« Oh c’est laid ici! Sommes-nous déjà arrivés ? », Julian nous dit que nous sommes arrivés à l’arrêt RER Bellevue. Et oui, nous étions déjà là, dans le Hansa-Viertel, un projet de logements sociaux d’après-guerre.

HISTOIRE

Le Hansa-Viertel est un quartier à Berlin Ouest du Tiergarten qui est un grand espace vert dans le centre de Berlin. Le quartier a été créé en 1875 à l’origine avec des pavillons avec jardins.

Pendant la Second Guerre mondiale, le quartier a été presque entièrement détruit par les bombes. Un demi-million d’appartements ont été détruits à Berlin, c’est pourquoi la nécessité de reconstruire des logements était très importante . La reconstruction offrit l’opportunité pour un nouveau développement urbain.

Premièrement, les grands lotissements à la périphérie ont été construits  et les terrains vagues du centre-ville ont été bâtis. Cependant, les urbanistes avaient une autre vision  de la ville moderne. Par conséquent, un plan d’aménagement a été adopté en 1950 par le conseil municipal : il impose la reconstruction du centre ville avec de larges voies de circulation et un bâti plus structuré, les fonctions doivent être aussi séparées.

LA COMPÉTITION

Le Hansa-Viertel a été sélectionné parce que plus de 90% des bâtiments ont été détruits pendant la guerre et, sur les ruines de l’ancien quartier, un nouveau a vu le jour selon les principes du modernisme. En 1952 une compétition internationale a été lancée, que les architectes Gerhard Jobst, Willy Kreuer et Wilhelm Schließer de la TU Berlin ont gagné.

la proposition de Kreuer

la proposition de Jobst / Kreuer / Schließer (source: Interbau Berlin 1957. Amtlicher Katalog)

Leur projet prévoit un quartier ouvert avec des logements dans des barres et des tours. Le principe de la conception du quartier, est d’utiliser moins d’espaces construits mais plus élevés pour laisser plus d’espaces verts. Le nouveau Hansa-Viertel a quatre fois plus d’espaces verts que l’ancien. Dix paysagistes ont été employés pour les espaces verts.

53 architectes internationaux ont participé à la conception, comme par exemple Alvar Aalto, Walter Gropius ou Oscar Niemeyer… Chaque projet est un objet unique qui représente un architecte et son pays. Tous les logements sont des logements sociaux sauf les maisons individuelles.

LE PROCESSUS DE CONSTRUCTION

Pendant deux ans, la ville a acheté des propriétés privées pour mettre en œuvre le plan qui a gagné la compétition. Une nouvelle planification des routes devait réduire le trafic dans le Hansa-Viertel.

Le financement par des subventions publiques permettaient que les loyers soient abordables et conforment aux exigences d’architectes.

LE INTERBAU 1957

Le nouveau Hansa-Viertel a été inauguré en 1957 avec une « Internationale Bauausstellung » (exposition internationale d’architecture), « INTERBAU 1957 ». Cette idée est née en 1953. On voulait montrer au monde, qui était divisé entre Est et Ouest, à quoi « la ville de demain » (« Die Stadt von morgen ») devrait ressembler. En plus de l’INTERBAU, le Hansa-Viertel était une réponse architecturale à la Stalin-Allee de Berlin-Est. Cette avenue a été construite par l’Union soviétique quelques années plus tôt dans le style néo-classique comme une démonstration de force à l’ouest.

À l’ouverture de l’INTERBAU certains bâtiments étaient déjà terminés, d’autres étaient en finitions et certains encore en chantier de gros œuvre. Le but était de montrer au public  différentes phases de la construction. La variété des systèmes constructifs et des matériaux était aussi une bonne occasion pour la recherche architecturale, dont on espérait des avancées pour l’avenir.

les architectes et le terrain d'INTERBAU

les architectes et le terrain d’INTERBAU (source: Interbau Berlin 1957. Amtlicher Katalog)

OPINIONS SUR LE PROJET

Le monde politique a trouvé le projet intéressant :

Le patron de l’INTERBAU le Président Prof. Dr. Theodor Heuss pensait en 1957 que la destruction totale du quartier a permis de proposer une solution d’unité. Il a dit que le quartier est une référence pour la construction de logements sociaux mais aussi pour l’économie de construction des bâtiments.

