Les villes d’Oslo et de Reykjavik se sont dotées cette dernière décennie d’infrastructures culturelles d’envergure, qui font aujourd’hui référence. Connus mondialement, ces édifices sont pourtant la représentation subtile d’une identité paysagère unique profondément liée à l’identité même de la nation. Tant au travers des orgues basaltiques de verre à Reykjavik qu’au travers des icebergs de pierre à Oslo, le paysage s’affirme dans l’urbanité.
J’illustrerai ces propos par la présentation du nouvel opéra d’Oslo imaginé par l’agence Snøhetta, et de celui de Reykjavik que l’on doit à l’architecte danois Henning Larsen .

HARPA CONCERT HALL – REYKJAVIK – HENNING LARSEN

Inspiré par les aurores boréales et par les paysages islandais, l’opéra de Reykjavik émerge entre terre et mer. Avec les façades spectaculaires dessinées par Henning Larsen et l’artiste Olafur Eliasson, l’édifice s’élève comme une immense sculpture transparente, reflétant le ciel et la mer aussi bien que le dynamisme de la ville.

Harpa Concert Hall and Conference Centre, Reykjavik

Harpa Concert Hall and Conference Centre, Reykjavik

L’opéra représente une importante nouveauté sur la scène culturelle islandaise et européenne, et s’établit comme le symbole du renouveau du port historique et du littoral de Reykjavik , ainsi que celui du dynamisme islandais.
En combinant le plus important centre musical du pays et un important centre de conférence, Harpa offre un large éventail de possibilité en terme d’événement musical ou non.
Le bâtiment sert également de pôle touristique et économique, fournissant des équipements flexibles permettant l’organisation d’événements internationaux.

« Using the spectacular waterfront settings as an attractor we have aimed at creating a catalyst for the entire city of Reykjavik, while at the same time enhancing the link between the city centre and the harbour »
Peer Teglgaard Jeppesen- Henning Larsen architects

En 1999, la ville de Reykjavik et le gouvernement islandais annoncèrent le projet de construire un nouvel opéra et centre des congrès pour la ville. Un an plus tard le site fut choisit à l’est du port.
En 2004, un concours fut lancé pour un projet comprenant le nouvel opéra et centre des congrès ainsi que le masterplan pour le développement de la partie est du port. C’est à cette occasion que le Portus Group fut crée pour répondre au concours. Le groupement regroupait alors Henning Larsen Architects, Olafur Eliasson, Batteriid architects, Artec acoustic consultants, IAV , Nysir, les ingénieurs Rambøll, Greiner et Mannvit, et l’investisseur privé Landsbanki. En août 2005, Portus Group fut choisit comme gagnant du concours, devant Norman Foster et Jean Nouvel.

« The building’s name Harpa refers to the musical instrument, the harp. It’s also the name of the first month of spring in the Nordic calendar – and for the people of Iceland this means the promise of better times »
Steinunn Brina Ragnarsdottir, musical director of harpa.

Le bâtiment de 28 000 m² comprend, 4 salles principales et plusieurs salles de conférence. Les trois premières salles sont placées les unes après les autres au second étage, desservies par un accès au sud de l’édifice. La quatrième salle, placée au premier étage, est dessinée de manière à accueillir des événement plus intimes et des conférences.
Chacune des salles arbore une identité propre tout en faisant partie d’un tout. Chacune est équipée de matériel acoustique flexible pour accueillir divers événements. La plus grande salle, la plus grande des quatre, permet d’accueillir jusqu’à 1800 personnes. Un large hall est placé à la fois au premier et au deuxième niveau, et est le lieu idéal pour les expositions, les banquets et les réceptions. On trouve également deux grandes salles de réunion au premier niveau ainsi que de nombreuses autres plus petites. S’ajoutent à cela des boutiques, une terrasse panoramique, un bar, un restaurant, un café et un parking souterrain. Vues depuis le foyer les quatre salles forment un ensemble massif dont la salle principale constitue le cœur rougeoyant. Cet ensemble aux teintes sombres s’oppose aux grandes façades ouvertes de l’ensemble, créant ainsi un dialogue avec l’espace public et le paysage islandais, pour ainsi ne pas oublier la prégnance de la nature.

