Barranco, Miraflores, Centre ville, Quartier aéroport.

Revenue de mon excursion il y a seulement quelques semaines, face à mon ordinateur, sur mon bureau dans le centre ville de Nantes, le Pérou me semble déjà qu’une histoire inventée. Je n’avais que peu d’images en tête lors de mon départ, mais aujourd’hui je fais l’exercice d’observer Lima à travers « Google image ». La photographie la plus véhiculée est celle d’une capitale qui surplombe la mer avec ses tours d’immeubles à perte de vue, la rendant flamboyante de jour comme de nuit. Prises en contre plongée et à vol d’oiseau, les images nous donnent la sensation de vertige, d’une ville hors de l’échelle. Même si internet ne laisse pas vraiment entrevoir la ville de l’intérieur, telle qu’elle est réellement, la vision n’est tout de même pas si éloignée.

 

Vue de le fenêtre du taxi.

Vue de la fenêtre du taxi

Je ne peux pas vraiment dire que Lima soit une ville dans laquelle je me suis sentie à l’aise : des sensations de vertige, voire de gêne et d’insécurité ont été régulièrement vécues. Le pied sur un bout de trottoir de 60 cm au milieu de la circulation à 6 voies ou encore de marcher le long des immeubles de grands boulevards sans ombre, en plein  après-midi, sont des situations courantes.

C’est amusant comme ces souvenirs là peuvent s’atténuer pour laisser une place plus importante aux moments de satisfactions et de découvertes. Malgré mon choix de privilégier la campagne à la ville, Lima mérite le coup d’œil tant le contraste est saisissant.

Vue de la fenêtre du taxi.

Vue de la fenêtre du taxi

En effet, Lima est une ville tentaculaire aux dimensions gigantesques, elle abrite un tiers de la population du Pérou. La ville a été fondée en janvier 1535 par un conquistador espagnol : Francisco Pizarro. Son développement est rapide, la population passe de 25 000 habitants en 1619, à 1,9 millions en 1960 et enfin en 2015 on estime la population à près de 10 millions. Déclarée « Patrimoine Historique de l’humanité » en 1992, beaucoup d’actions sont concentrées sur les balcons de l’époque coloniale, le Pérou possédant un riche passé culturel reflétant la succession des cultures  précolombienne, Incas, Chilienne et Espagnole. Cette superposition de couches historiques est omniprésente dans le pays et peut provoquer des dissonances entre les interventions traditionnelles et européennes.

Lima est une ville plurielle, entre quartiers de briques nues, de maisons aux balcons en bois ou encore d’immeubles démesurés. Ce texte relate une balade dans la ville, dans des quartiers très différents, avec les expériences qui leur sont associées et qui reflètent des contrastes au sein d’une même ville.

Vue de la fenêtre du taxi

Vue de la fenêtre du taxi

Une arrivée nocturne, quartier Barranco.

Nous avons planifié ce voyage avec une amie qui fait un grand périple avant d’emménager à Buenos Aires. Arrivée à Lima seule à 22h, après 15h de vol, l’adresse de l’auberge en poche, le taxi n’avait plus qu’à me déposer. De nuit, je longeais la côte entre le désert noir de la mer dans l’obscurité et l’accumulation d’immeubles où seul les rez-de-chaussée se révélaient dans la pénombre.

En arrivant devant l’auberge, je découvre les premières façades colorées : ici les murs sont rouges et le châssis des fenêtres d’un vert anis original. Le propriétaire me fait visiter les lieux d’un ton très amical, avec pour fond sonore des ventilateurs qui tournent au plafond et le plancher en bois qui grince sous mes pas.

Barranco de nuit

Barranco de nuit

L’envie est trop forte : je décide de poser mon sac et ressortir explorer les environs. J’enlève mes vêtements chauds qui m’ont permis de survivre à la climatisation de l’avion pour enfiler short et sandales et visiter le quartier Barranco de nuit. Une atmosphère très chaleureuse se dégage grâce aux lampadaires de couleur orangée qui illuminent des murs peints, des graffitis et les pavés des ruelles piétonnes. Le silence de l’auberge s’éteint face à la vie nocturne animée des rues. Les restaurants et bars se succèdent pour me mener finalement à un concert de rue sous une petite charpente en bois de quelques mètres carrés. Les gens chantent, dansent, applaudissent au rythme de la guitare. C’est donc avec le sourire aux lèvres que je m’immisce discrètement dans la foule joyeuse.

Ruelle de l'auberge

Ruelle de l’auberge

Barranco est l’un des endroits les plus agréables de Lima.  Ici de vieilles demeures multicolores dominent un quartier bien moins investi par les voitures que le reste de la ville. Le tissu urbain est plus étroit, et les ruelles mènent souvent à des espaces publics très plantés. L’accession à l’auberge nécessite la traversée d’un grand jardin en escalier au pied d’une ruelle, menant à la mer. On imagine que la délicate pente piétonne va nous mener doucement sur la plage. La réalité est tout autre et beaucoup plus frustrante : on se retrouve au bout du parcours face à quatre voies rapides qui génèrent une frontière infranchissable. Quelques ponts font la liaison entre les plages et la ville mais les cotes restent très peu appropriées au regard de ce manque de connexion. Il n’est par exemple pas rare de voir de simples parkings au bord de l’eau. Pourtant les espaces publics sont très présents et très dessinés dans le reste de la ville.

