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Vue aérienne

L’arrivée à Brasilia se fait presqu’essentiellement par avion et laisse donc au passager la possibilité d’apercevoir son étrange plan . Cette ville nouvelle intègre de nombreux préceptes de l’urbanisme et de l’architecture moderne.

Brasilia, un symbole pour le pays

« Politiquement Brasilia signifie l’installation du gouvernement fédéral au coeur même de la nationalité, permettant aux hommes d’Etat une vision plus large du Brésil dans son ensemble e plus d’indépendance, de sérénité et de paix intérieure. »

Juscelino Kubitschek (président du Brésil de 1956 à 1961).

Jucelino Kubitschek est élu président de la République du Brésil de 1956 à 1961. Il est à l’origine de la création de Brasilia, inaugurée le 21 avril 1960. Parmi les plans ambitieux défendus pendant sa campagne politique, figurait la construction d’une nouvelle capitale. Mise en place en 1953, la Commission d’implantation de la nouvelle capitale fédérale annonça le choix du site de Brasilia en 1955. Fidèle au slogan de sa campagne: « Cinquante ans en cinq ans », Kubitschek mena le projet avec une rapidité étonnante. La création d’une nouvelle capitale à l’intérieur des terres avait pour but de mieux répartir les richesses et la population, largement concentrées sur les côtes, et de mettre fin à la rivalité entre Rio de Janeiro capitale politique et culturelle, et São Paulo, capitale économique. En août 1958, les premières rues de la nouvelle capitale étaient asphaltées là où peu avant rien n’existait.

Brasilia, construite en seulement quatre ans, entre 1957 et 1960, devint l’une des plus grandes réussites du Mouvement Moderne au xxe siècle. Lorsque elle est inaugurée en 1960, elle devient la troisième capitale du Brésil, après Salvador do Bahia et Rio de Janeiro. Sa construction fut accueillie par la critique à l’échelle nationale et internationale par des réactions allant de l’exaltation au rejet. Elle incarne la « ville fonctionnaliste », c’est à dire que les bâtiments doit être exclusivement l’expression de leur usage.

Elle fait aujourd’hui partie du Patrimoine Culturel de l’Humanité. Avec ces 112,25 km2, c’est la plus grande zone protégée par l’UNESCO du monde.

La ville est un symbole pour le pays et ses habitants comme le montre ce témoignage d’une architecte brésilienne :

« La ville de Brasília fait partie de l’imaginaire collectif et de l’histoire de tous les brésiliens. Pour les architectes, au delà de ses images de carte postale, c’est un terrain d’expérimentations d’architecture et d’urbanisme moderne. Un rêve construit avec beaucoup de béton. Une théorie mise en pratique. La ville reflète un moment historique de beaucoup d’audace, richesse et développement. L’occupation du centre du Brésil, l’expansion des axes routiers et le gouvernement de Juscelino Kubitschek ont marqué l’« ère d’or » du Brésil. Quand je suis allée à Brasília pour la première fois, j’ai eu ressenti deux choses. La première fut de l’émerveillement face à la grandeur fidèle des exemples d’architecture et d’urbanisme modernes. La beauté sculpturale des oeuvre de Niemeyer, la sectorisation et la rationalité du Plan Pilote de Lúcio Costa, les couleurs démocratiques du mur de Athos Bulcão, tout comme les courbes du paysage et les tapisseries de Burle Marx : sont la matérialisation d’un rêve moderne. L’intégration des arts, la rationalisation et le progrès exprimés à travers les espaces. D’un autre côté, l’autre grande impression ne fut pas autant positive. La rigueur du modèle rationaliste a fait de Brasília, une ville hermétique. Caractérisée par une inégalité sociale, la marginalisation de l’habitant. Le piéton, le transport en commun, et même la discussion ont été exclus. C’est une capitale politique inaccessible, une époque historique gelée, un cadre magnifique pour le passé. Brasília est une ville de paradoxe, où les arts sont intégrés mais les gens y sont exclus. C’est un orgueil vivant pour tous les architectes brésiliens qui influe et fait référence dans les université et pratiques architecturales. C’est un amour et un karma. »  

Barbára – Curitiba

Un urbanisme moderne

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Plan Pilote

Lucio Costa, de son vrai nom Lúcio Marçal Ferreira Ribeiro Lima Costa, est un architecte et urbaniste brésilien, rattaché au mouvement du Style International. Il est l’urbaniste qui dessina entièrement la ville de Brasilia. Il est considéré comme le pionnier du modernisme au Brésil.Il remporte en effet, le concours en 1957. Il s’y est présenté « non en technicien dûment outillé, car je ne dispose même pas d’un bureau, mais en simple maquisard de l’urbanisme » avec un tracé et un projet nourris des théories du zoning.

