Arequipa

A 2335 m d’altitude, Arequipa est construite en grande partie en roche volcanique qui donne aux rues de la cité cette blancheur grisâtre. Les couleurs vives quant à elles sont présentes à l’intérieur des îlots. Le bleu, le rouge, le jaune et l’ocre apparaissent quand on est déconnecté de la rue et accentuent le changement de statut. La rue est donc caractérisée par la pierre brute et les cours intérieures par la couleur.

Arequipa vue de l'hôtel

Arequipa vue de l’hôtel

Fondée dès 1540, la ville reflète un savoir faire européen et amérindien. La topographie d’Arequipa diffère de celle de Cusco. Ici pas besoin de gravir d’innombrables marches pour retourner à l’auberge. Les rues en pente douce créent des perspectives monumentales sur des montagnes, des volcans en activité, des sources thermales et des canyons. Ces grandes perspectives sont dues au plan orthogonal de la ville. Où que nous soyons dans la ville, nous avons toujours une vue sur le lointain. Elle est à échelle humaine. Ici pas de boulevard démesuré comme ceux de Lima, mais essentiellement des routes pavées et des coursives. Autour de la Plaza de Armas qui date du XIXe siècle, on circule sous des arcades sur deux étages. Abritées du soleil nous pouvons donc observer le paysage verdoyant au centre de la place.

La ville prospère grâce à aux minerais. Plus tard, les colons britanniques et français installent des manufactures de laine d’alpaga et autres textiles. L’agglomération se développe vite et provoque l’arrivée massive d’indiens de Puno. Aujourd’hui, la ville est le principal centre économique du sud du pays. Le centre historique est classé au patrimoine mondial par l’Unesco depuis 2000 pour son architecture et son histoire.

Le monastère Santa Catalina, se trouve dans le centre historique d’Arequipa, derrière de grands murs d’enceinte. Il a été restauré à la suite des tremblements de terre de 1958 et 1960 puis ouvert au public en 1970. Cette ville dans la ville, avec ses rues et ses places, représente l’architecture coloniale. Le monastère est fondé en 1570, 40 ans après l’arrivée des premiers Espagnols à Arequipa. Il était habité par plus de 170 nonnes et leurs 300 servantes. Ce couvent dominicain, aux dimensions imposantes est imperceptible de l’extérieur. La ville et le convent fonctionnent sur deux systèmes opposés. Le plan n’est pas rectiligne, ici les rues sont sinueuses et provoquent de nombreuses découvertes inattendues. Les couleurs contrastent avec celle de la ville blanche, à l’extérieur des murs. Les rues sont de couleurs ocre ou bleu. Les deux couleurs superposées créent une profondeur intéressante. La délimitation des espaces est claire, les couleurs tranchent.

Santa Catalina

Santa Catalina

Cette petite cité a perdu sa fonction de lieu de vie. Les habitations sont vides et révèlent leurs qualités plastiques pures. L’épaisseur des murs et les petites ouvertures laissent peu de place à la lumière dans les habitations. L’obscurité des intérieurs cadre les cours baignées de lumière. La couleur se révèle par des contrastes d’ombre et de lumière. Les compositions de rouge et de bleu créent un tableau silencieux. Les cellules sont de véritables habitations avec chambres, salon et cuisine particulière à ciel ouvert.

Santa Catalina

Santa Catalina

Les habitations sont différentes et réparties en fonction des richesses de la famille. Les religieuses sont issues de familles riches. En 1870, le pape met fin aux cellules de luxe, les sœurs doivent vivre en communauté avec les mêmes privilèges.

Près du quartier d’habitations se trouve le lavoir en plein air. Son système ingénieux est constitué d’un canal central qui alimente des demi-jarres de part et d’autre. Il suffit de poser un vêtement dans le canal pour que l’eau s’accumule et s’introduise dans la jarre. On trouve également une cuisine commune aux murs noircis par les fumées. L’atmosphère brulée produit une lumière unique et propre au lieu. Seules quelques ouvertures circulaires zénithales semblent vouloir éclairer la noirceur.

Le parloir lui est une pièce blanche, austère et exigüe. L’espace sombre possède pour seule ouverture des grilles de bois sur la façade. Il y a une grille à chaque extrémité du mur épais, pour éviter tout contact physique avec l’extérieur. Les nonnes avaient le droit à 1 h de conversation par mois avec leur famille, sous l’œil des surveillantes.

