La ville de Bratislava était seulement censée être une étape dortoir dans notre voyage. Beaucoup d’amis nous avaient dit : « vas-y juste pour dormir, c’est beaucoup moins cher qu’à Vienne et seulement à une heure de train, n’y restes pas il n’y a rien là-bas ». Mais une fois arrivée, je me suis vite rendu compte qu’il faudrait plus qu’une petite nuit pour la découvrir.

Ainsi la capitale Slovaque fut (pour mes deux collègues et moi-même) la neuvième étape de notre voyage « interrail » qui s’est déroulé du 27 janvier au 21 février 2016. Après la découverte de Bruxelles, Berlin, Cracovie, Zakopane, Prague, Vienne et Graz, nous voilà arrivés à Bratislava (anciennement Presbourg). Cette ville d’environ 410 000 habitants est la capitale d’un tout jeune pays devenu indépendant en 1993. Elle représente la plus grande ville de celui-ci et est située au Sud Ouest du pays à la frontière avec l’Autriche.

Vue de la vieille ville depuis le château

Vue de la vieille ville depuis le château

Ayant tout juste dit au revoir à l’Autriche et à ses magnifiques châteaux dont celui de Schönbrunn, nous étions déjà bercés par le passé impérial austro-hongrois dont la Slovaquie fait aussi partie. Et comme l’étape suivante du voyage était Budapest, nous n’étions pas près de quitter ces influences. Bratislava est ainsi la seule capitale nationale située à la frontière de deux états (moins de 60km entre la ville et ses voisins l’Autriche et la Hongrie.

Le Slovaquie en elle-même a beau n’avoir que vingt-trois ans, les premières traces d’implantation permanente à Bratislava datent au moins de 5 000 ans avant Jésus Christ à l’époque Néolithique. C’est les Celtes de la tribu Boii (une des plus importantes tribus celtes vivant comme bohèmes), qui fonde Oppidum : première ville fortifiée connue vers 250 avant Jésus Christ.

Mais pendant les quatre premiers siècles après Jésus Christ c’est l’Empire Romain qui prend le contrôle de la région. C’est notamment eux qui introduisent la viticulture en Slovaquie, pratique qui perdure encore aujourd’hui. Après les Romains, c’est au tour des Slaves d’envahir la région durant la période des grandes migrations qui a suivi la chute de l’Empire Romain.

Les tribus slaves nouvellement installées forment alors l’Empire de Samo suivie de la Grande Moravie. Cette dernière s’étendait sur l’Allemagne, le Sud de la Pologne jusqu’à Cracovie, la République Tchèque, le Nord de la Hongrie, l’Ukraine et la Slovaquie.

Les Hongrois mettent fin à la Grande Moravie au Xème siècle étant déjà très affaiblit de l’intérieur. Le territoire de Presbourg fait donc alors intégralement partie du Royaume de la Hongrie fondé en l’an 1000. La ville devient un important centre administratif et économique du Royaume. Mais la ville doit attendre 1405 avant d’être déclarée ville royale.

En 1536, Presbourg devient la capitale de la Hongrie suite à de nombreuses défaites du royaume face à l’Empire Ottoman. La Hongrie devient alors membre de l’Empire d’Autriche sous les Habsbourg. Presbourg devient le lieu de couronnement et le siège des rois, de la noblesse et de l’administration. Jusqu’en 1830, les rois et les reines sont couronnées à la cathédrale Saint Martin. C’est sous le règne de Marie Thérèse (1717-1780) que la ville devient la plus grande de Hongrie. La population triple, et la ville s’enrichit de nombreux palais, manoirs, monastères et routes. Mais en 1783, la couronne de Hongrie est transférée à Vienne, la ville perd alors de sa force. L’administration est aussi progressivement transférée à Buda (île à l’Ouest du Danube formant aujourd’hui Budapest).