Brasília est la Capitale Fédérale du Brésil, établie sur une surface territoriale de cinq millions de km2. Le Plano Piloto (Plan Pilote) fut idéalisé par Lúcio Costa.

Le projet de Costa privilégie la lumière, la clarté et le ciel immense du Planalto Central (région de Brasília).

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Vue de l’axe monumental

La planification de Brasilia est d’abord née d’un simple geste : celui de la croix. Pour l’adapter à la topographie, se préoccuper de l’écoulement des eaux et de l’orientation, cette croix a été incurvée. Elle rentre alors dans un triangle, une aire à urbaniser. Lucio Costa propose un plan sans croisement où l’axe incurvé correspondant aux voies naturelles d’accès, a la fonction de tronc circulatoire avec des pistes centrales pour le trafic rapide et des pistes latérales pour un trafic plus local. La concentration résidentielle se regroupe autour de l’axe incurvé, tandis que les autres secteurs essentiels à la ville : civique, administratif, culturel, de loisir, industriel… ont été ordonné et rangé suivant l’axe transversal. Cet axe est aujourd’hui appelé Axe monumental. A l’intersection des deux axes, se trouvent les secteurs bancaire, commercial, du commerce de détail, des bureaux et des professions libérales. Au croisement de cet axe monumental avec l’axe routier-résidentiel, a imposé la création d’une vaste plate-forme libérée du trafic. C’est une halte à la flânerie où est concentré le secteur de loisir (cinémas, théâtre, restaurants…).

Pour la circulation des camion, Costa a dessiné un système secondaire autonome avec des croisements équipés de feux de signalisation, mais sans aucune intersection.

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une ville pour la voiture

Les édifices destinés aux pouvoirs fondamentaux, autonomes et au nombre de trois, se détachent de l’ensemble et ont trouvé place dans un triangle équilatéral, en rappel à la haute antiquité. Ce triangle forme une place appelé la place des Trois Pouvoirs. Elle est composée des trois sièges, celui du Gouvernement, celui du judiciaire et celui du Parlement.

Le secteur résidentiel est divisé en « superquadras », soient des carrés de 250 m de longueur sur les ailes de l’avion. Les aires résidentielles Nord et Sud sont découpées en « quadras » accessibles deux à deux par le biais d’une entrée. Travail et habitation ne sont pas mélangés. Les « quadras » sont des aires dans lesquelles les habitants doivent être sécurité et se sentir déconnectés de la zone urbaine, les « quadras » sont donc arborées. On peut s’y balader et s’y sentir comme dans un parc. Les RDC des immeubles d’habitation sont entièrement traversant ce qui vient faciliter la balade et proposer une véritable cité jardin. Pour cela, les édifices sont montés sur les pilotis, ce qui signifie que le rez-de-chaussée est transformé en un espace dégagé destiné aux circulations, le jardin passe sous le bâtiment. Ils bénéficient aussi d’un plan libre rendu possible par une structure de type poteaux-dalles. Ce type de structure permet alors d’avoir ou des façades libres ou des ouvertures en bandeau. L’architecture des superquadras est contrôlées. Les immeubles d’habitation ne doivent pas dépasser plus de six étages, le sol est rendu au public et aucun des édifices n’est encerclé de murs. Elle reprend donc de nombreux principes de l’architecture moderne énoncé par Le Corbusier.

Pour ne pas utiliser la voiture pour la moindre course, une rue commerçante sépare les deux « superquadras ». Les vides doivent être rempli d’herbe ou de places de parking.

un parc à l'échelle d'une ville

un parc à l’échelle d’une ville

En instaurant une différence entre les édifices de logements et ceux du gouvernement, Costa se positionne dans le mouvement moderne et applique le principe suivant : la forme découle de la fonction. En effet, pour différencier les fonctions, Costa préconise des volumes simple de six étages maximums pour les logements tandis que pour les différents édifices du gouvernement, il ne prévoit aucune restriction.

