Imaginez un endroit sur Terre qui n’appartienne à personne, à aucun Pays, mais qui invite tout le monde et qui finirait par appartenir à l’humanité entière.
Un endroit où l’on détruit le concept d’argent et on le remplace par l’échange de services et de connaissances. Un endroit où les humains vivent en symbiose avec la nature, ils s’en nourrissent et s’y procurent leurs matériaux de construction. Un endroit où l’optimisme, le positivisme, l’entraide, la compassion et l’initiative prennent le dessus sur les défauts et vices de l’Homme. Vous allez sans doute me dire que cet endroit réside encore dans les chansons hippies des années 70, dans Imagine de John Lennon. Détrompez-vous, ce sont les concepts fondateurs d’Auroville : « Le lieu d’une vie communautaire universelle, où hommes et femmes apprendraient à vivre en paix, dans une parfaite harmonie, au-delà de toutes croyances, opinions politiques et nationalités »
Il fallait que je fasse le déplacement, pour observer cette ville utopique en construction. Après de nombreuses discussions avec certains étudiants du CEPT, je commençais à me faire une petite idée de ce que pouvait être cet endroit. L’image qui est sortie de ces discussions est une ville expérimentale qui joue le rôle de capitale mondiale de l’altermondialisme à la sauce extrémisme-écolo saupoudré d’une pincée d’hypocrisie. Je vous invite à me suivre dans l’élucidation de cet endroit.
Les fondations.
Nous pouvons remercier La Mère (une française du nom de Mirra Richard) pour avoir donné naissance à ce lieu hors du commun. Elle est aussi la compagne spirituelle de Sri Aurobindo, un philosophe et enseignant spirituel (guru) Indien. La ville s’implante dans le Tamil Nadu, à la frontière avec l’ancien comptoir français : Pondichéry. Le centre de la ville est alors choisi par La Mère, marqué par l’emplacement d’un arbre immense et ancestral aux multiples troncs : le Banyan. C’est à coté de ce centre mystique qu’a été construit le Matrimandir : un bâtiment iconique de l’endroit qui a eu le titre « l’âme du lieu ». Nous reviendrons sur les particularités de ce temple Astral en hommage à La Mère, à Gaia, à La terre.
Dans ses premiers instants de vie, le terrain était désert. Une terre rouge parsemée de buissons ardents. Les efforts humains de reforestation ont contribué à l’habitabilité, et à présent la vie y est agréable, la jungle s’y est agréablement installée. Le climat y est doux pendant l’hiver, un équivalent au mois de Juin dans le sud de la France. L’été est très chaud et peu accueillant. Cette ville expérimentale reçoit un flux d’occidentaux immense entre les mois de novembre à mars, et se dépouille de ses habitants pendant l’été. C’est une excellente destination pour venir « skip a Winter » (sauter l’hiver européen). Une question socio-écologique découle de ce genre de pratique. Est-il plus écologique de se déplacer avec la douceur du climat, que d’avoir à se chauffer pendant tout un hiver ? Nous ne traiterons pas de ce sujet dans cet article.
Qui trouve t’on à Auroville ?
Il existe plusieurs types de personne, étant donné que l’article 1 de la charte d’AV énonce que « Auroville n’appartient à personne en particulier. Elle appartient à toute l’Humanité. Mais pour y séjourner, il faut être le serviteur volontaire de la Conscience Divine ». Nous ne classerons pas par provenance ethnique mais par statut en temps d’occupation décroissant : Aurovillien, Newcomer, Volontaire, Locaux, Touristes.