Porte du château

Porte du château ouvrant sur le vide

En 1919, pour la première fois la ville est nommée « Bratislava ». C’est suite à la Première Guerre Mondiale et à la formation du nouvel état Tchécoslovaque. Durant la Seconde Guerre Mondiale, l’Allemagne annexe rapidement toutes ces régions à son gouvernement. En 1944, 15 000 juifs sont déportés par le gouvernement slovaque. La ville est alors occupée par les Allemands et se fait bombarder par les Alliés. En avril 1945, l’Armée Rouge la conquis. C’est alors que la Tchécoslovaquie est dirigée par les Communistes et fait parti du « Bloc de l’Est ». La population repend une croissance importante, de nombreuses tours d’habitations sont construites tout autour de Bratislava afin de loger la nouvelle population. Le gouvernement communiste dessine aussi de nombreux bâtiments grandioses à la gloire de leur parti. Plusieurs tentatives de libération échouent comme le Printemps de Prague, jusqu’en 1989 où la ville devient un des centres de la Révolution de velours (révolution qui conduit à la chute du Parti communiste en Tchécoslovaquie).

Enfin, le 1er janvier 1993, la ville devient la capitale de la nouvelle République de Slovaquie.

Entrée du château

Entrée du château

C’est après tout juste une heure de train que nous arrivons à la gare de Bratislava située au nord de la ville, à une vingtaine de minutes du centre historique. L’auberge de jeunesse où nous avions réservé était à dix minutes de la gare, ce fut donc notre première destination. La gérante de « Freddy next to Mercury » nous attendait et nous a présenté Bratislava comme une jolie ville mais où en effet, pour des « jeunes comme nous », il n’y a pas grand chose à faire… Après avoir récupéré la carte qu’elle nous confiait, déposé nos bagages et sorti les appareils photos, on se dirigea vers le premier point (en dehors du centre ville près des universités), qu’elle nous avait marqué : les bureaux de la radio slovaque. Selon elle (et elle avait raison) cet édifice était impressionnant par sa forme de pyramide renversée, elle a maintenu que pour de jeunes architectes il fallait au moins aller voir cela. Ce bâtiment de 1983 a été réalisé par les architectes slovaques Stefan Svetko, Stefan Durkovic et Barnabas Kissling. L’édifice en acier corten mesure 80 mètres de haut et possède aussi une salle de concert. Même si ce bâtiment est mentionné sur une liste des 30 plus moches bâtiments du monde, les architectes slovaques n’ont jamais cessé de le défendre. La seule chose plutôt regrettable c’est qu’il n’est pas très bien entretenu, ce qui est malheureusement plutôt commun à Bratislava. Le siège de la radio est aussi surnommé « le bâtiment du siècle » car les travaux ont duré presque vingt ans.

Centre de radio slovène

Centre de la radio slovène

Moins de dix minutes plus tard, notre balade nous a conduit au palais Grassalkovitch (palais présidentiel) qui est le lieu de résidence du président de la République de Slovaquie. Ce palais royal est un des édifices baroques les plus importants du pays. La construction du palais rococo et de son jardin à la française s’achève en 1760. C’est l’architecte Andreas Mayerhoffer qui le dessina à la demande d’un compte de la cours de Hongrie.

Palais présidentiel

Palais présidentiel

La place du palais traversée, direction le Sud, nous arrivons sur un grand cours où le tramway nous donne l’impression de revenir des dizaines d’années auparavant, il est d’un blanc et rouge délavé et constitué de deux wagons. Comme en Autriche et en Pologne, il n’y a pas d’arrêts de tramway comme chez nous, les gens descendent directement sur la route, en faisant attention aux voitures. Il semble entourer le centre ville historique, et sur notre droite on peut déjà apercevoir la colline où se trouve le château de la capitale. Aussitôt vu, aussitôt fait, direction la colline, un peu de randonnée ne peut faire que du bien. Nous suivons donc les lignes de tramways jusqu’à trouver la petite route pavée qui mène au sommet. Au bout de peut être vingt minutes nous faisons face au grand portail qui devait autrefois laisser ou non l’accès au palais. L’ensemble a été rénové il y a peu, la peinture semble encore fraîche de ce côté-ci, et puis un chantier est en pleine activité de réhabilitation sur la façade Nord de l’édifice. Ce château est caractérisé par ses quatre tours latérales, symboles de la ville, présentes notamment sur les pièces de monnaies. La colline domine le Danube est offre un panorama exemplaire sur le centre ville historique, les banlieues périphériques, et au loin (le soleil nous accompagnait) on peut voir jusqu’à Vienne d’un côté, et en Hongrie de l’autre. Depuis ce point de vue, le contraste est frappant entre le petit (tout petit) centre pittoresque tout droit sortit du passé et la nouvelle ville qui ne cesse de grandir avec ses tours modernes qui se développent en masse autour du centre ville. Ainsi les deux rives du Danube se font face mais ne sont en aucun point similaires.