Le chancelier Konrad Adenauer a parlé en 1957 d’une diffusion de nouvelles idées à l’Ouest et à l’Est, qui peuvent donner des exemples à suivre pour les construction de logements et de développement urbain.

L’opinion de la presse spécialisée était au contraire :

Dans « Baumeister » en 1957 l’urbanisme a été critiqué. Le quartier a été coupé par une voie ferrée, ce qui explique pourquoi toute tentative d’unité est condamnée. En outre, les barres sont trop près du train et sont exposées aux nuisances sonores du trafic. La Klopstockstraße, qui traverse le territoire, apporte beaucoup de bruit tout comme la Altonaer Straße.

Des décennies plus tard Hans Stimmann, l’ancien Senatsbaudirektor (urbaniste en chef) de Berlin, n’a trouvé aucune conclusion positive. Pour lui, le Hansa-Viertel était « une erreur » (« ein Irrweg »). Selon Stimmann les principes de séparation des fonctions ont créé beaucoup de problèmes dans les villes modernes, dont la vacance commerciale.

La forme urbaine de l’ancien Hansa-Viertel est aujourd’hui de nouveau d’une grande actualité  contrairement à la forme urbaine moderniste de l’Hansa-Viertel actuel. Il pense qu’il y a trois causes pour la nature radicale du projet:

Tout d’abord, la haine de la ville traditionnelle par le mouvement moderne, qui voulait créer un modèle pour la ville du futur avec pour objectif sous-entendu de construire une alternative libérale à Stalin-Allee. Mais la Hansa-Viertel n’était pas qu’un modèle pour l’avenir, mais seulement un cas particulier spectaculaire pour les touristes aimant l’architecture.

LA VISITE

Je suis arrivé sur le site comme touriste aimant l’architecture. Julian était là avec moi, un ami de Berlin qui n’est pas dans le domaine de l’architecture. Ma vision du projet s’est heurtée à sur la réalité et mon point de vue sur l’architecture a été constamment remis en question par un observateur neutre, Julian.

Le bâtiment d’Oscar Niemeyer

Premièrement, nous sommes allés au bâtiment  d’Oscar Niemeyer. Le bâtiment comprend huit étages et la façade était enduite en blanc à l’origine, mais aujourd’hui la couleur est moins présente. Nous sommes passés à travers le rez de chaussée du bâtiment qui est sur pilotis. On y trouve l’accès aux escaliers internes. Une autre cage d’escalier avec ascenseur se trouve en dehors de l’immeuble, celle-ci conduit seulement au 5ème étage qui est un espace avec des espaces communs pour les habitants. Malheureusement, nous ne pouvions pas visiter cet étage, car l’escalier, autrefois accessible au public, a été verrouillé.

klein_3_niemeyer

les pilotis du bâtiment d’Oscar Niemeyer

plan 5ème étage (source: Interbau Berlin 1957. Amtlicher Katalog)

plan 5ème étage (source: Interbau Berlin 1957. Amtlicher Katalog)

plan regulier (source: Interbau Berlin 1957. Amtlicher Katalog)

plan regulier (source: Interbau Berlin 1957. Amtlicher Katalog)

Niemeyer répète le même type d’appartement à tous les autres étages. Le résultat est une façade uniforme monotone avec des loggias protégées par une paroi de verre. Le garde-corps est une simple grille en acier, des panneaux bleus et jaunes couvrent une partie du garde-corps. Les loggias semblent peu occupées comme le bâtiment en général.

