Récit de voyage

« Les terres péruviennes ont des contrastes riches et variés. Depuis les sols sablonneux du désert à l’exubérante végétation de la jungle, des grandes plaines où paissent les lamas, aux profils cassés des montagnes »

Peru et la civilisation inca, WIESENTHAL M., Barcelone : Geocolor, 1978

Le Pérou, à ce jour le pays plus impressionnant que j’ai vu, par un nombre de paysages tellement différents et inattendus qu’on en reste souvent sans voix.

C’est en ce 7 janvier 2015 que nous sommes arrivés à la gare routière de Cuzco, après 11 heures de trajet. C’est notre huitième jour au Pérou. Nous sommes dans l’obligation d’attendre un taxi, la ville est encore déserte à six heures et la gare routière reste éloignée du centre. Le petit écran plat présent passe déjà en boucle les attentats de Charlie Hebdo. Sans avoir le temps de comprendre ce qui pouvait se passer en France nous nous retrouvons dans ce taxi nous menant à notre auberge de jeunesse. C’est avec une douche froide et une connexion internet par intermittence que nous débutons notre journée.

Dans les Andes Péruviennes, Cuzco se présente comme la ville de la colonisation Espagnole. Le plan des villes Inca est le plus souvent en damier.

Extrait de la page 249, GASPARINI Graziano, Inca architecture, Londres : Indiana University Press, 1980

Cuzco fût la capitale de l’empire Inca, la ville la plus riche. Elle fut un centre religieux, politique, culturel, géographique, économique, militaire et linguistique (avec le quechua).

De nombreuses civilisations ont su, au cours des années, s’adapter à la topographie irrégulière de la cordillère des Andes. La civilisation Inca, civilisation majeure sur cette vaste chaîne de montagnes, est apparue au début du 13ème siècle dans la vallée de Cusco. Durant ces années, la ville de Cusco était composé d’ensemble d’îlots carrés, quasi similaire. Ces îlots carrés était répétés afin de créer le tissu urbain. Le développement linéaire de Cusco a suivi les données topographiques de la vallée du Huatanay tout en gardant son axe principal: l’avenue de la Culture. Cet axe diffuse les différents districts de la ville. Les édifices étaient construits en maçonnerie de pierres taillées et assemblées de “façon parfait”. L’adobe était, quant à lui, utilisé dans la partie supérieure des murs. L’adobe est le materiau principal. Appelé également brique de terre crue moulée puis séchée au soleil, l’adobe est un matériau de construction qui fut très largement utilisé au Pérou. Pour Cusco, ces briques étaient composées de pailles (ou icchus). Nous pensons que ces adobes ont été plié pour être coupées afin d’obtenir les dimensions requises.

C’est en novembre 1533 que sonne la fin de l’Empire Inca avec la prise de Cuzco par Francisco Pizarro (Empire espagnol). Le dernier Empereur des Incas, Atahualpa fût condamnée à mort la même année. Seuls trois espagnols auraient pu admirer la splendeur de Cuzco. Suite à l’incendie allumé par les Incas, afin de protéger leurs richesses des conquêtes hispaniques, les constructions furent en partie détruites. De plus, un tremblement de terre en 1950 a effacé les dernières traces Inca de cette ville de Cuzco. Ville meurtrie, elle fut la cible de destructions réalisées par l’homme (colons) mais également par la nature avec les deux séismes du 20ème siècle (1950 et 1988).

Cette cité est maintenant une ville riche, et est caractérisée par son architecture coloniale. Elle est aujourd’hui une ville qui se nourrit du tourisme, c’est principalement un lieu de passage menant au Machu Picchu. Le passage obligé depuis 1999, date depuis laquelle il nous est « impossible » de se rendre au Machu Picchu par nos propres moyens. Sauf pour les quelques courageux qui suivent la ligne de train et qui se retrouvent sur la ligne avec de part et d’autre des précipices des Andes Péruviennes.

Le temps ne nous a pas permis de participer au trek de quatre jours nous menant à cette vieille montagne. Ce trek est une longue promenade pouvant permettre à ceux qui y participent de découvrir entièrement ces Andes. C’est donc par bus et train que nous sommes arrivées à Aguas Calientes. La deuxième étape afin d’accéder au site Inca.

C’est par une matinée brumeuse que nous sommes réveillés à quatre heures et trente minutes dans notre petite chambre humide de cette ville enfermée par les montagnes. L’entrée au Machu Picchu commence à six heures. En cette saison des pluies, nous avons de la chance, la pluie a cessé.

