Voilà une semaine que nous arpentons Athènes, et enfin nous venons visiter Gazi, présenté comme un lieu de fête et de soirées des jeunes « branchés » de la capitale. Dans les guides, ce quartier est à peine évoqué : on y parle d’un site industriel aujourd’hui remplacé par tous les bars à la mode.
Au fur et à mesure que nous pénétrons dans les rues de Gazi, nous découvrons, après une succession de bâtiments plus ou moins laissés à l’abandon, un endroit plutôt moderne. Finalement Athènes n’est pas faite que de pierres ayant plus de 50 ans ! Ici, on trouve même des bâtiments contemporains. Le seul que nous avions vraiment remarqué jusqu’ici était le musée de l’Acropole, réalisé par Bernard Tschumi en 2001. Sinon, tout le reste de la ville, n’est qu’un ensemble d’édifices datant du siècle dernier, parsemé de vestiges antiques.
Situé à quelques kilomètres du centre-ville, juste après Psiri, ce quartier est délimité au nord et à l’ouest par deux accès principaux, très empruntés, qui mènent au centre d’Athènes, par la voie de chemin de fer à l’ouest que l’on peut traverser à pied, et par les limites du parc du Technopolis. Au sud, une grande place autour de laquelle se déploient ces fameux bars qui font aujourd’hui la réputation du quartier. Seulement, alors que nous arrivons en milieu de journée, l’endroit est plutôt désert. Où est ce « bouillon de culture contemporaine » ?
Seul le Technopolis, aujourd’hui transformé en « musée international du gaz », porte encore les traces du passé industriel de ce lieu où, aux 19ème et 20ème siècles, on produisait le gaz qui alimentait les éclairages publics du centre d’Athènes, d’où le nom « Gazi ». L’usine a été en activité de 1862 jusqu’en 1984. Lorsque nous pénétrons dans l’enceinte du Technopolis, nous ne voyons pas encore où peut se situer ce fameux musée. Les allées du site sont remplies de personnes qui, comme dans le reste de la ville, vendent tout et rien à la fois, sur leurs tapis et leurs tables bancales. Ce type de marché n’est plus étonnant après une semaine passée dans la ville. Tout le monde ici peut se poser avec un tapis pour vendre des objets. Cependant, ces petits lieux de vente ne sont pas aussi impressionnants que le marché aux puces de Monastiraki, où tous les magasins (ou presque) sont dédiés à cela.
Ces vendeurs éphémères sont les seuls visages que nous verrons de la journée. Contrairement à la veille que nous avons passée à l’Acropole, l’endroit est cette fois ci plutôt désert. Dans l’après-midi nous n’avons rencontré que deux couples de français… Mais où sont les touristes ? Peut-être que les guides ne mettent pas autant ce quartier en avant… Ou peut-être arrivons-nous à la mauvaise période de l’année, car c’est avec incompréhension que notre guide et ami redécouvre ce lieu qu’il avait vu si rempli la semaine précédente. Les grecs ne supportent sûrement pas les températures en dessous de 20 degrés Celsius. En tout cas, la vision que nous en avons alors est en opposition avec la présentation faite dans les guides sur la capitale grecque : est-ce bien cela le « plus grand centre culturel d’Athènes ? »
Nous n’arrivons pas à trouver l’entrée du musée, nous ouvrons des portes à droite, à gauche… Difficile de savoir à qui s’adresser, où aller, faut-il prendre un ticket ou l’entrée est-elle libre ? Certaines portes sont pourtant fermées à clé…
Plus tard, après avoir fait un tour du quartier, nous venons demander aux gardiens du site par où passer pour le musée…
« – Bonjour, nous souhaiterions visiter le musée. – Vous êtes étudiants ? – Euh oui… – Oui, 1€ par personne. – Ah, mais l’accueil est ici ? – Ben oui ! »
Eh bien oui…
Un peu goguenard, dans un anglais approximatif auquel on ne comprend pas tout, on nous explique le sens de la visite. Nous comprenons alors que le site entier s’avère être le musée que nous cherchions. Chaque bâtiment qui le compose est en fait un nouveau lieu d’exposition où l’on retrouve par étapes de production une collection d’objets associés au gaz.