L’aurovillien est un résident à temps plein de l’endroit, il connait en général tous les autres aurovilliens, il parle au moins trois langues mais l’anglais reste la langue internationale par excellence. Il habite dans une communauté avec d’autres occupants, dans des logements collectifs BUBC (Bâtiments Ultra Bio Climatique). L’avantage principal à être Aurovillien est le fait que de nombreux services deviennent gratuits, il touche une somme de 8000 roupies (110 euros) par mois pour ses travaux envers la communauté, mais avant tout, l’état indien lui procure un X visa qui lui permet de séjourner en Inde pendant 10 ans sans avoir besoin de renouveler son visa. Ils sont 2290 aujourd’hui.
le « newcomer » signifie en anglais « nouvel arrivant ». Celui-ci est une personne qui souhaite devenir Aurovillien. Il se doit d’occuper ce rôle pendant une durée minimum d’un an, mais le plus souvent deux, afin de prétendre devenir un véritable aurovillien. Une sorte de cérémonie secrète aurait lieu lors de la conversion du statut « terrien normal » en « véritable aurovillien », au cours de laquelle il est demandé à tous les aurovilliens d’exprimer ou non leur objection contre l’intégration de cette personne au sein de la communauté. Si une seule personne s’oppose à l’accord du statut d’aurovillien, ce prétendant ne pourra jamais le devenir, du moins dans cette vie. Heureusement presque tout le monde croit en la réincarnation, et il pourra tenter à nouveau sa chance dans une vie future .
le volontaire, quant à lui, séjourne à Auroville pendant une durée de 1 à 6 mois. Il y a approximativement 40 000 volontaires chaque année. Il parle au moins l’anglais et vient de tous horizons.
Tout en offrant son temps et son énergie à la communauté, il participe au developpement de la ville. C’est un travail bénévole qui peut se faire dans divers domaines : l’agriculture, la cuisine, la construction, la re-forestation, l’enseignement de connaissances, le divertissement. Dans ce micro-système autonome qu’est Auroville, le volontaire parait être un rouage important; le fonctionnement quasi-gratuit de toutes les infrastructures n’est possible que par cette abondance annuelle de bénévoles.
Bien que dans le concept même d’Auroville, son territoire n’appartient à personne en particulier. Il est bel et bien positionné en Inde et nous pouvons le ressentir dans les démarches bureaucratiques obligatoires pour obtenir le statut officiel de volontaire. C’est le rôle que j’incarnais pendant mon séjour de trois mois. Il est de coutume de s’inscrire dans les bureaux administratifs. J’ai abandonné avant la fin des procédures, puisque j’intégrais une communauté à tendance anarchiste appelée YC, the youth center, the peacefull city. Officieusement, j’étais volontaire.
Les locaux sont en provenance des trois villages limitrophes : Eiganchavadi Kulapalayam et Alangkuppam. Certains habitent à Auroville et se sont parfaitement intégrés, mais ces cas sont rares. La pluspart du temps les tamouls représentent de la main d’œuvre à bas prix pour le travail dans les champs ou pour les VRD. Mais avant tout dans ce groupe, nous trouverons les Ama. Cela veut dire « maman » en tamoul. C’est le titre qu’on donne à celles ou ceux qui s’occupent de la maison. Dans le Gujarat, ces personnes seront appelés « gharwali » (Ghar : maison et wali : celui qui fait. Le Thaiwala est celui qui fait le tchai). Les amas sont partout, et d’ailleurs, il est même possible qu’il y ai autant d’ama que d’aurovillien. Elles représentent les touches colorées du matin sur les chemins. La peau sombre enrobée de saris hypnotiques. Elles marchent depuis leur domicile, à travers la forteresse sans muraille jusqu’à leur lieu de travail : des communautés ou maison d’aurovillien. Elles font tout, ou presque, un ménage journalier est imposé parce qu’en Inde tout se salit très vite. Balayage des feuilles de la veille, lavages des espaces communs, vaisselle, étendre le linge, un bon tchai toutes les deux heures environ. Celle que j’ai observée incarne réellement un rôle de maman. D’ailleurs suivant la charte 2 d’AV « Auroville sera le lieu de l’éducation perpétuelle, du progrès constant, et d’une jeunesse qui ne vieillit point ». Une jeunesse qui ne vieillit point, transforme les personnes en quête de la conscience divine, en enfants qui ont besoin de cette présence maternelle ! Elles ont une importance cruciale dans les communautés de plus de 15 personnes. J’irai même jusqu’à dire qu’elles sont la force invisible liante qui écarte les problèmes possibles liés à la vie en communauté ! Elles sont très, très modestement rémunérées, dans un référentiel européen, mais correctement dans un référentiel tamoul.