Machu Picchu

Plan du Machu Picchu

Plan du Machu Picchu, extrait de la page 89, WIESENTHAL M., Peru et la civilisation inca, Barcelone : Geocolor, 1978

Une légende dit « qu’un dieu changea les hommes en pierre afin que les Incas les trainent à coups de fouet, jusqu’au sommet du Machu Picchu. Les ruines de la ville sacrée conservent la magie de tout ce passé ; sa vie s’éteint peu à peu, comme le chant de ces donzelles qui assistèrent au crépuscule des Incas et à la mort des fils du soleil. »

Le Machu Picchu est caractérisé comme une ville fortifiée, une citadelle de la frontière, mais aussi un sanctuaire dédié à la lune. La fonction de ce site reste encore inconnue. Cependant l’endroit inaccessible et l’utilisation de ces pierres taillés peuvent laisser penser à un usage militaire face à la forêt amazonienne et ses tribus. C’est en 1911, et par hasard, que l’Américain Hiran Bingham, explorateur et homme politique, découvre ce site caché par une végétation abondante. Sa découverte est par ailleurs parue dans le National Geographic d’avril 1913.

Machu Picchu

Machu Picchu

Le plan du site est divisé en deux parties l’Hanan (en haut) et le Hurin (en bas) depuis 1961 par Chavez Ballon. L’entrée s’effectue par l’extrémité sud.

Nous sommes dans les premiers à accéder au lieu. Nous montons ces marches Inca sans trop nous en rendre compte. Nous voulons juste atteindre le point le plus haut et voir où nous sommes. La déception a été mon premier ressenti. Nous y sommes, nous surplombons cette montagne. Finalement cette vue ne nous montre pas grand-chose, nous apercevons des ruines, et de la végétation, beaucoup de végétation. Nous décidons de continuer de monter au plus haut. Essoufflés par l’altitude et cette multitude de marches nous arrivons sur un autre lieu. Nous surplombons ce site auparavant appelé Pikchu (vieille) qui est à l’entre-deux des montagnes Machu Picchu et Huayna Picchu. Nous sommes au milieu des montagnes sans issue, le paysage est vert et montagneux mais à perte de vue. Ce sentiment d’un ailleurs et de bien-être nous envahit tous les trois. À nos côtés, trois Japonaises prennent des vidéos en chantant le Machu Picchu chacune leur tour. L’excitation de chaque individu amène une ambiance particulière à l’atmosphère. Cet endroit haut, où nous sommes, Hanan, représente la partie agricole. Cet espace où nous pouvons observer une utilisation intelligente de l’irrégularité du paysage. La gradation de ces espaces en escalier (appelés terrasses) permet une meilleure culture. Les Incas ont également érigé un réseau de canaux et de réservoirs afin d’obtenir un approvisionnement constant en eaux sur tous les champs.

En descendant nous nous retrouvons sur le site des temples Inca avec notamment le temple du soleil. Les structures sont en très bon état. Nous retrouvons le temple des trois fenêtres (officiellement cinq fenêtres sont présentes cependant nous en trouvons deux aveugles), le temple Atar, The Watchtower, le mausoleum, lntiwatana (lieu où l’on s’amarre au soleil) et bien d’autres. Chacun de ces monuments possède des pierres taillées, parfaitement, de sortes à obtenir des pierres totalement jointives sur la façade. Une structure polygonale était également utilisée. Les tensions sont alors mieux réparties, les mouvements diminuent ce qui permet de contrer les futurs séismes. Les méthodes de construction polygonale Inca en joint parfait restent encore un mystère.

Le temple des trois fenêtres

Habitation en joints parfaits

Ce jour-là le temps a joué un rôle important, la brume présente en début de journée a accentué cette apparence mystérieuse autour de ce site. Cette brume a laissé place au soleil au cours de notre journée.

Le village situé en contrebas accueillait environ deux cents habitants, pour une population qui devait atteindre le millier. Nous retrouvons deux structures différentes, les pierres taillées et l’adobe. Les maisons composées d’adobe sont en partie détruites notamment à cause de la pluie. Les maisons de pierre laissent apparaître leurs murs et pignons. Des piliers de bois étaient utilisés afin de soutenir le faitage et la structure du toit. Des chevilles cylindriques en pierre, situées à l’extérieur du pignon et suivant la pente du toit, était également utilisée pour attacher et sécuriser celui-ci.

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Une visite guidée en espagnol était par la suite prévue. Malheureusement la visite ne s’avère pas plus intéressante. Celle en anglais juste devant nous a l’air plus passionnante, peut-être aussi la cause d’un accent espagnol encore inconnu jusque-là. Aux alentours d’onze heures et demie nous décidions de descendre. 1700 marches irrégulières nous attendaient. Nous avons dû mettre entre une demi-heure et une heure à descendre cette montagne afin de rejoindre le fleuve d’Urubamba. Une pause s’impose dans ces moments. Nos jambes tremblent. Nos respirations sont saccadées. Heureusement il nous reste un peu d’eau. Nous apercevons le pont qui nous ramène à la ville d’Aguas Calientes. La puissance de la rivière d’Urubamba nous laisse appréhender la traversée du pont.

Les eaux thermales de la ville ont permis à nos corps de se reposer avant de repartir le lendemain matin vers le lac Titicaca.