Pour la suite de l’urbanisation de la région, Costa dessine un lac artificiel autour duquel viendront s’installer des centres de loisir nautiques, des restaurants, des clubs de sports, des villas…

Au bout de l’axe monumental, en bord de lac se trouve le palais de la présidence, appelé palais de l’Aurore.

Pour Niemeyer, ce plan qui varie de l’échelle humaine (les quadras) au monumental (l’ensemble lié au gouvernement) est celui que « seul un homme sensible comme Lucio pouvait concevoir ».

Des chiffres et des lettres

Ce titre ne fait pas référence au jeu télévisé, mais aux adresses de Brasilia ! Lucio Costa avait pensé à tout en dessinant son plan même au « nom » des rues. Il a déterminé un système ordonné pour définir les différentes adresses en ville.

Connue comme une ville de lignes droites et sans recoins, Brasilia a choisi des sigles de la manière la plus directe et simple. Les secteurs sont si bien différenciés, que chaque chose à sa place et reste où ses codes l’indiquent.

Celui qui habite la capitale n’a pas de problème pour trouver SQS 215 ou CLSW 300. L’idée est simple, les points du Plan Pilote sont ordonnés mathématiquement, en accord avec le plan projeté par Lucio Costa. Chaque adresse commence par un sigle. Il vient renseigner dans quel type de secteur on se situe, on vient préciser si il est au sud, au nord, à quelle hauteur du plan nous nous trouvons :brasilia adresses

Voici quelques exemples des sigles que l’on peut trouver sur une enveloppe :

SQ: pour les Superquadras, si la super-quadra se trouve au nord, nous complétons le sigle de la manière suivante : SQN, pour l’adresse précise d’un appartement, il faudra rajouter sa « hauteur », mais aussi la lettre de son immeuble ainsi que le numéro de son appartement ce qui donne par exemple « j’habite SQN 705 C 21 »;

CL: pour le commerce local;

EQ: pour les Entre-quadra qui sont les zones vertes situées entre les quadras;

SAI: pour le secteur des aires isolées;

SB: pour le secteur bancaire;

SH: pour le secteur hôtelier;

SC: pour le secteur commercial;

SRT: pour le secteur de Radio et Télévision;

SGA: pour le secteur des grandes aires;

SHL: pour le secteur hospitalier local;

SMH: pour le secteur médical hospitalier;

SMU: pour le secteur militaire urbain…

Imagine ton enfance et ses souvenirs : « avec mes copains après l’école nous filions nous acheter des bonbons dans la boulangerie de la SQS 215 avant de jouer à EQS 215 … » Un petit air de science fiction.

Aujourd’hui, vivre à Brasilia

Lúcio Costa a dessiné Brasília pour environ 400 000 personnes rattachées au ministère. La ville compte aujourd’hui plus de 2 millions d’habitants. Le Brésil est un pays d’improvisation, or Brasília est une ville tant ordonnée qu’il est parfois difficile de se dire qu’elle fasse réellement partie du Brésil. En effet, Brasília est une somme de contradictions. L’une d’elles est qu’il faut sortir du centre-ville pour comprendre le mode de vie de ses habitants.

Depuis que Brasilia a été classée par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité, aucune rénovation urbaine n’est envisageable: la ville est vouée à rester figée dans les années 50, et sa population, contrainte de se loger en périphérie. De plus, environ 70 000 ouvriers venus du nordeste ayant participé à la construction de la ville décidèrent pour la plupart de rester et transformèrent des zones en villes-satellites comme Núcleo Bandeirante, Vila Planalto ou Vila Paranóa. Elles se sont donc multipliées plus rapidement que ne l’avaient prévu les concepteurs du Plan Pilote. La démographie est explosive dans ces villes-satellites. De 1960 à 1980, alors que la population du Plan Pilote est multipliée par quatre, celle de Taguatinga l’est par huit entraînant la création de nouvelles villes telles que Gama, Samambaia, Ceilandia, Santa Maria et Recanto das Emas. Dans ces villes-satellites « l’esprit » de Lucio Costa n’est plus aujourd’hui respecté, on peut y voir des immeubles avec plus de trois étages. Les faubourgs offrent trois options de logements: favelas, où s’entassent laissés-pour-compte et va-nu-pieds; apologie de la déglingue, cités dortoirs réservées à la masse ouvrière et aux petits fonctionnaires; résidences protégées où les nantis vivent reclus derrière de hauts murs surmontés de barbelés.