A l’auberge, l’espace de vie principal est sur le toit : on y trouve quelques toiles de tentes et une terrasse près de la cuisine extérieure. D’ici la ville s’offre, la vie dans les ruelles, la mer, les habitations qui s’intègrent de manière différente à la topographie de la vallée et une église délaissée rose et jaune envahie par les cormorans. Dans mon auberge, la vie est en effet très investie sur les toits : hamac, atelier de bricolage, jardin, et régulièrement de magnifiques verrières colorées, qui donnent aux pièces principales des veilles bâtisses, une double hauteur et une incroyable luminosité. Dans le quartier, on trouve à la fois des villas aux toits plats et des maisons de toiture en pente à caractère très européen.

Vue de la fenêtre du taxi

Vue de la fenêtre du taxi

Quartier Miraflores et centre ville.

Le lendemain, la visite de Miraflores est très inattendue et se rapproche des images internet du Lima moderne. Un village a été rasé pour le remplacer par une succession d’immeuble en verre. Ici, les rues sont larges, sans ombre, les façades en verre et le revêtement de sol blanc éblouissant. Il est difficile de trouver des commerces ou des cafés pour faire une halte, les habitations et les hôtels étant très largement dominants.

La côte de Lima

La côte de Lima

La circulation dense des bus et des taxis donne une ambiance assez chaotique à l’ensemble. D’après le guide du Routard, la ville s’étend sur quarante kilomètres et est parcourue par 30 000 bus souvent hors d’âge et près de 200 000 taxis. Il y a très peu de voitures privées.

N’étant restée que très peu de jour à Lima, je n’ai donc pas pu tout découvrir à pied : prendre le taxi si présent dans cette ville fait partie de l’expérience. Les boulevards sont gigantesques, on se trouve parfois emprisonné entre 4, 5, 6 voies.

Vue de la fenêtre du taxi

Vue de la fenêtre du taxi

Les taxis se faufilent, s’arrêtent brusquement, klaxonnent. Les trajets peuvent être parfois très longs et très inconfortables. Avec de la chance, on peut avoir un taxi avec des ceintures mais on frôle souvent l’accident à plusieurs reprises. Les vendeurs de pare-chocs au bord de la route ne me rassurent pas et ne manquent pas de nous rappeler l’insécurité routière qui domine.

Je circule dans beaucoup d’ensembles de maisons, qui peuvent s’apparenter au Gated Community, accessibles uniquement la journée, ces îlots étant fermés le soir à partir d’une certaine heure. Cet ensemble de maisons privées fermées par une grille et parfois sous la vigilance d’un gardien démontre une fois de plus une insécurité urbaine et une segmentation sociale dans la ville.

J’ai pris beaucoup de photos dans ces taxis, des images immédiates, pas vraiment réfléchies, mon appareil découvre en même temps que moi les rues qui défilent dans le mouvement de la voiture.

Vue du taxi

Vue du taxi

Quartier aéroport.

Lors de notre dernière nuit à Lima, avant de prendre le bus pour Cuzco, nous avons fait le choix de dormir à proximité de la station de bus pour faire des économies de taxi. Ce soir là le chauffeur nous a déposé dans une rue déserte à la tombée de la nuit, où il était difficile de percevoir la signalétique de l’hôtel presque invisible. Dans la rue, se succèdent des maisons presque similaires et très peu éclairées. Les rues sont calmes et désertes. Ici pas de beaux revêtements de sol, mais seulement de la terre battue. A l’entrée de l’hôtel une lumière blanche assez crue, éclaire un chaton maigre qui cherche de quoi manger. Le chauffeur de taxi prend la peine de sonner à la porte de l’hôtel recouverte d’une grille et de s’assurer que nous rentrons bien à l’intérieur. A l’intérieur, quelques fauteuils un peu défraîchis se reflètent dans le carrelage blanc et donnent à la pièce un caractère froid et austère. En effet, tout est ici réduit à l’essentiel : pas de couleur ou de décor superflu.

Vue du bus

Vue du bus

Le lendemain matin une longue route nous attend : il nous faut 20 heures de transport pour rejoindre Cuzco. Les sensations dans le bus sont bien différentes de celles du taxi. Plus imposant, il se fait respecter sur la route. La vue change également, on regarde la ville avec une certaine hauteur, on a la sensation de s’éloigner d’elle et en même temps le champ de vision s’élargit. Les perspectives sont plus profondes et les bâtiments plus visibles.

Vue du bus

Vue du bus

A la sortie de la ville, le décor change à nouveau : les collines sablonneuses laissent apparaître des industries, des cultures éparses et des habitats spontanés en tôle. Le décor devient de moins en moins dense pour laisser place au désert de sable.

Toute la côte du Pérou est très désertique, il faut se rapprocher de la partie amazonienne pour voir des paysages verdoyants. Cuzco se situe à la limite entre les deux, c’est donc une ville d’une toute autre nature que Lima qui nous attend.

Marie Seiller

Voyage au Pérou du 5 au 22 février 2016

Bibliographie :

– Amérique précolombienne, Léonard, Jonathan Norton, Time-Life, 1973.

– L’architecture péruvienne, en quête d’identité, Maria- Luisa Aguilar de Vinatea, Mémoire ENSAN,  2007.

– Pérou et la civilisation inca, Wiesenthal, Geocolor, 1978.