Venise.

Au premier abord, Venise m’est apparue comme une ville musée, où tout n’est qu’apparat pour plaire aux touristes et leur laisser voir ce qu’ils voulaient découvrir dans cette ville. Je pense ici à la place San Marco et ses files de gondoles mais aussi aux quartiers centraux où il devient difficile de circuler à son aise, entre les flâneurs, dans les petites ruelles. Je ne suis pas restée assez longtemps pour vraiment connaître la ville mais je l’ai quand même arpentée suffisamment pour être conquise par les quartiers plus populaires comme celui du Cannaregio et du Castello. De même, j’ai été frappée par le caractère ordinaire pour les vénitiens de prendre le vaporetto, comme lorsque nous prenons le métro à Paris, alors que mon enthousiasme était débordant à l’idée d’être sur l’eau et de pouvoir admirer les paysages alentours. Ce sont ces traces de vies quotidiennes qui me plaisent quand je visite une ville. Et je crois que pour bien profiter de Venise, il faut accepter de s’y perdre et accepter qu’il s’agisse d’une ville touristique.

gondoles de San Marco

gondoles de San Marco

Cette ville est étonnante, complexe et emplie de paradoxes lorsque l’on se rend compte des prix exorbitants des loyers alors que les logements sont souvent vétustes et sales. La vie y est chère en raison du développement du tourisme et il est difficile d’y trouver un travail. La population, et beaucoup de jeunes, vivent plus loin, à Mestre ou encore sur le Lido. Même l’aristocratie vénitienne commence à déserter la ville et les palais sont rachetés par de grandes multinationales. Si ces phénomènes continuent, Venise sera vidée de ses habitants et deviendra véritablement une ville musée. Par ailleurs, la ville n’a pas assez de moyens pour entretenir au quotidien les rues et les canaux mais aussi pour lutter contre la pollution et rénover les fondations des immeubles. Les égouts se déversent directement dans les canaux et les marées sont censées nettoyer l’eau de Venise. Les Vénitiens définissent ce système par « l’aqua va in mar » (l’eau va à la mer) et « il mar va in aqua » (la mer va à l’eau). Aujourd’hui, un système un peu plus sophistiqué permet le dépos des substances et leur décantation dans des fosses biologiques mais il n’est pas installé partout et les marées jouent encore un rôle essentiel pour l’hygiène de la ville. Malgré cela, je suis quelque peu répugnée à l’idée de la propreté de l’eau lorsqu’elle inonde la ville durant les acqua altas. (L’acqua alta, hautes eaux, désigne l’inondation de la lagune de Venise en raison d’un pic de marée haute particulièrement conséquent. Ce phénomène a lieu en général durant les périodes d’automne et de printemps. Les parties les plus basses de la ville, comme la place Saint-Marc par exemple se retrouvent submergées.)

place San Marco

place San Marco

Outre les graves problèmes d’entretien que connaît Venise, il s’agit  d’une ville très attrayante par ses multiples quartiers qui permettent à chacun de trouver son bonheur, le mien a été plutôt dans les coins calmes où il était agréable de se perdre dans les petites rues tranquilles, à l’odeur de linge propre étendu d’une façade à l’autre.

calme et vie quotidienne - Castello

calme et vie quotidienne – Castello

Le quartier du Castello se veut paisible, peu touché par le tourisme et partagé entre les jardins publics et les œuvres du Carpaccio. Le quartier est populaire et le linge coloré étendu constitue le paysage des rues. C’est aussi le quartier qui accueille la biennale. Une partie se trouvant dans l’Arsenal, le chantier naval de l’état, avec ses bassins et ses hangars, et une autre dans le Giardina Pubblici offrant une belle vue sur la lagune. Ces Jardins Publics de Castello sont en fait le résultat d’une œuvre napoléonienne. En effet, en 1797, Napoléon Bonaparte qui s’est lancé dans la conquête de l’Italie débarque à Venise. Il pille les trésors de la ville et opère des transformations comme le réagencement de la place Saint Marc dans un style plus français. Aussi, il ouvre de grandes artères, comme la Via Garibaldi qui mène aux Jardins Publics de Castello. La création de ces jardins représente le début des grands travaux de modernisation de la ville. Avant, les vénitiens n’avaient pas pour habitude de constituer des espaces collectifs comme ce concept de jardin public et il s’agit bien là de la vision française de l’urbanisme.