Le soleil se couchant, il était temps d’aller découvrir le centre historique de Bratislava. Comme beaucoup nous avait prévenu, nous nous sommes vite rendu compte que le centre ville n’était pas très grand. Nous sommes tombés trois fois de suite sur la grande place en moins d’une heure. Mais à chaque fois, le changement de luminosité offrait à cet espace une ambiance différente. C’était le jeudi 11 février, il n’y avait pas grand monde à arpenter les rues et autour de nous tout le monde parlait slovaque. La surprise était donc totale quand sur cette place on entendit parler français à la télévision, nous étions juste devant l’ambassade française qui annonçait les changements de ministères. Ce bâtiment est le palais Kutcherfeld, il a été construit en 1762 et est, comme le palais présidentiel, de style Rococo. Il a été érigé sur la place principale de la vieille ville à la place de deux anciennes maisons du Moyen – Age. Le rez-de-chaussée est assez sobre, sans décor avec aux quatre angles des sculptures nues qui soutiennent la corniche. Les fenêtres des étages sont encadrées par des moulures. Le bâtiment n’a pas été modifié depuis sa construction.

Cette place est le cœur de Bratislava, un lieu magnétique, où la traversée est obligatoire et où chaque façade à son importance et son identité. Pourtant elle est au final plutôt simple, à l’image de l’architecture slovaque. Une grande place rectangulaire pavée ou sont délicatement posés bancs, fontaines et sculptures. D’un côté, l’ancien hôtel de ville avec sa tour, de l’autre côté le bâtiment de la banque de Hongrie, et de part et d’autres quelques ambassades accompagnent la française. La sculpture de Jean Evangéliste Hubert, adossé sur un banc n’est jamais seule, les touristes y posent presque continuellement, bras dessus bras de sous avec le soldat napoléonien, ou assit tout simplement devant lui. Ce personnage, représenté sans chaussures et les yeux cachés par son chapeau, serait tombé amoureux de son infirmière et serait resté à Presbourg, produisant du champagne à la française. Plus loin sur la place se trouve la plus ancienne fontaine de la capitale : elle date de 1572, elle a été construite sur ordre du roi Maximilien II suite à un incendie qui révéla un manque d’eau dans la ville. Les bourgeois de la ville l’ont remercié en faisant élever sa statue dans les traits du chevalier Roland, protecteur de la ville. Une légende raconte que tous les 31 décembre à minuit, il fait un tour sur lui-même en pointant son épée sur les quatre points cardinaux pour montrer qu’il protège la ville.

La grande place et la statue du soldat

La grande place et la statue du soldat

C’est donc après plusieurs passages sur cette jolie place que nous avons décidé d’aller découvrir les bords du Danube au pied de la colline du château et de la cathédrale St Martin. Sur la route, nous sommes tombés par hasard sur le théâtre national. Il est sur la place Hviezdoslavo, à l’entrée d’un long cours qui finit sur le Danube. C’est un bâtiment néo-classique construit en 1886 par les architectes autrichiens Fellner et Helmer, auteurs notamment de l’opéra de Vienne. Sur sa façade de nombreux bustes de compositeurs sont sculptés.