Puis viennent les touristes. Pour être franc, j’en ai rencontré très peu, car ils viennent souvent pour une seule journée. Ils ont un parcours programmé. Un déchargement de bus au Centre des visiteurs où ils peuvent apprécier une exposition permanente sur le concept de la ville expérimentale. Puis ils suivent le chemin unique et cadré pour rejoindre le point de vue Unique du Matrimandir. Certains touristes plus courageux et moins pressés se permettent d’y séjourner 2 à 3 jours afin de visiter le fameux Matrimandir (Nous reviendrons sur ces bâtiments clés), Il est nécessaire de faire une demande dans les bureaux administratifs et se relancer dans une spirale bureaucratique.
La religion/philosophie/secte
Je suis loin d’être le spécialiste pour vous parler du chemin spirituel qu’ont choisi les Aurovilliens, mais je peux vous expliquer ce que j’en ai compris. Les personnes cherchent d’atteindre un niveau de conscience élevé, dite la conscience divine. Il est possible que ce soit ce que d’autres religions appellent l’état de conscience illuminé. En suivant le Vedanta Yoga, il est possible de calmer l’être de désir qui se cache en nous pour révéler l’être d’amour pur. Les guides spirituels ici sont Sri Aurobindo et La Mère, leurs disciples s’appellent les suprémentaux. Je vous avoue que lorsque j’ai lu certains passages de la Mère délirant sur le fait qu’elle avait parlé aux étoiles la veille, j’ai pris un grand recul sur ses « enseignements » et j’ai décidé de ne pas trop exprimer mon point de vue à haute voix à ce sujet au risque d’offusquer mon audience. Le Matrimandir est l’icône architecturale de cette ‘secte’. Cependant La Mère dit que l’ère de la religion est derrière nous, et qu’il faut passer à une ère spirituelle. Elle insiste « pas de religion ».
Le house sitting, ou le processus d’installation
Étant donné que personne ne possède Auroville, il n’existe pas de propriétaire foncier mis à part la fondation. Quelqu’un qui souhaite s’installer, occuper une maison existante, ou construire un terrain doit avant tout être Aurovillien. Il doit faire un don à la fondation pour la valeur de la maison existante ou pour se procurer une parcelle afin de construire, les matériaux seront à ses frais. Une fois la maison construite, il aura des droits sur l’occupation. Cependant si il souhaite revenir en Europe durant l’été pour gagner l’argent de l’année, sa maison sera mise à disposition des volontaires dans un concept de « house-sitting » une sorte de « baby-sitting » gratuit de maison, en échange de services tels que l’entretien du jardin ou encore donner à manger aux animaux. Un concept de densification intéressant !
Urbanisme et architecture avec Roger Anger
C’est en 1965 que Mirra Richard écrit une lettre à l’architecte français Roger Anger pour lui demander d’être l’architecte en chef de la future ville expérimentale. Elle a toujours su que c’était lui allait donner la première impulsion architecturale à Auroville. La mère lui donne deux paramètres obligatoires qui sont les suivant : la ville doit accueillir cinquante mille habitants, et devra être divisé en quatre zones distinctes : la zone résidentielle, la zone culturelle, la zone industrielle et la zone internationale. C’est une feuille blanche avec un point au milieu qu’est tendue à Roger Anger, il devient maître de l’Urbanisme et de l’Architecture. La seule chose qui a été fixée par Mirra est le placement du centre de la ville : le grand Banyan. Roger Anger a travaillé pendant 40 ans de sa vie pour la concrétisation de cette ville expérimentale, sans prendre d’honoraire pour son temps, son énergie et son travail. Ses principales réalisations sont certainement le Matrimandir avec ses disques d’or et son plan d’Urbanisme très particulier.
Ce plan spiroïdal, gravitant autour des jardins de la paix et autour du Matrimandir respectait les demandes de Mirra Richard (La Mère), et était pensé pour un temps de construction de moins de 25 ans. Cependant, presque 50 ans plus tard, nous remarquons que seules deux mille personnes y habitent à l’année contre les cinquante mille prévus.