havre de paix - Cannaregio

havre de paix – Cannaregio

Le quartier du Cannaregio présente moins d’églises et de musées et est peu fréquenté par les touristes. Il se veut plus authentique et les gondoles touristiques du centre sont remplacées par les bateaux à moteur des habitants. Nous avons profité du calme de ce quartier le temps d’un midi, au soleil, au bord de l’eau. Un petit restaurant qui ne payait pas de mine où nous avons pu manger des spécialités et boire des spritzs.

pont de Calatrava

pont de Calatrava

J’ai eu l’occasion de passer sur le pont de Calatrava, reliant la Piazzale Roma, où nous avons pris le bus, et la gare de Santa Lucia. Le pont de la Constitution (ponte della Costituzione) a été conçu par l’architecte Santiago Calatrava ce qui lui conféra le nom de “pont Calatrava”. Il a été inauguré le 11 septembre 2008 et constitue le quatrième nouveau pont permettant la traversée du Grand Canal. L’inauguration s’est déroulée à 23h44, en effet, il s’agissait d’éviter les manifestations après des années de retard puisque le projet avait été lancé par la municipalité de Venise en novembre 1999.
Du verre trempé (fabriqué par Saint-Gobain) et de la pierre d’Istrie (matériau utilisé pour des palais et ouvrages d’art vénitiens depuis des siècles) ont été utilisés pour les marches et le tablier. La main courante est en bronze émaillé et le parapet est entièrement en verre. La structure métallique de ce pont a une longueur totale de 94 mètres et 9 mètres de large en son milieu, et surplombe le Grand Canal à 9,28 mètres en son point central. Des spots ont été positionnés au bas des murs et illuminent le sol de chaque côté du pont. Aussi, le tablier transparent est éclairé par le dessous.
Mais ce pont fait polémique, outre les goûts de chacun en matière d’esthétisme, beaucoup de problèmes techniques sont survenus. Une nacelle était prévue pour les personnes à mobilité réduite mais elle ne fonctionne toujours pas. De plus, la hauteur des marches est trop faible et leurs profondeurs varient selon les endroits du pont. Ainsi, ces variations ont causé beaucoup de chutes des utilisateurs. Par ailleurs, les règles de circulations sont inquiétantes puisqu’on ne peut pas traverser le pont avec des valises ou autres chariots à roulettes ayant un poids supérieur à 20 kilos et/ou d’un mètre cube maximum. Enfin, la base du pont et lui-même bougent au delà des seuils tolérés ce qui exige une surveillance permanente. Ce contrôle et la maintenance du pont Calatrava sont très coûteux pour les Vénitiens puisque la dépense annuelle s’élève à plusieurs centaines de milliers d’euros.

un petit marché sur le Lido

un petit marché sur le Lido

Nous logions sur l’île du Lido, ce qui fût très agréable. Cette île longue de 12km est un mince banc de sable constituant une barrière naturelle entre Venise et la mer Adriatique, malgré les inondations régulières de la ville. L’île est d’abord connue en tant que station balnéaire. Elle est la seule île de la lagune où les voitures circulent, reliée au parking de l’île Tronchetto grâce au ferry. Un service de bus permet de parcourir l’île en longueur. Nous l’avons donc utilisé pour nous rendre à la station de vaporetto et enfin rejoindre Venise. Mais les locaux circulent beaucoup à vélo. J’ai été séduite par le rythme de la vie sur le Lido, lent et calme. Nous logions dans une maison sur la côte Nord-Ouest. Le premier réveil fut merveilleux puisqu’en sortant de l’appartement nous avons découvert une magnifique vue sur la lagune. Nous avons longé la côte à pied jusqu’au vaporetto. J’ai été étonnée par le caractère champêtre de cette rue, bordée d’un côté par de grandes demeures aux multiples couleurs, entourées par des jardins et de l’autre côté par de la végétation sauvage et une vue sur Venise. La vie y semble paisible, nous sommes passées par un petit marché où viennent s’approvisionner les habitants à vélo. De petits ponts permettent de traverser les quelques canaux qui entrent sur l’île. La promenade laisse une vue sur l’île de Lazzaretto Vecchio, toute proche du Lido, qui servait pendant un moment d’abri pour les pèlerins en route vers la Terre Sainte puis de zone à l’écart où on laissait les hommes et produits contaminés. Par la suite, elle eut un usage militaire. Enfin, de nos jours, un refuge accueille les chiens errants.

