A 650 kilomètres au Sud-Est de Téhéran s’étend le Dasht-e-Kavir, le plus grand désert du plateau iranien, couvert de sel, de sable et de montagnes rocailleuses. Dans cette étendue immense d’environ 77 000 km², parmi les petites villes et villages qui parviennent à subsister dans cet environnement hostile, se trouve Garmeh.
Du choix de l’implantation des villes à l’organisation interne des habitats, chaque dispositifs mis en œuvre dans l’architecture persane est lié aux contraintes climatiques.

Garmeh, souvent appelée «la silencieuse», est une oasis abritant quelques 200 habitants, une centaine de moutons, et douze dromadaires. Nichée au pied d’une barre rocheuse, dans laquelle elle trouve sa source, Garmeh est composée de maisons en terre crue formant un agglomérat compact traversé de multiples ruelles tortueuses. On y trouve une école maternelle et primaire, une mosquée, une épicerie et une Guest House. Entre le village et la barre rocheuse, les habitants cultivent des palmiers afin de récolter les dattes, aliments  très apprécié des perses.
La route qui longe l’oasis a été goudronné récemment, on peut cependant toujours imaginer ce qu’a pu être Garmeh il y a cinquante, cent ou trois cents ans, lorsque sa fonction était toujours d’accueillir les caravanes de marchands.

Vue en surplomb de l’oasis

Vue en surplomb de l’oasis

D’après Ateshooni, gérant de la seule auberge du village, Garmeh ressemble de plus en plus à une ville fantôme. Les jeunes partent vers les villes, où ils peuvent étudier et travailler. En ouvrant son auberge, Ateshooni espère redonner à Garmeh son âme d’antan, lorsque les voyageurs et marchands du monde entier s’y arrêtaient pour se reposer et échanger.

L’architecture traditionnelle iranienne emploie la terre crue sous différents types de mises en œuvre depuis plusieurs millénaires. La citadelle de Bam, au Sud-Est du pays en est un exemple important. Probablement construite il y a 2500 ans et considérée comme une des plus vieille ville du monde, elle fut pendant longtemps un symbole de richesse des civilisations d’Iran. Partiellement détruite par un puissant séisme en 2003, la citadelle de Bam est aujourd’hui en restauration.

Si l’imposante citadelle de Bam fut construite en pisé, un mélange de terre et de paille tassé entre des banches, la plupart des bâtiments de Garmeh sont en adobe, des briques de terre crue séchées au soleil.
Construire en terre crue a longtemps été une solution logique pour les habitants des régions désertiques. Les forêts sont trop éloignées, en bordure de la mer Caspienne et dans le Caucase au Nord, ou dans le Kashmir Pakistanais à l’Est. Le travail de la pierre est long et difficile. La terre est donc une alternative intéressante au vu de sa profusion, de sa facilité de mise en œuvre et de ses qualités thermiques.
Elle est prélevée et préparée sur place. On ne peut pas construire avec n’importe quel type de terre. Les différents types de mise en œuvre requièrent des taux d’humidité et d’argile différents. L’état de la terre doit être plastique, c’est à dire mélangée avec de l’eau.
On remplit ensuite des moules rectangulaires avec ce mélange terre-eau afin de former des briques régulières qui vont ensuite sécher au soleil plusieurs jours. Enfin, l’assemblage est simple et un mortier de terre consolide le tout.

On peut ensuite recouvrir les murs d’un enduit de terre pour s’assurer d’une étanchéité totale ou simplement pour des raisons esthétiques. En effet, ces enduits peuvent être mélangés à des pigments de couleurs. Une fois l’enduit posé il est aussi possible d’y ajouter des motifs décoratifs, ces ajouts sont bien sûr symboles de richesse. On trouve une quinzaine de maisons remarquables très bien conservées dans la ville de Kashan, à quelques heures au Sud de Téhéran.

Exemple d’une demeure remarquable de Kashan

Exemple d’une demeure remarquable de Kashan

S’il est facile de monter un mur en brique de terre crue, il est en revanche plus compliqué de construire des étages ou simplement un toit.
Pour cela deux techniques sont recensées en Iran : la voûte et l’arche. Dans les deux cas, le résultat se traduit par un toit ponctué de petits dômes, leurs portées étant limitées.
Les toits sont pour la plupart accessibles, une caractéristique pratique pour l’entretenir. En tant que touristes, ce deuxième niveau de la ville apparait comme un terrain de jeu. Les ruelles souvent couvertes, abritant par exemple les bazars, permettent un cheminement continu sur les bâtiments. Ce dispositif servait autrefois à se protéger des tempêtes de sables ou des températures hivernales, qui peuvent descendre, la nuit tombée, en dessous de zéro.

La majorité des maisons persanes sont organisées autour d’une cour centrale, à un un niveau plus bas que celui de la rue afin de minimiser les échanges d’air entre les deux espaces. Ces cours sont souvent agrémentées d’un bassin, lequel a pour fonction de rafraîchir l’air, à la fois dans la cour et dans la maison. En effet, beaucoup de maison n’ont pas d’ouverture vers l’extérieur. Celles-ci se donneront plus souvent sur la cour , exception faite pour la porte d’entrée, séparée de la cour par un vestibule où les invités était priés d’attendre avant d’être reçu, et dans certain cas par un long couloir.
On accède depuis la cour aux différentes pièces de vie. Dans le cas des demeures de riches marchands, on peut trouver une organisation par aile. En été, les habitants vivront principalement dans l’aile la moins exposée au soleil, et en hiver, dans celle qui sera la plus chauffée. La plupart d’entre elle disposerons aussi d’une tour du vent. Un système d’appel d’air favorisant la sortie de l’air chaud par un point haut.
La classe plus modeste n’aura qu’un espace de vie. Celui-ci sera souvent multifonction. Il est normal de dormir et manger dans la même pièce, avec toute la famille. Cela se fait souvent sur de grands tapis, connus pour leurs qualités dans le monde entier.

 

– Vincent BAISNEE –

Voyage effectué en 2014-2015, séjour en Iran en Janvier 2015

Bibliographie :

Ali Bakhshi (2008) Dynamic characteristics of rural houses in Iran using ambient vibration measurements [Article]

Ikuo Towhata (2008) Geotechnical earthquake engineering