Lac Titicaca

Changement de lieu, changement de paysage, nous arrivons à Puno. Une petite ville de 100.168 habitants aux habitations en parpaings brute. Nous nous perdons dans ses ruelles, dans ses restes de marchés, nous nous mélangeons aux chiens errants qui cherchent leur chemin le long d’une zone non aménagée près du lac. Des enfants jouent au foot. Nous organisons un tour pour aller sur les îles du Lac. Malheureusement pour nous, il est de nos jours compliqués d’y aller par nous-mêmes.

Le lac est situé à 3812m d’altitude. Titikaka signifie Puma gris, le lien s’effectue avec la forme du lac. Il est divisé en deux parties par la frontière péruvienne/bolivienne. D’après les Incas ce serait de ce lac que serait sorti le premier Inca. Nous avons eu l’occasion de marcher sur trois iles du Pérou et une Bolivienne.

Deux jeunes filles Aymaras

Deux jeunes filles Aymaras

Nous nous sommes tout d’abord retrouvés sur l’île d’Uros. Une des îles flottantes encore existante, elle est construite à base de roseaux flottants. Les habitants qui l’occupent sont aujourd’hui des Aymaras. Ils continuent d’y habiter en y faisant fonctionner le tourisme, leur gagne-pain.

Le deuxième arrêt s’est effectué sur l’île d’Amantani. Cette île est composée de deux pics, le Pachatata (la « terre de père ») et le Pachamama (la « terre mère »). Notre arrêt fut trop court pour atteindre ces deux sommets. Nous nous sommes donc séparés en deux groupes et sommes partis en direction de la terre mère. Ce pic paraissait plus proche, étant en haute altitude, la pression est basse, nous avions donc plus de mal à respirer. Cette promenade nous a laissé admirer les terres agricoles en terrasses de l’île. C’est seulement en haut de la dernière côte que nous avons pu admirer tranquillement cette vue sur le Pérou et le lac Titicaca.

Île d’Amantani – janvier 2015

Île d’Amantani – janvier 2015

En fin d’après-midi nous nous sommes rendus sur la dernière île de ce voyage péruvien. Par groupes de six nous avons été logés chez l’habitant. Entre Argentins, colombiens et français notre groupe a su se rapprocher de cette famille très accueillante. Les habitants de Taquile mangent seulement ce qu’ils produisent sur l’île.

Vue intérieure d'une chambre | Île de Taquile

Vue intérieure d’une chambre | Île de Taquile

Les maisons du village ne dépassent pas deux étages. L’adobe est ici encore le matériau principal, un toit en tôle ondulée finit chaque maison. Les portes sont adaptées à la morphologie des péruviens, elles atteignent le mètre soixante au maximum. Le toit de tôle dépasse les murs pour se situer à hauteur de nos yeux (un mètre soixante dix). La cour centrale permet un accès direct vers chaque pièce de la maison. Nous retrouvons une cuisine/salle à manger d’un côté de la cour, les toilettes de l’autre ainsi qu’un accès à une chambre. La salle de bain est, quant à elle, située dans la cour le long du mur extérieur de la cuisine, elle est caractérisée par la présence d’une bassine à même le sol. Au-dessus de cette chambre se trouve un étage composé de deux chambres dont la notre. Une échelle de meunier nous permet d’y accéder. À l’intérieur de la chambre l’adobe est peint en bleu. Une bâche de la même couleur vient créer un plafond. Des draps cachent les deux petites fenêtre. L’espace est remplie de dessins, de sculptures et de draps cousus à la main par la « madre de la casa ».

La Señorita située au centre nous a abrité pour la nuit

La Señorita située au centre nous a abrité pour la nuit

Le soir même nous avons eu l’opportunité d’assister à une soirée typiquement péruvienne très touristique. Cette soirée a également été l’occasion pour nous tous de discuter avec la population locale ainsi qu’avec les autres voyageurs, sur leur parcours, leurs intentions de voyages.

Ce système de tourisme est une pratique propre à l’île qui gère par ce système d’afflux des touristes tout en conservant leur vie traditionnelle. Ils y gardent en quelque sorte une authenticité.

Le lendemain était pour nous l’occasion de visiter cette île qui servit de prison lors de la colonisation espagnole.

Île de Taquile

Île de Taquile

Dans l’après-midi nous nous sommes arrêtés dans un commerce de l’île, afin de prendre un muña pour certains et du coca pour d’autres (plantes locales permettant de lutter contre le mal de crâne et l’altitude).

Le retour à Puno se fit lentement sur les eaux du lac Titicaca.

Emma Bourdon

Extrait de voyage du 07/01/15 au 15/01/15

Bibliographie :

-GASPARINI Graziano, Inca architecture, Londres : Indiana University Press, 1980, 350 p.

-WIESENTHAL M., Peru et la civilisation inca, Barcelone : Geocolor, 1978, 95p.

-SCHWARZ Fernand, Traditions (Les) de l’Amérique ancienne : mythes et symboles : Olmèques, Chavin, Mayas, Aztèques, Incas… , St Jean de Braye : Dangles, 1982, 296 p.

-MADJER Karim, Le mystère des murs incas, Sweet Random Science, 2015, http://sweetrandomscience.blogspot.fr/2015/05/le-mystere-des-murs-incas.html