Plus loin, à revenir vers le centre historique, on tombe sur la cathédrale Saint Martin, c’est la plus grande église slovaque. Elle intrigue par son immense clocher, du haut duquel se trouve la copie de la couronne hongroise. Elle mesure un mètre et pèse plus de 300kg. Cette église à trois nefs date du début du XIVè siècle. L’intérieur est exclusivement sculpté en bois et présente de nombreuses œuvres religieuses. C’est ici que de nombreux rois et rennes se sont fait couronnés dont la plus célèbre reste l’impératrice Marie Thérèse. Il paraitrait aussi que c’est ici que Beethoven a joué pour la première fois la Missa Solennise. Cette cathédrale reste assez simple d’extérieure, rectangle blanc couvert de tuiles au clocher en zinc. Elle conforte l’image pittoresque de Bratislava.

Cathédrale Saint-Martin

Cathédrale Saint-Martin

Enfin, la journée touchait à sa fin, mais il nous restait une dernière chose qu’on ne voulait surtout pas louper… La gérante de l’auberge de jeunesse nous avait parlé d’une église toute bleue. Notre curiosité était piquée. Nous sommes donc parti à la découverte des quartiers à l’Est du centre ville. La frontière était largement visible : un large boulevard où les voitures ne cessaient de rouler, de l’autre côté les façades couleurs pastels et décorées de petites sculptures avaient disparu, ce n’était plus que de petits immeubles de trois quatre étages plus classiques. Toujours peu de personnes se promenaient, et les boutiques et cafés se faisaient de plus en plus rares. Pour la première fois j’étais même rassurée d’être partie en voyage avec deux amis, toute seule perdue dans ce quartier je ne suis pas sure que cela aurait été une très bonne idée… En tout cas, après un petit détour de quinze minutes nous avons levé les yeux sur cette église qui ressemble vraiment à un gâteau à la crème géant ou à un château de princesse bleu, cette église pourrait être une inspiration pour le décor de nombreux contes de fées. Plus sérieusement, c’est l’église Sainte Elizabeth édifiée en 1908, elle est caractéristique de la Sécession hongroise : courant d’Art Nouveau lié à Odon Lechner (architecte de l’église elle même) dont l’objectif était de créer un style international hongrois. Il mêle aux motifs et formes traditionnelles de l’Art Nouveau des éléments d’inspiration orientale. Ce style se retrouve notamment dans la ville de Budapest. Cet édifice au plan ovale est recouvert d’une mosaïque et de faïence bleue. L’intérieur est également très décoré. Cette dernière visite terminée il était temps de rejoindre le centre ville de Bratislava, afin de faire une pause, de diner et de se balader une dernière fois dans les rues nocturnes de la vieille ville et de retrouver le chemin de l’auberge de jeunesse.

Eglise Sainte Elizabeth

Eglise Sainte Elizabeth

C’est donc à l’issue de cette journée assez chargée en découvertes que nous étions tous les trois d’accord pour avouer que Bratislava avait été une des plus belles surprises du voyage. Basés sur les récits de nos amis, nous pensions vraiment trouver ici qu’un petit bourg sans grand interêt. A la place nous avons découvert une petite ville qui a connu de grands changements tout au long de son histoire qui ont formé un patrimoine peut être aussi riche que les villes précédentes même s’il est surement moins conséquent. Dans tous les cas cette étape était une belle continuité dans notre découverte de l’Europe et de toute l’histoire austro-hongroise qui lie ses nombreuses villes. Mais pas le temps de se reposer, le lendemain matin nous étions déjà partis direction Budapest.

Pauline Dupont

Voyage du 11/02/2016 au 12/02/16 

Médiagraphie :

http://www.slovakiabratislava.com/Guide%20touristique.pdf (consulté le 3 avril)

https://www.google.fr/maps/place/Bratislava+hlavná+stanica/@48.1521536,17.0983956,2145m/data=!3m1!1e3!4m2!3m1!1s0x476c89544b9c35cb:0xadf6f1e9014742ba (consulté le 3 avril)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bratislava (consulté le 3 avril)

http://voyages.ideoz.fr/visiter-bratislava-en-un-jour-tourisme-slovaquie/ (consulté le 3 avril)

http://www.routard.com/guide/code_dest/slovaquie.htm (consulté le 3 avril)