Les habitants de Brasília font l’éloge de sa qualité de vie. La ville est belle, arborée, propre et toujours colorée. Le plan pilote permet une bonne circulation même s’il est vrai que le trafic peut etre congestionné en direction des villes satélites. De plus, Brasilia bénéficie d’un climat relativement clément pour ses habitants. C’est une ville chaude et sèche. Même en hiver, la température ne descend pas en dessous de 20°. Son climat participe au niveau de qualité de vie à Brasília. Mais ce n’est pas tout. La ville a été pensée comme une multiplicité de terrains de jeux. Comme tout brésilien qui se respecte, le sport fait partie de la vie quotidienne des habitants de la capitale. Ils peuvent ainsi s’exercer dans les parcs comme le parc de la ville Sarah Kubitschek ou encore le parc écologique Burle Marx.

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Piste cyclable dessinée pour le dimanche

Le dimanche de nombreux axes routiers sont fermés au voiture et laissé entièrement à l’usage piéton et cycliste. Il n’est pas rare non plus que les habitants viennent finir leur semaine sur les bords du lac Paranóa.

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Pont JK, réalisé par l’architecte Alexandre Chan

Le Lac Paranóa est un lac entièrement artificiel de 48km2 et prêt de 80km de périmètre. Dans une région où il y a deux saisons, l’été et l’hiver et un faible taux d’humidité (le niveau critique de 10% peut être atteint) la présence d’un lac est nécessaire: il améliore la qualité de l’air par l’évaporation de l’eau. Il contient à lui seul 500 millions de m3 d’eau puisée des nappes phréatiques. Sur ces bords se développent de nombreuses activités allant de la simple séance de bronzage sur les plages artificielles au canoë kayak, paddle, etc… Il faut s’inscrire dans les différents club proliférant sur les berges du lac. Pour finir la journée, rien de tel que le parc Dom Bosco pour assister au coucher de soleil sur la ville et le lac.

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une escapade « naturelle » à seulement 15min de voiture

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Fin de journée sur les bords du lac Paranóa

Si j’ai eu la chance de visiter ces différentes secteurs de la ville, c’est que j’ai pu bénéficier des « caronas » (tour de voiture en portugais) de mon hôte. Il est bon de rappeler que le projet de Brasilia prend place dans les années 1950, époque, le monde connait une forte croissance économique qui se traduit par une augmentation très importante de la consommation et de l’achat d’automobile. La ville a été pensé en fonction de la voiture. Il est difficile de se déplacer à pied. Les distances sont facilement longues et la marche dans les secteurs hors habitations se fait souvent en plein soleil tapant. Les transports en commun sont très peu développés. Cependant, il est intéressant de savoir que des vélos en libres services sont proposés.

Bibliographie :

Documentaires :

“Brasilia Trois Ans Après Son Inauguration.” Ina.fr. January 17, 2015.

“Brasilia, Une Capitale Sortie Du Désert En Trois Ans.” Ina.fr. January 17, 2015.

Documentário Brasília: Projeto Capital ( Versão Integral), 2011.

“Vivre À Brasilia.” Ina.fr. January 17, 2015.

Ouvrages :

– Bailby, E.Niemeyer Par Lui-Meme. Balland Bibliographie, 1993.

– Herbert, JL. Lucio Costa. Témoin et acteur, XXème siècle brésilien. Saint- Étienne: PU Saint-Etienne, 2001.

– Luigi, G.“Oscar Niemeyer, Une Esthétique de La Fluidité”. Editions Parenthèses, 1987

– Monnier, Gérard. Brasilia: l’épanouissement d’une capitale. Architectures contemporaines 2. Paris: Picard, 2006.

Articles internet:

– “Brasilia – UNESCO World Heritage Centre.” January 17, 2015. http://whc.unesco.org /en/list/445.

Maguelonne Gorioux – maguelonne.gorioux@nantes.archi.fr

Voyage réalisé en juin 2014