le réveil sur le Lido

le réveil sur le Lido

Au XIXème siècle, le Lido n’était pas encore développé et de grands écrivains s’y rendaient pour travailler. Mais peu à peu, des établissements de bains s’y sont implantés et l’île est devenue une prestigieuse station balnéaire au début du XXème siècle. Par exemple, le Grand Hôtel des Bains a été construit pour attirer une clientèle raffinée au Lido. Des rois, stars et intellectuels venaient séjourner dans des palaces et se prélasser sur des chaises longues sur les plages. Thomas Mann a écrit à ce sujet « Devant la longue rangée des cabines, (…) ce n’était que mouvements, jeux, nonchalance des corps allongés (…) nus hardis et profitant avec délice des privilèges de la plage. Devant, sur le sable humide et ferme, on se promenait ». Mais la crise financière italienne a contribué au déclin de Venise. Aussi, les casinos qui constituaient une importante source de revenue à la ville n’attirent plus de clientèle aisée et celui du Lido a même fermé. La municipalité qui ne peut donc plus entretenir son patrimoine le cède au fur et à mesure à des fondations et entrepreneurs privés. Par exemple, l’Hôtel des Bains a été transformé en complexe d’appartements de luxe. Aujourd’hui, ce temps est donc révolu et nous pouvons profiter des plages de San Nicolo le long de la rue Lungomare Gabriele D’Annunzio sur la côte Sud-Est. Les plus belles plages, le long de la rue Lungomare G. Marconi, sont en fait privées et appartiennent à de grands hôtels. Malheureusement, je n’ai pas eu le temps de visiter la partie Sud Ouest du Lido, où se trouve le village de Malamocco réputé pour ses restaurants de poissons puis à la pointe Sud, à Alberoni, où se trouvent un parcours de golf, une plage publique et le débarcadère du ferry allant à Pelestrina. La partie à l’extrême Nord de l’île constitue un terrain d’aviation où des sauts en parachute et des vols au dessus de Venise sont organisés par l’aéroclub.

Florence.

promenade nocturne dans le centre ville de Florence

promenade nocturne dans le centre ville de Florence

Durant les deux jours passés à Florence, j’ai pu arpenter le centre ville, entre cathédrale, églises, palais, places, basiliques, marché couvert. Avant ce voyage, j’avais en tête une ville d’art empreinte de la Renaissance italienne, comportant nombre de musées et d’églises. Je l’ai effectivement vérifié mais j’ai surtout été surprise par le caractère majestueux des façades sur rue dans le centre ville. Il est sûr que le choc a été brutal en passant de l’architecture de Venise à celle de Florence !

 La période de la Renaissance est née à Florence durant la deuxième moitié du trecento (XIVème siècle) et s’est terminée à la fin du cinquecento (XVIème siècle). Les interrogations à propos du passage de l’artisan à l’artiste, du maçon à l’architecte ont marquées cette période. Aussi, il a été introduit la représentation du projet architectural avant son édification (plans, coupes ainsi que perspective par Brunelleschi). Les architectes avaient pour désir de scénographier la ville.