L’approche architecturale de l’édifice se base sur une dialogue entre la connaissance architecturale des différents membres du groupe, le site, l’environnement, le climat et l’histoire. Le bâtiment naît alors de la confrontation entre les nécessités fonctionnelles d’un tel ensemble, et les ambitions en terme de design des architecte, c’est-à-dire, la volonté d’évoquer au sein même de l’architecture quelque chose de constitutif de l’identité islandaise. Le concept du bâtiment réside dans l’interaction entre ses deux parties, l’ensemble massif fait de béton sombre et la façade dynamique.

orgues basaltiques naturels

orgues basaltiques naturels

La façade combine alors le travail des architectes et de l’artiste Olafur Eliasson. L’élément central de cette façade est le bloc tridimensionnel transparent qui se décline dans les deux dimensions
sur les façades. Le dessin géométrique des ces blocs rappelle directement les formations géologiques visibles en Islande, les colonnes basaltiques. Cet effet géométrique complexe est ensuite combiné à des jeux de couleurs et donc de lumière qui combinés à l’environnement parfois étrange de l’édifice, font naître une atmosphère mystique à l’intérieur et autour de l’opéra. Le public expérimente alors la ville et le paysage au travers de la lumière changeante transmise par les façades de l’édifice. Les réflexions kaléidoscopiques de la façade créent alors un phénomène saisissant pour le passant.
Ces blocs sont constitués de 12 faces de verre assemblées avec des tiges d’acier, que l’artiste nomme « quasi brick ». Le bâtiment apparaît comme un jeu de couleurs, qui réfléchit la lumière au travers de plus de 1000 quasi-bricks composant la façade sud. Le toit et les autres façades sont la projection 2D de ces éléments 3D.
La lumière et la transparence sont alors les mots clefs de l’opéra. La structure cristalline, créée par les éléments géométriques de la façade, capture et reflète la lumière et mettant en avant le dialogue entre l’édifice, la ville et le paysage.

L’une des principales idées était de « dématérialiser » le bâtiment en tant qu’entité statique et le laisser répondre aux couleurs environnantes- les lumières de la ville, la mer et le reflet du ciel. En ce sens, l’expression de la façade change en fonction de l’angle par lequel on l’observe. Avec les changements continus de l’environnement, le bâtiment apparaît comme une variation infinie de couleurs. Il ne s’établit pas comme un décor inerte mais plutôt comme un élément dynamique et actif, reflétant le temps, le soleil, la ville et chacun des instants de la journée et de l’année. Alors que le soleil accentue les détails en lumière et en ombre, le bâtiment fait écho aux couleurs chaudes de la lave ou au bleu transperçant des glaciers, procurant au visiteur le sentiment d’une nature en continuel changement.
De nuit un système de Leds incorporés aux quasi bricks illumine les façades. Développées conceptuellement par Olafur Eliasson, la couleur et l’intensité lumineuse de chaque brick peut être contrôlée
individuellement.

Place face à l'opéra

Place face à l’opéra

La place en face de l’opéra a été dessinée de manière à générer une atmosphère unique, où la base sombre de l’édifice accentue les jeux de lumière et de couleurs des façades. La couleur noir fait référence au sable noir, celui des paysages islandais, celui de l’identité volcanique du pays. Le même effet est mis en oeuvre au cœur de l’édifice, le plafond et les murs sombres du foyer contrastent avec les façades de verre et accentuent le jeu de lumière et de couleur.
La surface sombre se déroule depuis l’extérieur de l’édifice jusqu’à l’intérieur et rejoignent les murs noirs des salles de concert, et les font apparaître comme de grands rochers noirs. Pour contraster avec cela, les divers balcons et niveaux sont faits de matériaux clairs et lumineux pour accentuer les réflexions de la façade.

« The idea was to establish a dialogue with the city as well with the surrounding landscape »
Olafur Eliasson

OSLO CONCERT HALL – Snøhetta

L’opéra d’Oslo, est je pense le bâtiment qui m’a le plus touchée jusqu’à aujourd’hui durant mes voyages. Sa relation avec le fjord, la ville, la lumière, la musique mais aussi le visiteur, en fait un bâtiment d’exception, qui à mon sens, malgré toutes les critiques concernant sa dimension économique, reflète particulièrement bien l’architecture d’aujourd’hui. L’expression nouvelle et novatrice du bâtiment a permis à l’agence Snøhetta de recevoir différents prix, le prix Mies van der Rohe en 2009, et le prix international d’architecture en 2010.

Le toit de l'opéra la nuit

Le toit de l’opéra la nuit

Il aura fallu cinq ans pour construire le bâtiment de l’opéra, qui s’élève au bord du fjord, dans le quartier de Bjørvika, près de la Bourse et de la gare centrale. Il s’agit du plus grand édifice culturel construit en Norvège depuis la construction de la cathédrale de Nidaros à Trondheim, au début du 14e siècle. Le projet a développé un programme très complexe dans un plan général simple, qui intègre à la fois une approche pratique, intuitive et sculpturale pour la modélisation de la forme extérieure. Son mouvement d’inclinaison vers la ville tend à en faire un lieu d’ouverture et de réunion, à l’image des espaces publics nordiques. Son toit accessible et large, ainsi que le grand hall public, font de cet édifice un monument social plutôt que sculptural.