Plan Santa Catalina

Plan Santa Catalina

Le plan est articulé autour de trois cloîtres qui possèdent chacun leur identité propre. Le premier en pierre brute est ponctué de trois arbres au centre. Le suivant est constitué d’arcades bleues dont les voutes et la base des piliers sont blancs. La confrontation entre les deux couleurs crée un découpage particulier. On circule autour d’un paysage central dans ce couloir ouvert et lumineux. Les cloitres sont des respirations dans cet ensemble de rues étroites.

On peut découvrir la vue d’ensemble du couvent en montant quelques marches qui mènent à un toit terrasse. On perçoit le contraste de ce lieu avec le reste de la ville.

Ce groupe de petites maisons basses et colorées est englobé dans un ensemble plus vaste et diversifié. Les cloîtres silencieux se confrontent à l’image dynamique d’un panneau publicitaire lumineux « Coca-Cola ». Aujourd’hui encore le couvent abrite des nonnes dans une petite partie inaccessible. On distingue seulement une grande façade blanche sans ouverture.

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Santa Catalina

Le Claustros de la Compania, lui est une succession de deux cloitres qui abritent aujourd’hui des boutiques d’artisanat. Les piliers du premier patio représentent une profusion de motifs floraux et de fruits. Ce qui est intéressant ici, ce sont les coursives au dessus des arcades, qui permettent d’avoir une vue d’ensemble sur le cloître et les toits du reste de la ville. Le cloître date du XVII siècle et fonctionne aujourd’hui comme un véritable espace public. La particularité d’Arequipa réside dans ces espaces particuliers protégés et cachés.

Les cloîtres, les cours intérieures et les terrasses aux dessus des arcades, semblent bien loin du rythme de la rue. Cette ville regorge d’espaces silencieux à découvrir.

Le marché, est loin d’être calme et possède également sa propre identité. Cette grande halle couverte abrite des marchands de fleurs, de pains, d’olives, de viandes, de fromages, d’épices sans oublier les stands de jus de fruits fraichement pressés. Tout est compartimenté par secteur, chaque chose a sa place dans ce décor abondant. Les marchandes de fromages sont assises sur les tables entre leurs produits. Certaines vendeuses de fleurs sont à même le sol et les marchandes de viandes sont sur des chaises derrière un nuage de mouches qui s’accumulent sur la « barbaque ». Ce sont essentiellement des femmes qui vendent. Chacune, très coquette, est habillée d’une longue jupe colorée et coiffée de deux longues tresses qui se rejoignent. Elles portent, pour beaucoup d’entres elles, un chapeau à paillettes, à fleurs ou un peu plus sobre. Le marché est un espace dominant et très vivant dans la ville.

Après avoir parlé d’Arequipa et de ses parties de ville qui semblent déconnectées, le canyon aborde une autre forme de lieu détaché.

Sangalle est une ancienne ville qui se situe au fond du canyon del Colca. La ville a disparu après la guerre, suite à un éboulement de terrain sur le flanc de la montagne qui l’a entièrement détruite. Aujourd’hui, c’est une étape du trek. L’oasis au fond du canyon est connue pour ses bains thermaux alimentés par des sources d’eau chaude naturelle.

Canyon del Rio Colca

Canyon del Rio Colca

A 180 km au nord-ouest d’Arequipa, c’est le deuxième canyon le plus profond au monde, il est deux fois plus grand que le grand canyon du Colorado. Pendant la marche on perçoit de nombreux villages sur les flancs de montagne. Ces villages ont été bâtis par les conquérants espagnols, pour contrôler les indiens, les convertir au catholicisme et bénéficier de main d’œuvre pour le travail dans les mines. Le paysage est rocheux et sec, on passe devant de nombreuses terrasses agricoles asséchées et abandonnées. La terre est à dominante jaune et parfois d’un violet pas commun. Après une nuit dans l’oasis et un tremblement de terre, il faut remonter la montagne. Le trek se termine dans le petit village de Cabanaconde fait de ruelles en terre battue et de petites maisons qui semblent disparaître devant l’immensité de la montagne.

Marie Seiller

Voyage au Pérou du 5 au  22 février 2016

Bibliographie :

– Amérique précolombienne, Léonard, Jonathan Norton, Time-Life, 1973.

– L’architecture péruvienne, en quête d’identité, Maria- Luisa Aguilar de Vinatea, Mémoire ENSAN,  2007.

– Pérou et la civilisation inca, Wiesenthal, Geocolor, 1978.