L’île de Gorée est le sanctuaire de l’histoire de la traite négrière en Afrique de l’ouest. Son destin est singulier car elle présente bien des avantages maritimes

du fait de sa position géographique. Située à 3,5 km de Dakar, cette petite île de l’Atlantique  se dresse sur un socle de 900 m de long par 300 m de large. Tour à tour sous l’occupation des portugais, des hollandais, des anglais et des français, cette île fortifiée a été un comptoir colonial, lieu de départ du commerce des esclaves vers le Nouveau Monde.

L’île de Gorée est inscrite au patrimoine mondiale de l’UNESCO depuis 1978. Depuis, elle n’a subi aucune construction susceptible de porter atteinte à l’authenticité du site. Seules des restaurations et rénovations ont été effectuées afin de conserver ces lieux.  

Aujourd’hui, ce petit bout de terre caressé par les flots est un symbole d’espoir, lieu de commémoration, de rassemblement et de souvenir de ce passé douloureux.

 

gorée 2

Embarcadère pour gorée

L’embarcadère est remplie de monde, tous vont sur l’île pour y chercher de la fraîcheur, de la quiétude et profiter de cette belle journée ensoleillée. Mais aujourd’hui, nous avons un tout autre but. Accompagnées de deux amies, nous allons visiter l’île de Gorée. Cela tombe bien : Il y a bien quelques années que je ne l’avais pas visitée .

Il est 11h35, nous sommes assis dans la salle d’attente de l’embarcadère du port autonome de Dakar. Guettant l’arrivée de la chaloupe, nous avons une vue imprenable sur cet environnement portuaire.

Arrivée sur l'île de Gorée

Arrivée sur l’île de Gorée

La chaloupe est arrivée, nous entamons ainsi notre voyage. A peine vingt minutes que nous avons quitté Dakar et nous sommes arrivées sur l’île. Nous débarquons sans savoir dans quel sens aller, nous décidons de nous enfoncer dans l’île en allant dans la ruelle se trouvant en face de nous. Nous nous rassurons en disant que de toutes les manières, elle n’était pas bien grande et donc difficile de s’y perdre. Nous entamons ainsi notre visite.

statut de la libération

Statut de la libération

Au bout de cette ruelle, au loin, nous apercevons la statue d’un homme et d’une femme enlacés , les chaînes cassées. Sur la plaque qui l’accompagne, est inscrite la provenance de cette œuvre. En effet, il s’agit un cadeau du peuple de Guadeloupe symbolisant la libération de l’esclavage.

A côté de celle-ci,  non loin, se dresse une bâtisse rouge ocre singulière : la fameuse maison des esclaves. Elle constitue un passage obligé pour quiconque se rend à Gorée pour la première fois. Ici, l’entrée est payante moyennant 500 Francs cfa (0,76 centimes d’euros)  pour une visite commentée. C’est la première étape de notre visite. Le conservateur qui y officie, rappelle les heures sombres de ce lieu. Il s’agit de la dernière maison des esclaves en activité sur l’île. Elle appartenait à Anne Pépin, riche signare sénégalaise, née de père blanc et de mère esclave. Durant cette visite poignante, nous découvrons comment étaient sélectionnés les esclaves et leurs conditions de détention.

Maison des esclaves

Maison des esclaves

A l’entrée du comptoir, nous sommes face à un grand escalier majestueux à double flèche. Il s’agit d’un bâtiment en U avec un corps central sur deux niveaux et des bâtiments latéraux sur un niveau avec des toitures accessibles par le R+1 du bâtiment centrale. A l’étage, une coursive ornée de larges piliers carrés dessert les différentes pièces. S’y trouvent, de vastes espaces, aérés et lumineux. La couleur rouge ocre de la façade est contrastée avec le jaune qui vient habiller la coursive et ses volets bleus. Cet étage, dédié à l’époque à l’habitation des maîtres, sert aujourd’hui d’espaces d’exposition ; le rez-de-chaussée étant réservé au stockage de la nourriture et des esclaves. Le sol de ce dernier en terre battue et ses murs en pierre sont recouverts en partie de moisissure. L’humidité y est très présente accentuant le poids du lieux. On y trouve différentes cellules. Femmes, hommes, enfants, filles vierges étaient tous séparés. Les membres d’une même famille n’avaient plus de contact. Les personnes trop faibles ou malades étaient jetées à la mer où ils étaient dévorés par les requins. Les plus récalcitrants étaient mis aux cachots, de petits espaces exiguës, situés en dessous des escaliers.