En 1972, après le décès de la fondatrice de cette ville expérimentale, le plan masse commence à être dévié en faveur de constructions à plus petite échelle, jouissant de la tranquillité d’une densité faible. Malgré le fait que Roger Anger se débattait pour expliquer qu’apprendre à vivre ensemble implique aussi une densité plus élevée. Cependant un certain nombre de nouveaux résidents se retrouvaient à Auroville pour fuir toute forme d’urbanisme et de structure hiérarchique. De plus petites communautés, initialement temporaires, se sont sédentarisées et ont continué à se développer pour faire d’Auroville ce qu’elle est aujourd’hui : un patchwork de communautés, qui sont-elles même un patchwork d’individualités.
Les autorités d’Auroville menacent encore la destruction des habitats ‘hors plan d’urbanisme’ au profit de ce qui devait être construit. Cependant, même dans ces divergences du plan masse, on y trouve de nouvelles formes, de nouvelles complexités sociale et spatiale, de nouvelles innovations, des nouveaux évènements. D’ailleurs ses communautés font partie de l’Auroville perçue par les Aurovilliens. L’évolution a pris un sens plus spontané, et sûrement plus humain, qu’il est peut-être temps de reprendre le plan masse entre les mains et de faire une synthèse avec l’état actuel. Mais étant donné que les « maitres penseurs » (en référence à Mirra et Roger) ne sont plus. Les membres de la fondation aujourd’hui n’ont pas la « conscience suffisamment élevée » pour différencier le bien du mal d’une autre proposition. Selon eux, le plan de Roger Anger est la seule solution. « When I talked to Mother one day about Auroville, she said that the city already exists in a subtle level, that it is already constructed, that it is only necessary to pull it down, to make it descend on earth. »(1)
Le Matrimandir
En sanskrit Matrimandir signifie bien le temple de la mère. La Mère pouvant être à la fois Mirra, ou l’être cosmique qu’est la Terre.
Un bâtiment faisant office de temple des suprémentaux. Concu par la collaboration de La Mère et de l’Architecte-Urbaniste Français Roger Anger. C’est une sphère dorée, placée au centre du plan d’urbanisme. Il évoque à la fois un astre de Lumière autour duquel gravitent les activités de la ville. L’image du soleil est évidente. Mais dans la conception plus spiraloïdale du plan, le bâtiment joue le rôle cosmique de centre de la galaxie, et donc d’un trou noir super massif.
Les alentours du temple sont travaillés par thématiques liés à la psychologie et à la spiritualité. Un immense amphithéâtre ovaloïde s’étale à équidistance du globe d’or et du majestueux arbre Ban-Yan.
12 ailes se déploient autour du globe, à l’intérieur desquelles se trouvent douze ambiances différentes, dans lesquelles les suprémentaux peuvent se plonger dans des états méditatifs particulier. En se rapprochant, nous discernons des disques d’ors convexes parsemés mathématiquement sur le globe. Les jeux de lumières s’intensifient et se détaillent.
Mais l’apogée de la maîtrise de la lumière se trouve dans la salle principale du temple. Un dispositif de réflection lumineuse permet à la lumière du soleil d’entrer par le point culminant du dôme, quel que soit sa position dans le ciel. Ces rayons solaires créent un rayon parfaitement vertical qui vient fendre une boule de cristal de 70 centimètres de rayon au centre de la chambre de méditation. Ce rayon vertical de lumière pure descends jusqu’aux fondations de l’édifice, traversant les différents niveaux, pour enfin rejoindre la Terre. Cette chambre méditative est un endroit où les fidèles méditent pour le bien de l’humanité, ou à la recherche de la conscience divine.
La lumière est certainement maîtrisée dans cet ouvrage, mais nous ne pourrons en dire de même pour l’acoustique. Dans la salle principale, où chaque son devrait être atténué pour ne pas déconcentrer les personnes méditants, la réverbération est au niveau maximal, et le moindre froissement de vêtement perturbe le silence méditatif.