Nous avons traversé la Altonaer Straße et je trouve que les critiques faites sont avérées: la route est trop bruyante. Je suis également étonné de la proximité de l’immeuble de Niemeyer à cette route principale.

Le Kaiser-Friedrich-Gedächtniskirche

Notre objectif était le Kaiser-Friedrich-Gedächtniskirche dont le clocher m’a été recommandé comme un point de vue à voir. L’église se présente sur le côté de la rue avec une façade fermée en béton de style brutaliste. Les trois portes sont en acier. Le toit en encorbellement sur le parvis fait une ligne de zigzag. L’église est située sur le bord du quartier et non dans le centre, comme on pourrait le penser. À côté d’elle, il y a des espaces verts mais aussi des maisons individuelles. Nous avons essayé de monter sur la tour de la cloche, mais deux ouvriers nous ont dit non car la tour est délabrée et que c’est risqué de monter. L’église était fermée en raison de rénovation. Comme le bâtiment de Niemeyer, l’église semblait abandonnée.

Le bâtiment de Walter Gropius

Contrairement aux autres immeubles du projet le bâtiment en barre de Walter Gropius semblait propre et récemment rénové. Le jeu de façade avec les loggias et les paroies fermées amène une variation même si le rythme est régulier. En raison de la légère courbure du bâtiment un espace entre celui et la route est crée. Il semble que les loggias sont plus occupées. L’arrière de l’immeuble est simple.

klein_dsc_gropius

croquis avec l'espace devant le bâtiment (source: Interbau Berlin 1957. Amtlicher Katalog)

croquis avec l’espace devant le bâtiment (source: Interbau Berlin 1957. Amtlicher Katalog)

CONCLUSION

Après nous sommes allés vers Hansa-Platz. Julian a soulevé la question de savoir pourquoi nous avons regardé ce quartier. Il a vu une forme de logements sociaux qu’il a l’habitude de trouver dans  Berlin  à savoir : façade claire, béton banché, des matériaux simples et pas chers, des espaces verts que personne n’utilise. Il n’a pas particulièrement aimé le projet.

Mais d’un point de vue architectural, c’était encore un tour intéressant : le Hansa-Viertel permet de voir le logement de l’après guerre et du modernisme. Ici, les premiers projets allemands de logements sociaux de grande ampleur ont été réalisés. Mais le Hansa-Viertel est aussi un symbole de l’échec de cette idée. La séparation fonctionnelle a créé une cité sans vie. Les habitants travaillent dans d’autres districts et passent leur temps libre en dehors du Hansa-Viertel parce qu’il n’y a pas de bars ou boutiques en raison de la mono-fonctionnalité  du quartier. Les espaces verts restent vides puisque les résidents ne peuvent pas s’y identifier et le personnaliser contrairement aux jardins privés situés dans la cour arrière des maisons.

Je n’ai pas l’impression que les habitants s’identifient au quartier. Cela peut être parce que les planificateurs n’ont pas laissés aux résidents d’espaces personnalisables : un problème connu du logement social. Tout est déjà conçu et semble monotone. Parce que la Altonaer Straße est très bruyante, je trouve que le quartier a des problèmes de circulation.

En raison de la forme urbaine et des espaces verts vides je ne me suis jamais senti au milieu d’une grand ville. Les résidents semblent sans attachement avec leurs appartements, l’insertion du projet dans la ville n’est pas évidente et de qualité – c’est donc difficile de se sentir à l’aise ici et nous avons quitté le quartier avec un sentiment de frustration.

klein_dsc_altonaer-strase

Voyage effectué en février 2016

Philipp Brodbeck

RÉFÉRENCES :

_Weitz Ewald und Jürgen Friedenberg: Interbau Berlin 1957. Amtlicher Katalog, Internationale Bauausstellung Berlin GmbH, 1957

_Stefanie Schulz und Carl-Georg Schulz: Das Hansaviertel. Ikone der Moderne, Verlagshaus Braun, 2007