisation sur le plan social et l’inefficacité des plans de sauvegarde en font un site menacé malgré son classement par l’Unesco.

8. Patio dans la Casbah d’Alger

Entre la Casbah-forteresse et le front de mer et sur un site accidenté se sont développées des habitations majoritairement à étages devenues plus tard la vieille ville d’Al-Djazair qu’on a aussi appelée plus tard par extension Casbah.

Les caractéristiques les plus marquantes de la Casbah qui lui donnent tout son charme, sont le terrain lui-même qui est accidenté et en pente (118 m. de dénivellation), les rues tortueuses qui nous renvoient dans un Alger mystérieux et magique d’un autre temps et l’architecture, tant extérieure qu’intérieure des maisons, ces dernières étant caractérisées par une cour intérieure carrée avec une petite fontaine, autour de laquelle est organisée toute l’habitation. La pente est tellement raide dans la partie haute de la Casbah que la plupart des ruelles sont en escaliers. Les experts admirent le prodige architectural qu’offre le spectacle de maisons enchevêtrées sur un plan très incliné, s’appuyant les unes contre les autres depuis des siècles. Les plasticiens locaux, les écrivains et les poètes, les musiciens et les interprètes, charmés et inspirés par son architecture et son ambiance singulière, continuent de la hanter.

 

Le village, et l’architecture kabyle
Ma terre natale

La Kabylie est une région montagneuse du nord de l’Algérie, mais ses habitants (dont je fais partie) l’appellent « tamurt idurar » (terre de montagnes). Elle fait partie de l’Atlas et se situe en bordure de la méditerranée et couvre plusieurs circonscriptions (wilaya) de l’Algérie : Bouira (Tubiret), Tizi Ouzou, Bejaia (Bgayet), Bordj bou arreridj et une partie des wilayas de M’sila (Tamsilt) Jijel et de Setif.

Ayant grandi en ville et n’ayant pas eu la chance de vivre dans une vraie maison kabyle, mes parents et mes enseignants qui se sont succédé m’ont donné la chance de connaitre l’habitat de mes grand parents et de mes ancêtres kabyles.

 

9. Village kabyle

Taourirt moukrane (27 février 2010)

10. Ruelle dans un village kabyle

La centralité architecturale au niveau du village kabyle n’est pas respectée, car généralement c’est la morphologie du site qui dicte l’organisation du village, mais on a toujours « tajmaat » qui représente le centre sociologique et moral.

Dans le village Kabyle, les ruelles sont véritablement des espaces intérieurs tracées parallèlement aux courbes de niveaux, ce sont des espaces fermés qui s’ouvrent vers le ciel.

La société kabyle est composée d’une série de collectivités emboîtées, présente des cercles concentriques d’honneur, la plus petite cellule sociale est la famille se regroupant dans AXXAM, la grande maison. L’intimité est matérialisée par trois seuils.

L’impasse est aussi un élément du village qui ressemble à la ruelle, elle doit son existence à des contraintes techniques et fonctionnelles ; elle crée une brièveté de cheminement desservant uniquement les groupements qui ne peuvent avoir accès direct à la ruelle.

 

Et plus on avance dans le village kabyle plus on rentre dans l’intimité des grandes familles, puis des petites, jusqu’à arriver au ménage.

11. Entrée principale de la maison kabyle

Une fois rentrée, on trouve tous les éléments de la maison kabyle :
Taqaet : espace ou se déroule toutes les activités.
Azetta : métier a tisser, symbole de la jeune fille et de la protection
Lkanoun : coin feu avec tadekkant (banquette en maçonnerie)
Adainine :  étable, espace réservé aux animaux
Ettaq : petites fenêtres pour éclairer l’intérieur
Taricht : la soupente qui est l’espace nuit

 

Yamine Bitam

 

Crédits photographiques

Image à la une : Vue Ghardaia (source personnelle)

1. Trajet vers Ghardaia  (google map)

2. Le comparatif avec la ville la plus au Sud  (google map)

3. Vue prise du ciel de Ghardaia (L’Algérie vue du ciel, Yann Arthus-Bertrand)

4. Système de drainage des eaux dans la palmeraie à Ghardaia (source personnelle)

5. La Zaouia Tijaniya à Laghouat (source personnelle)

6. La casbah d’alger (L’Algérie vue du ciel, Yann Arthus-Bertrand)

7. Ruelle à la casbah d’Alger (source personnelle)

8. Patio dans la Casbah d’Alger (source personnelle)

9. Village kabyle (source personnelle)

10.  Ruelle dans un village kabyle (source personnelle)

11.  Entrée d’une maison kabyle (source personnelle)

 

Bibliographie et vidéographie:
https://youtu.be/TDpWQBRwqwA

http://agora.qc.ca/dossiers/Algerie

https://www.kabyle.com/

http://whc.unesco.org/fr/list/188

http://www.alger-city.com/tourisme/que-visiter/casbah