Solar kitchen
La cuisine solaire est certainement l’édifice le plus fréquenté d’Auroville. Autant vous dire que tous les volontaires et Aurovilliens y mangent au moins une fois par semaine. C’est un restaurant self avec une capacité de production de 1000 repas par jours, plus de la moitié de ceux-ci sont amenés aux diverses écoles. La capacité d’accueil du restaurant est à l’échelle de 300 personnes. L’alimentation végétarienne est agrémentée de spiruline fraiche en guise d’apport protéinique. C’est un carrefour social, on aurait presque l’impression que tout le monde connait tout le monde. “Bonjour, Hello, guttentag, wanacam, bonjorno….”
Le batiment est une des multiples constructions en pisé de la région. De ses quatres mètres de hauteur sous plafond, la salle principale paraît sombre. Un luxe dans un endroit où l’on combat la lumière, synonyme de chaleur. De grandes ouvertures circulaires perforent ces murs de pisé. La texture terreuse et amicale de tels matériaux nous invite à avoir une relation tactile avec ces parois. Une relation sensuelle et tactile est mise en place, avant d’entamer un repas où les couverts sont pour les nouveaux. Ici, on mange avec les mains.
le Youth Center? (YC – why-see)
Au cœur d’une ville et en même temps au cœur d’une jungle dense, étendue sur 300mx100m, nous trouverons une arche en bois et métal tranchant la façade arborée de la « rue » et annonçant « peacefull city ». Un portail en ferrailles de récupération soudées filtre les véhicules, mais sa hauteur de moins d’un mètre de haut et l’absence de cadenas annonce la couleur rouge de la communauté à tendance communo-anarcho-écologiste.
C’est en s’aventurant dans ce méandre de petites constructions, toutes aussi différentes les unes des autres, que l’on découvre la richesse du lieu. Les parties communes sont construites en ‘dur’, en béton fibrociment, en brique de terre crue, ou en terre pisée.
Un hall salon surmonté d’une toiture en Keet (branche d’acacias en guise de structure, plusieurs couches de feuilles de palmier pour l’étanchéité). Le Keet se retrouve un peu partout dans le Tamil-Nadu. Initialement une manière ingénieuse d’imperméabiliser une construction traditionnelle, cette technique ancestrale et naturelle fait frémir et frissonner les constructeurs mordus d’écologie. Auroville a été et continue à être un centre d’exploration pour de nouvelles formes construites s’adaptant à cette technique d’étanchéité. La première grande innovation a été le concept de la capsule : un tétraèdre tronqué recouvert de keet qui permet en deux jours de créer un abri pour deux ou trois personnes. L’inconvénient de ce matériaux biodégradable est justement le fait qu’il soit dégradable. Une toiture en Keet ne dure pas plus de 5 ans avant qu’elle ne commence à développer des champignons de décomposition. Il faut alors changer les feuille de palmier, et changer les pièces structurelles qui ne survivent pas à l’épreuve du temps.
Dans le Tamil-Nadu, il ne fait jamais réellement froid. Aucun besoin d’isolation. Il faut seulement se protéger de la pluie. C’est pourquoi, on ne se trouve jamais réellement à l’intérieur d’un bâtiment, mais plutôt abrité par un bâtiment. Aucunes des constructions au Youth Center ne donne l’impression d’être à l’intérieur, et l’on se perd dans l’idée d’être tout le temps à l’extérieur. Après un certain temps, on oublie même le concept d’intérieur et d’extérieur. A proximité de ce hall salon, se trouve un complexe de cuisine, couverte par une section de dôme en fibrociment, équipée d’un rocket-stove, d’un four à pizza géant.
Un peu plus loin dans la jungle, l’on trouve un atelier où l’on peut trouver des outils en libre service, et un bâtiment offrant tous les services humides, douches et sanitaires. Ces infrastructures communes permettent aux habitants de la communauté d’assouvir leur besoins vitaux, dans le respect et le partage. Aucune de ces infrastructures n’est payante, une phrase suffit à expliquer toutes les règles de cet endroit. “Ek hath se lé, ek hath sé dé” ce qui veut dire “une main qui prend, une main qui donne.”
Ces constructions plus pérennes ne font pas la particularité de cet endroit. Après avoir passé la première barrière d’espaces communs, il est temps de s’aventurer dans les chemins rouges de la jungle et d’y découvrir une série de cabannes dans les arbres toutes plus surprenantes les unes que les autres. Toutes sont habitées par des volontaires, et des Auroviliens activistes du Youth Center.