Nous dirigeant vers le premier bâtiment, le gardien nous rattrape avec son trousseau de clé. Toutes les dépendances qui constituent la visite n’auront été ouvertes que pour nous cet après-midi-là.
Quelle agréable surprise qu’est la découverte du lieu. On se retrouve alors dans le « décor hallucinant de cheminées, gazomètres, citernes et autre fours de distillation » décrit dans un des guides. En effet, ce musée qui au premier abord semble abandonné cache une histoire intéressante, avec des tentatives pour rendre les choses interactives.
La nuit tombe en même temps que nous progressons. Petit à petit, les ruelles se vident de ses vendeurs ambulants. S’illuminent alors les cheminées d’un rouge éclatant, sensé rappeler leur passé fumant. Cette lumière les rend encore plus imposantes, et leur permettent de se détacher dans le paysage maintenant bien sombre.
Le seul article parlant du Technopolis dans une revue d’architecture évoquait ces éclairages. Dans ce magazine une seule photo avec sa légende mentionnait le Technopolis. On y voit alors l’éclairage bleu d’un des gazomètres, mais les cheminées ne sont pas citées. Dix ans après la parution de cette revue, les gazomètres ont perdu leur couleur bleue la nuit, et ne sont plus éclairés que par les néons blancs et les spots agressifs des entreprises qui en ont fait leurs bureaux. Ces gazomètres sont pourtant décris dans les guides comme des lieux d’exposition, ou de conférence, mais il nous est impossible d’y accéder et de voir l’intérieur des gazomètres, qu’il serait pourtant tellement sympathique de visiter tant leur architecture est particulière. Bien que la structure métallique initiale des gazomètres ait été conservée, deux sont maintenant remplis par un cylindre de béton armé, de placo et de néons blafards. A croire que les restaurations intelligentes ne peuvent se faire que sur les bâtiments qui ont plus de 1 500 ans. Heureusement, le Technopolis a tout de même pu conserver sa place dans Athènes. De plus, sur les trois gazomètres présents sur le site, celui qui donne sur la place principale de Gazi est laissé intact, mais il n’est pas pour autant accessible.
L’unique note de bleue qui apparaît dans le site se trouve sur le bâtiment du café « Gaz à l’eau ». Ce nom français n’est plus étonnant maintenant que nous avons fait la visite. En effet, la plupart des machines utilisées à l’époque de l’exploitation de gaz étaient importées par des français, qui ont apparemment largement contribué au développement du réseau.
Après notre visite, nous sommes entrés dans ce café, atypique par ses canalisations et ses cuves colorées qui traversent l’espace. Comme dans la plupart des cafés athéniens, nous trouvons des tavli (nom grec pour le backgammon) mis à disposition pour faire une partie devant nos bières et chocolats chauds.
Quand nous ressortons une heure plus tard, contraints par les horaires de fermeture du parc, le Technopolis est désert à nouveau. Les derniers vendeurs à la sauvette boivent une ultime bière avant de rentrer chez eux. Nous essayons d’engager la conversation avec l’un d’eux, mais la langue reste une frontière. Ses amis se moquent de ses tentatives en français, et disent qu’ils ne peuvent l’aider que si nous parlons allemand. Des turcs, sûrement.
Nous redécouvrons la place centrale de Gazi, déjà un peu plus active de nuit que de jour. Les bars sont faiblement fréquentés, les restaurants tournent au ralenti. Notre ami ne comprend toujours pas où sont passés tous les fêtards. La rentrée est maintenant bien entamée pour les grecs, le temps est plus froid. La saison estivale est finie pour Gazi.
N.B. : Parole d’athéniens éphémères, le quartier de Gazi revit depuis que les températures sont à la hausse !
Maud Ordener
Voyage du 24 au 31 octobre 2015
Bibliographie :
Cartoville Athènes, Editions Guides Gallimard, 2015
Un grand week-end à Athènes, Editions Hachette Tourisme, 2015
Guide du musée donné lors de la visite
Article Retour sur des réalisations variant l’utilisation de la lumière bleue, in Professional Lighting Design, juillet/août 2005