Au fond de la maison, la porte du voyage sans retour, son nom est symbolique de l’histoire de tous les esclaves qui l’ont traversée, sans possibilité de retour en Afrique. Elle était prolongée par un  quai de d’embarquement qui permettait d’accéder au bateau. Aujourd’hui, il ne reste que des ruines de cette dernière : un quai totalement détruit. On est face à l’océan, dans une ouverture en pierre à peine assez large pour une personne.

A la fin de la visite de la maison, nous étions tous d’une part affectées par cette visite mais le conservateur nous fait relativiser en faisant une blague afin de détendre l’atmosphère.

Le kiosque typique

Le kiosque typique

En sortant de la maison, nous apercevons tout loin,  à gauche, un kiosque typique du Sénégal. Nous décidons donc d’aller nous chercher quelques choses à boire. Nous y rencontrons Ibrahima avec qui nous commençons à discuter. Ibrahima est un goréen, il y vit depuis son enfance. Nous lui demandons ainsi de nous parler de cette île et de ces habitants. Il nous explique que les habitants de l’île sont très conservateurs de leur histoire et de son patrimoine. Ils y habitent et  l’entretiennent. Les goréens sont principalement des lébous. Une ethnie qui, à l’époque, vivait essentiellement sur les côtes. Ils occupaient déjà ces terres même avant l’arrivée des colons. En effet, ceux-ci entretiennent un rapport très étroit avec la mer et trouvent en elle un grand réconfort. Ils vivent principalement de la pêche et des cultures vivrières. Ici il n’est pas rare de voir les adultes aller au large au bord de leur pirogue pour pêcher et les enfants, cueillir des oursins au pieds des rochers pour ensuite les faire griller sur la plage. On trouve également des familles de griots. Ce sont principalement les guides que nous rencontrons sur l’île. L’histoire de Gorée leur est transmis depuis leur plus jeune âge et une fois qu’ils ont à leur tour des enfants, ils leur transmettent ce savoir. Ce sont les “Passeurs de l’histoire”. Nous avons ainsi discuté longuement jusqu’à ce que de nouveaux clients arrivent et nous nous allons, leur laissant la place et remerciant notre nouvel ami avec qui la discussion fut fort agréable.

Typologie de ruelle de Gorée

Typologie de ruelle de Gorée

Nous continuons d’avancer petit à petit dans les entrailles de l’île. Des enfants jouent dans les allées, les vieux jouent au dame, la végétation grippe sur les murs et plus loin un troupeau de chèvres bien installé. Nous surprenons même quelques moutons qui nous observent. On y respire l’air pur. Sur cette île, pas le moindre véhicule motorisé, la place est donnée au piéton. On marche ainsi sur une allée en pavé avec des bas côté en sable longeant ces façades aux couleurs vives. Et lorsque l’on s’égare dans des ruelles plus étroites, nos pieds viennent fouler le sable. Elles sont bordées par des arbustes et une végétation toute en fleur. Les ruelles étaient ombragées même si on sentait cette forte chaleur. L’ambiance est calme, on a l’impression d’être dans un autre monde, un havre de tranquillité.

