La frontière, cette marge habitée et rythmée par les échanges, est un espace qui est en permanente mutation. Bien que cette limite soit souvent perçue comme une séparation entre deux pays, la frontière est en réalité un espace où les deux pays se rencontrent. Selon la situation géographique de la frontière, les identités et les traditions fusionnent plus ou moins pour créer un espace tampon.
Je ne me suis rendue compte de cette définition de la frontière quand j’ai visité Rosso, une ville au Sud de la Mauritanie. Cette excursion avec des amis m’a permis de découvrir le caractère dynamique de cette ville qui a connu beaucoup de troubles, notamment lors des conflits entre la Mauritanie et le Sénégal.
Trait d’union entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, la Mauritanie est un foyer où plusieurs ethnies se rencontrent. En effet, elle comprend des Négro-africains, des Maures Arabo-berbères et d’anciens esclaves des Arabo-berbères, les Haratins. Cette richesse ethnique peut être sentie dans la culture mauritanienne et dans la pluralité des dialectes parlés sur le territoire mauritanien.
Située dans le sud de la Mauritanie, Rosso (ou Rosso-Mauritanie) est à proximité de la frontière du Sénégal. C’est dans cette ville que s’effectue la traversée du fleuve Sénégal pour arriver dans sa ville jumelle Rosso-Sénégal. Elle est donc la porte principale d’entrée et de sortie vers le Sénégal. Pour passer de l’autre côté de la frontière, les voyages se font par un bac ou par une pirogue à moteur. C’est pour ces raisons que je me suis lancée dans ce voyage, pour voir comment une ville se développe sur une frontière.
De taille plus petite que la capitale, Rosso est située entre le désert et le fleuve Sénégal. Ainsi, les climat est plutôt humide et les températures sont souvent extrêmes comme dans le désert : il fait très chaud pendant la journée et très froid la nuit tombée. Ainsi, les habitations et les commerces favorisent un toit opaque pour se protéger du Soleil mais les murs sont souvent fait de toiles ou de terre pour se rafraichir la journée et se réchauffer le soir. C’est pourquoi la plupart des habitats sont plutôt des tentes à proximité du désert, des maisons faites en briques de terre ou de béton dans le centre, et des cabanes légères près du fleuve.
Dans cette ville rythmée par les va-et-viens des commerçants, la monotonie des activités laissait paraître la simplicité des procédés architecturaux. Les maisons construites de ciment et de briques se juxtaposaient sans hiérarchie particulière. Les rues se forment par les espacements aléatoires entre les habitations sans pour autant être goudronnées. Un sentiment de pur hasard dans la disposition des habitats permet aux habitants de se rencontrer dans les espaces tampons improbables et non pensés comme tel au début. On peut retrouver cette organisation dans la plupart des villes moyennes africaines. Les quartiers sont pour la plupart basés sur la répartition des différentes ethnies dans la ville. Et pourtant, je me suis aperçue que le mélange se fait dans tous les quartiers grâce au métissage.
Bien que chaque maison correspond à une famille, je me suis rendue qu’une maison abrite souvent plus d’une seule famille. En effet, dans cette société basée sur un système tribal, la tendance au regroupement est très présente. Plusieurs voisins peuvent se regrouper pendant la journée dans une seule maison et la nuit, ils se séparent pour dormir chacun chez soi. Ce comportement social créé un mouvement dynamique dans le quartier et il renforce le sens de l’entraide et de la communauté.
Basées sur des plans carrés et simples, les maisons se ressemblent presque toutes. Elles comprennent une grande cour à l’entrée, ce qui permet aux pièces de vie d’être en retrait par rapport à la rue. Ensuite, la cour mène au séjour et à la cuisine qui sont souvent les pièces les plus utilisées. Enfin, un couloir permet ensuite d’aller dans les quelques chambres qui regroupent souvent plusieurs membres de la famille. Il est très rare de trouver une chambre propre à une seule personne. Ainsi, la disposition des pièces va dans l’esprit de la vie en groupe.
Dès le matin, les cris des coq nous réveillent en même temps que le bruit des sabots des ânes qui transportent des marchandises dans les ruelles. Les hommes quittent les maisons pour vaquer à leurs occupations et les femmes restent dans les cours des maisons. Les enfants sortent en courant jouer avec leurs voisins dans la rue.
Les maisons en rez-de chaussée et de couleurs différentes l’une des autres ont l’air désertes pendant la journée, seuls les bruits des moutons et des chèvres dans les cours nous indiquent qu’elles sont habitées. A midi, la famille se réunit de nouveau dans le salle principale, le séjour, autour d’un repas familial. Les conversations vives animent alors la maison et se tuent vite dès la fin du repas. C’est alors que chacun reprend son rythme habituel du matin. L’après-midi n’est alors que la continuité des activités du matin.
On peut noter que les principales activités qui rythment cette capitale agricole sont la pêche, la culture du riz et l’élevage. Les immenses champs cultivés en riz, en légumes et en arbres fruitiers contrastent avec le désert qu’on a traversé pour y arriver. Le bord du fleuve est un lieu très dynamique de la région. Plusieurs pirogues effectuent des voyages entre la Mauritanie et le Sénégal pour transporter les marchandises. Ces activités se passent pendant la journée dans une ambiance d’échanges entre les communautés très forte. Avec le coucher de Soleil, toutes les activités s’arrêtent et la famille se réunit dans la cour de la maison. Contrairement au matin où on cherchait l’ombre à l’intérieur, le soir on cherche plus l’air frais à l’extérieur. Une fois la nuit tombée, les soirées sont rythmées par des contes et des jeux traditionnels ainsi que des sorties dans le désert pour boire du lait frais de chamelle sous un ciel illuminé par une multitude d’étoiles.
A Rosso, le traffic est beaucoup moins dense qu’à la capitale et la diversité des ethnies et des dialectes est beaucoup plus marquante. La ville est principalement peuplée de Wolof, de Maures et de Peuls. D’autres ethnies des pays frontaliers comme le Mali habitent également dans cette région à cause de la position stratégique de la ville et des nombreuses échanges commerciaux qui s’y passent. Cette diversité d’origines en a fait la ville la plus métissée de la Mauritanie. Les dialectes principalement parlés dans cette région sont le hassaniya et le wolof. La plupart des habitants parlent ces deux dialectes et arrivent à se comprendre. Ainsi, il n’y a pas de barrières entre les différentes ethnies et la cohabitation entre elles se fait sans problème apparent. Leurs cultures s’influencent les uns les autres en produisant une ambiance colorée et dynamique sur cette zone.
Tarba ABIDINE
Voyage du 21/07/2012 au 25/07/2012
Bibliographie
Mauritanie, 2000, Bénédicte De Valicourt
Une interprétation du conflit sénégalo-mauritanien, 1989, Charles C. Stewart, dans Revue du monde musulman et de la Méditerranée, n°54.
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