cathédrale Santa Maria del Fiore

cathédrale Santa Maria del Fiore

J’avais étudié au cours de mes études d’architecture la Renaissance italienne et entre autre la cathédrale Santa Maria del Fiore. Mais à la découvrir en réalité, elle m’est apparue encore plus impressionnante et imposante que dans mes souvenirs (en image) ! Revenons sur une brève chronologie de la construction de cet édifice. Sur l’emplacement de l’église paléochrétienne Santa Reparata (IVème siècle), Arnolfo di Cambio commence la cathédrale de 1296 à 1302 puis Giotto continue le travail de 1334 à 1336. De 1355 à 1366, le chantier est repris par Francesco Talenti et Giovanni di Lapo Ghini qui agrandissent le plan du projet initial au niveau du chevet. Les nefs, le voûtement de la nef centrale, les tribunes et le tambour octogonal en attente d’une coupole sont construits de 1378 à 1421. C’est en 1418 que Brunelleschi remporte le concours pour la construction de la coupole. Celle-ci sera édifiée entre 1420 et 1434. Brunelleschi voulait scénographier la coupole afin qu’elle apparaisse au-dessus de la ville. La coupole est immense par rapport au reste des bâtiments. D’après Vasari, celle-ci rivalise avec la nature, il écrit en 1546 : «Les Florentins décidèrent de construire, au sein de leur ville, une église principale qui, par ses dimensions et sa magnificence, fût telle qu’on n’en pût souhaiter voir surgir de plus grande ni de plus belle de la main des hommes». Alberti écrit à son propos que « la structure est assez vaste pour couvrir de son ombre tous les peuples de Toscane ». Cette allégorie met en valeur la technique en utilisant le terme « structure ». En effet, il s’agit d’une véritable prouesse technique puisqu’elle a été réalisée sans cintre. La structure est formée de deux coques autoportantes emboîtées qui pouvaient donc être construites avec un minimum d’échafaudages. Le diamètre de la coupole est de 42m et la hauteur du dôme sans compter la lanterne du dessus est de 85m. Elle est à l’image du Panthéon de Rome (42,7m de diamètre, 107m de haut au total). Brunelleschi souhaitait montrer son travail à la vue de tous afin de démontrer qu’il se trouvait au-dessus de tout. L’architecte devient en quelque sorte artiste. Il s’agissait également d’un geste politique afin de se rapprocher d’un archétype romain et de faire de Florence la nouvelle Rome.

vue des jardins de Boboli

vue des jardins de Boboli

J’ai pu visiter les jardins du Palazzo Pitti, appelés Giardino di Boboli, ce qui fut une belle découverte. Il s’agit d’un des jardins des plus remarquables d’Italie. Un havre de paix sur un terrain accidenté et en pente proposant au marcheur de belles perspectives et de jolies vues sur Florence mais aussi sur les collines alentours. En effet, les déclivités naturelles ont été utilisées afin de scénographier les lieux. Le jardin s’articule autour de deux axes principaux, l’un perpendiculaire au palais permettant de gravir le terrain jusqu’au Belvédère. L’autre permettant une redescente entre les arbres jusqu’au piazzale dell’ Isolotto et au prato delle Colonne. Au cours de la promenade, nous sommes amenés à passer par des lieux parfois grandioses ou parfois plus intimes. Libre à chacun d’emprunter les chemins qui lui plaisent, de suivre les odeurs des chênes verts, des lauriers roses, des cyprès ou des pins parasols. Nous y découvrons par moment des sculptures et des fontaines.

 Une découverte express de Venise et Florence, puisque je suis restée deux jours dans chacune de ces villes (du 24 au 27 Octobre 2014). C’était pour moi un aperçu de la vie qui s’y déroule. J’ai présenté ici quelques tableaux marquants de ce voyage. Cette expérience m’a donnée envie d’y retourner pour mieux comprendre ces deux villes au passé très riche.

Camille Merimeche

Bibliographie.

Michelin. Venise week-end. Paris : Michelin, 2013, 128 p. (Le Guide Vert)

Susie Boulton et Christopher Catling. Venise et la Vénétie. Hachette Tourisme, 2009, 320 p. (Guides Voir)

Giorgio Gianighian et Paola Pavanini. Voilà Venise. 4ème édition. Dolo : Gambier&Keller, 2012, 79 p.

Franco Masiero et Guido Rossi. Venise vue du ciel. Paris : Gallimard, 1988, 144 p. (Vue du ciel)

Dominique Paravel. Venise, les îles et les villas palladiennes. Paris : Autrement, 1997, 180 p. (Les guides Autrement)

Walter Baricchi et Léon de Coster. Venise, Découvrir l’architecture de Venise en 17 promenades. Tournai : Casterman/Département Le Guide, 1996, 352 p. (Découvrir l’architecture des villes)

Petit futé. Week-ends en Europe. 5ème édition. Paris : Nouvelles éditions de l’université, 2009, 352 p.

Léon de Coster et François Nizet. 16 promenades dans Florence. Tournai : Casterman, 1993, 340 p. (Découvrir l’architecture des villes)