Rappelons que tous les arbres des environs n’ont guère plus de 40 ans d’age. Auroville était une terre plate et sèche avant l’arrivée de La Mère. La première vague de forestation a sculpté le paysage d’aujourd’hui. Les structures chaotiques des arbres offrent une base structurelle aux diverses ‘tree-houses’.
La première que l’on rencontre est celle que Philip a construit. Elle englobe trois arbres, tout en leur laissant de la place pour qu’elle puisse se dilater avec le vent. Pendant l’ouragan de 2012, il nous raconte qu’il a passé la nuit dedans pour observer les déformations de l’arbre soumis à des vent très puissants. Non seulement les arbres ont su résister à l’ouragan qui coucha une majorité des arbres de la cote est, mais la ‘maison-arbre’ s’en est sorti sans une égratignure.
Durant cette même tempète la tree-house de Géo se retrouve plaquée au sol, accompagnée de ses arbres structurels. Mais le Youth Center ne décide pas de la démanteler afin de récupérer la matière première, ils décident de garder la structure de l’arbre effondré, et de simplement tourner la cabane sur elle même pour la remettre de niveau horizontal. cette improvisation architecturale de situation est un véritable succès!
D’autres structures insolites dans les arbres constellent le youth center, La forteresse de Noé, la bamboo platform, la Camelia House, le bateau, le musée de la construction dans les arbres. Philip et son équipe continuent à édifier ces bijoux dans des notes de Jazz architectural! J’ai eu la chance de participer à trois de leurs constructions, au sein d’Auroville.
La Camira near-tree house (illustration ci dessus) n’est pas une cabane dans les arbres ordinaires. C’est en réalité une cabane faite d’arbres, proche d’arbres mais sur pilotis en béton (pour éviter l’attaque sournoise des termites) Une cliente demande à Philip de convertir un morceau de Jungle en maison. Les arbres abattus et ceux qui était déjà couchés par la tempête de 2012 ont constitué toute la matière pour l’élaboration de cette chambre d’hôte atypique. Le bois le plus présent est avant tout l’acacia, le work-tree. Après avoir travaillé avec ces bricoleurs de l’extrême, tout le monde peut comprendre pourquoi il porte ainsi ce nom. L’acacia comporte une couche de bois blanc périphérique, un bois mou, susceptible d’être dévoré par les termites. Il faut peler ce bois à la hache puis au pelloir, c’est long et extrêmement fatiguant. Mais Philip et ses gars considèrent que c’est comme raser les jambes de dame nature pour lui rendre sa beauté. Ils sont capables de ne faire que ça de leur journée. Le pelage de l’écorce permet l’utilisation du bois massif sans traitement et de prendre avantage des noeuds et séparations du bois.
Mais la véritable révolution pour moi a été la découverte de l’association du bambou avec de la corde de coco. Une liaison complètement naturelle qui permet des prouesses techniques et structurelles. Mieux qu’un échaffaudage. Je vous laisse sur cette illustration expliquant comment préparer la corde de coco, je vous invite à faire l’essai pour vous rendre compte, qu’il s’agit là d’un matériaux intemporel. utilisé depuis plus de 5000 ans, il n’a pas encore fait surface comme matière de prédilection dans l’architecture. Et la raison est simple, c’est qu’il est bio-dégradable, il nécessite un entretien. Depuis les début de l’Architecture comme nous la connaissons. L’immortalité se faisait à travers des constructions pérrennes. Mais à l’ère du Develloppement durable, l’architecture temporaire et éphémère ne peut elle être une alternative? Pour un futur qui s’autodégraderait au moment ou l’homme cesse de l’occuper ou de l’entretenir?
“Des bisous, on vous kiffe.”
Luc Franco
voyage d’étude effectué entre le 18 décembre 2014 et le 22 février 2015
Sources :
(1)les regles d’auroville http://.fr.wikipedia.org/wiki/Auroville
(2)Anupama Kundoo, Roger Anger recherche sur la beauté , Jovis, 2009, 191p