Le bâtiment est autant paysage qu’architecture, il favorise ainsi la sensibilisation du public et son ouverture vers les arts. La concept du projet repose sur trois éléments le « wave wall », la « factory » et le « carpet ». Le « wave wall », c’est-à-dire le coeur de l’opéra constitué d’éléments de bois assemblés représente la démarcation entre le sol « ici » et l’eau qui évoque un seuil symbolique faisant écho à l’évolution artistique en lien avec l’opéra. La « factory » représente tous les studios créatifs de l’opéra, c’est-à-dire les ateliers de confection des décors ou encore des costumes. Leur conception a été réalisée conjointement avec leurs futurs utilisateurs, ce qui a permis d’améliorer la fonctionnalité de l’édifice.Les larges ouvertures de l’édifice permettent au public d’observer les activités qui se tiennent au sein de l’édifice, et l’opéra trouve un nouveau public parmi de simples passants. Le « carpet » permet, selon les architectes, de faire de l’opéra un monument accessible au sens large. Il s’établit comme un espace public qui recouvre l’ensemble de l’édifice et rejoint le paysage. La monumentalité se réalise par l’horizontalité et non pas par la verticalité.

Vue de l'intérieur de l'opéra d'Oslo

Vue de l’intérieur de l’opéra d’Oslo

Les matériaux, leur poids, leur couleur, leur texture, et leur température, ont été partie constituante du processus de conception. Snøhetta adopte une architecture narrative, les matériaux sont à l’origine de la formation des espaces, leur rencontre articule l’architecture. Trois principaux matériaux ont été choisis : le marbre blanc pour le « carpet », le bois pour le « wave wall » et le métal pour la « factory». Le verre s’insère ensuite sous le « carpet » pour permettre une transparence vers le « wave wall ».

Snøhetta a collaboré avec plusieurs artistes pour ce projet, invités au stade du concours pour éviter tout effet de décoration, leur intervention est constitutive de l’édifice. Le « carpet » est une collaboration des artistes Kristian Blystad, Kall Grude et Jorunn Sannes. Le traitement de la surface de la pierre, ses motifs et ses coupures qui créent un jeu d’ombre ont été conçus en collaboration
avec ces artistes.
Les architectes norvégiens ont également imaginé les éléments de revêtement métallique avec Astrid Lovaas et Kirsten Wagle. Ces éléments recouvrent la partie supérieure de l’édifice et sont ponctués de motifs concaves et convexes qui donnent à la paroi une allure de partition braille.

L’opéra est souvent comparé à un iceberg qui rencontre le coeur d’Oslo sur les berges du fjord. Au sein d’un pays réputé pour ses forêts, ses montagnes, et sa population de randonneurs, l’opéra participe à rendre la randonnée urbaine populaire. Les concerts en plein air et les excursions nocturnes sur le toit de l’opéra devient alors une attraction sensationnelle pour la ville. Contrairement à l’image diurne que l’opéra renvoie, celle d’un épais mur de glace, la nuit l’intérieur de l’édifice se lie à la ville à travers la lumière qu’il projette sur les rues et sur le fjord.
«Minimaliste, hyper-contextuelle, l’architecture de Snøhetta cherche toujours à s’effacer devant les raisons du site, à servir la lisibilité et la cohérence de son environnement».

Voyages en Norvège février 2014 et septembre 2012 & Voyage en Islande septembre 2014

Bibliographie :

 The iconic Oslo Opera house, Norway, Fjord travel Norway, fjordtravel.no, article consulté en janvier 2015

http://fjordtravel.no/destination-norway/visit-oslo-opera-house/

-BROWNELL B. ,  Oslo’s waterfront « carpet » , www.architectmagazine.com, article consulté en janvier 2015

http://www.architectmagazine.com/blogs/postdetails.aspx?BlogId=mindmatterblog&postId=93757

Harpa concert hall, wikipédia, article consulté en janvier 2015

http://www.henninglarsen.com/projects/0600-0699/0676-harpa—concert-hall-and-conference-centre.aspx

Harpa-Reykjavik concert hall and conference centre, Henninglarsen.com, page consultée en janvier 2015

http://www.henninglarsen.com/projects/0600-0699/0676-harpa—concert-hall-and-conference-centre.aspx

Emmanuelle Lausent

emmanuelle.lausent@nantes.archi.fr