Nous continuons d’arpenter cette allée afin de découvrir de nouveaux trésors. Nous traversons trois places dont la différence nous apparaît une fois arrivées à la seconde. Nous avons dénommé la première place, la place au flamboyant même si nous étions déçues qu’il ne soit pas en fleurs: rouge comme on a l’habitude de les voir. Le feuillage des arbres vient jouer avec les façades colorés, et nous nous imaginions tout de suite si il était rouge et le contraste de celui-ci avec ces façades colorés. Néanmoins, l’ambiance est agréable. Certains sont assis au pieds d’un arbre entrain de discuter pendant que d’autres bricolent. La seconde est déserte.  Bordée par des maisons, le centre médico-social et l’église Saint Charles de Borromé, cette place est loin d’être l’arbre à palabre que l’on a vu précédemment. Le calme règne. L’ église et le centre ont leurs grandes portes ouverte attendant d’accueillir des fidèles. Et enfin, la troisième, la place au baobab, la place de l’arbre à palabre. Il vient animer la place par ces branches qui tamisent la lumière. Ici, seul les vendeuses de légumes participent à ce décor .

La rue des arts

La rue des arts

Nous continuons notre balade sur l’île. Au détour des ruelles, on découvre la rue des artistes. On y retrouve  percuteurs, danseurs, peintres, artisans. Les rues sont bordées par des alignements de baobab d’un côté, et de l’autre les expositions des artistes sur tous types de supports. Cette ruelle s’ouvre ainsi sur la place du marché artisanal où plusieurs artistes y exposent leurs travaux à vendre aux touristes. Dans une cabane de fortune, il est possible de les voir à l’œuvre, il nous présente le procédé de réalisation du tableau de sable. Plus loin, un vaste espace se dégage avec comme décor le palais du gouverneur. Cette bâtisse est aujourd’hui inhabitée. Fenêtres fermées ou cassées et peintures écaillées laissent apparaître la maçonnerie de pierre. Il s’agit d’un bâtiment en U sur deux étages. Toutes les pièces du rez-de-chaussée sont desservies par une galerie et à l’étage par une loggia. Les ouvertures en arcade viennent orner cette façade donnant ainsi à ce bâtiment d’institution un caractère plus noble. Elle est couronnée par une terrasse bordée par des balustrades qui viennent ainsi finir le bâtiment. Sur le parvis, des jeunes sont en  train de répéter leur chorégraphie accompagnés par des percuteurs.

Vue depuis le point haut de la colline

Vue depuis le point haut de la colline

En prenant un peu de hauteur, nous voyons quelques canons. C’est ainsi que nous nous amusons à imaginer ce que Gorée devait incarner à l’époque. En effet, lieu de toutes les convoitises, ces canons ont été installés par les français en 1902 afin de protéger la baie de Dakar pendant la première et le deuxième guerre mondiale. Ici, maisons et bâtisses toisent l’Océan. Elles sont sur deux niveaux, rarement plus et toutes mitoyennes. Les maisons colorées s’enchaînent et forment un patchwork de couleurs et de styles. Certaines de basalte, de briques, ou aux couleurs patinées par le temps, elles rappellent les maisons portugaises. Elles sont toutes constituées d’une toiture à double pente de tuile surmontée de frise en bois .

Après 5 heures de visite de l’île, notre tour est terminé. En attendant l’arrivée du bateau, nous décidons de profiter de la plage où l’eau est claire et les vagues assez calmes.

Sur le chemin du retour, voyant les berges s’éloigner au loin, je me rappelle d’un mythe : celui de Coumba Castel, l’esprit protecteur de l’île de Gorée. On raconte que les colons ont longtemps essayé de construire un pont reliant Gorée et Dakar. Mais à chaque fois qu’ils réalisaient un tronçon, celui-ci était détruit durant la nuit par cet esprit. On retrouve ainsi des ruines et sur les berges de Gorée et de Dakar. De ce fait, les habitants disent que la chaloupe est la clef de cette île. Ainsi, à son arrivée le matin, elle ouvre les portes Gorée et à son dernier départ le soir elle ferme cette dernière jusqu’au lendemain. Et c’est sur cette dernière anecdote que mes amies et moi clôturons cette journée visite riche en émotions.

Aïda DIOP

Voyage du 05/08/15

Bibliographie

  • Brice Loukakou, Mémorial de Gorée Dakar, Sénégal,  TPFE, 1998
  • Alain SINOU ,Comptoirs et villes coloniales du Sénégal: Saint-Louis, Gorée, Dakar,  Katarla, 1993

Web

  • https://www.youtube.com/watch?v=AU5fuvkrQnw