Cinq semaines après l’ouverture du Rolex Learning Center, l’agence d’architecture SANAA recevait le Pritzker Prize 2010.

Lors de mon stage réalisé à Genève de septembre 2014 à août 2015, le Rolex Learning Center fut l’une des visites incontournables. Je vais tenter de vous présenter le projet des architectes Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa et d’en proposer une analyse singulière. Dans un premier temps, j’exposerai le contexte de la demande d’un tel projet au sein du campus de l’EPFL. Puis le retour sur ma visite apportera une critique, ou du moins, un autre regard sur le projet gagnant de SANAA.

Le campus de l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne) ne se situe étrangement pas sur la commune de Lausanne mais bien à Ecublens, commune située dans le district ouest lausannois. Réunissant plus de 13 000 étudiants et collaborateurs (chercheurs, professeurs, doctorants…) répartis dans 5 facultés, 2 collèges, 26 instituts et 350 laboratoires. Cette dernière se classe actuellement parmi les meilleures Ecoles Supérieures Techniques du monde. Afin de répondre aux exigences d’un tel prestige, l’entité complète doit sans cesse (ré)interroger le rapport entre l’enseignement et la recherche scientifique d’une part, et son environnement construit d’autre part.

photo Alain Herzog – EPFL


UN CONTEXTE, UN CONCOURS, UN GAGNANT.

Depuis ses débuts en 1972, le campus est en construction. Dans le passé de l’EPFL, deux événements ont permis les transformations ayant lieu à l’heure actuelle. Premièrement, la Confédération helvétique a procédé, au tournant du siècle, à une réorganisation de la gestion immobilière dans le domaine des écoles polytechniques fédérales – qui sont au nombre de deux, l’ETH de Zurich est la seconde. Autrement dit, elles peuvent désormais faire appel aux investisseurs privés afin d’augmenter leur enveloppe budgétaire pour tous leurs travaux internes. C’est dans ce cadre d’opportunités nouvelles qu’en 2004, la direction de l’EPFL décide de lancer le projet Campus 2010 pour mettre à jour l’infrastructure de son site à Ecublens. En effet, le neurologue Patrick Aebischer, président de l’EPFL depuis 2000, avait affirmé dès le début, son ambition d’inscrire le campus parmi les meilleures institutions de formation et de recherche du monde. La mission principale du projet se résume donc à rendre le campus plus attractif au niveau du cadre de travail qu’il offre à sa communauté académique. Concrètement, seront construits un centre des congrès, des logements étudiants, un hôtel et une bibliothèque multifonctionnelle, baptisée Rolex Learning Center.

Cette dernière est mise en valeur en tant que construction phare du projet Campus 2010 et de l’EPFL en général. Elle représente par conséquent le projet le plus emblématique de la vision que le président et la direction ont du futur développement de leur école. Le projet est censé devenir le centre d’accueil et le véritable cœur du campus d’Ecublens.  Ainsi, ses promoteurs espèrent que ce projet architectural et urbanistique confère à l’EPFL une meilleure visibilité, une « image de marque » forte et reconnue à l’échelle mondiale.  Il est intéressant de préciser que les modalités prévoyaient une indemnité de 100 000 francs suisses pour les 12 retenus, récompense financière inhabituelle et attractive. Les clients ont ainsi attiré un grand nombre d’architectes (189 dossiers de candidatures), et reçu des propositions à l’image de leurs volontés et ambitions. Cela explique notamment pourquoi en 2004, parmi les 12 bureaux sélectionnés au deuxième tour du concours, on peut retrouver des noms tels que: Scofidio & Renfro, Jean Nouvel, OMA, Herzog et de Meuron, Zaha Hadid, et bien-sûr, SANAA.

J’ai trouvé intéressant de montrer ici, ce qu’aurait pu être l’image du Rolex Learning Center si la décision du jury avait été autre. Voici donc les différentes images de concours produites par les stararchitectes citées au dessus:

mosaique

On peut voir ainsi qu’au regard de toutes les autres propositions, SANAA emprunte, au niveau urbanistique et formel, une tout autre stratégie: contrairement aux autres, Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa décident de ne proposer aucun panorama en hauteur sur le lac. En effet, par un projet bas, très calme et sur un seul étage, ils imaginaient créer, dans une zone verte, le nouveau centre de gravité du campus. Le choix d’horizontalité, c’est aussi l’idée de permettre à tous les usagers de se rencontrer. Cela montre une forte volonté également à multiplier les vues sur le paysage alentour et à renforcer par ce biais la perméabilité entre les différentes entités que sont le bâtiment, la ville, le campus et la nature.

« L’intelligence du projet est de comprendre que ça ne sert à rien de faire la compétition. Mais qu’en étant le plus bas, en inversant complètement cette vision occidentale, tout d’un coup il devenait singulier. » (Della Casa, 23 décembre 2009)

Je confirme que sur les documents du rendu de concours, on peut remarquer la simplicité du projet et des moyens par lesquels celui-ci a été présenté. Toutes blanches, la maquette et les images de synthèse donnent l’impression d’un bâtiment très léger, d’autant plus lorsqu’on les compare à celles des autres projets.
De plus,  point également mis en avant par le comité d’experts, le projet serait celui qui répondait au mieux aux exigences de financement public/privé:

 » Les douze stars qui ont concouru ont très bien travaillé, mais je pense qu’il y a onze mauvais résultats et un qui est vraiment nettement au-dessus des autres. Mais les onze résultats étaient presque une démonstration à quel point la situation était difficile et que, a priori, le problème était insoluble.  » (Della Casa, 23 décembre 2009)

Ainsi, la construction débuta en août 2007. Elle fut supervisée par l’équipe de Botta Management Group AG. Les travaux se terminèrent deux ans et demi plus tard. Le bâtiment était déjà ouvert au public lorsqu’eut lieu l’inauguration officielle le 27 mai 2010.

Le bureau gagnant, fondé par Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa en 1995, est aujourd’hui bien connu. Le Rolex Learning Center participe bien entendu à leur reconnaissance. Il est représentatif du travail de leur agence commune SANAA avec les jeux de transparence, l’utilisation du verre et du béton et avec une importance apportée au rapport au contexte et à l’environnement; comme vous pouvez le constater sur d’autres projets en photo ci-après: la construction pour Christian Dior à Tokyo (2001-2003) [images 1], le New Museum of Contemporary Arts à New York (2000-2007) [image 2], le musée Louvre de Lens (2009-2012). [image 3]

[images google]

Le Rolex Learning Center est également l’un des projets architecturaux les plus emblématiques de la production du début de ce siècle. Il impressionne notamment par ses dimensions qui relèvent d’un grand défi technique dans leur réalisation et conception. La RTS (média principal de Suisse) résume le projet par quelques chiffres disponibles sur leur site, que je trouve révélateurs:

– le site couvre 88’000 m2. Le bâtiment occupe 20’200 m2 pour une surface de sol de 37’000 m2 (parking en sous-sol).

– les deux coques qui composent le sol du bâtiment comportent 11 arcs sous-tendus de 30 à 90 mètres de long, fixés par 70 câbles souterrains. 1400 moules différents ont été nécessaires pour suivre la géométrie des coques

– le coulage du béton s’est fait en deux étapes : au printemps 2009, la petite coque de 800 m3 puis, en juillet, la grande de 4300 m3. Cette étape a nécessité un ballet incessant de bétonneuses et d’ouvriers pendant 48 heures non-stop

– les façades de verre représentent 4800 m2. Les double vitrages ont plus de 4 cm d’épaisseur. Il y a 14 formes de vitres différentes

– l’isolation au toit affiche une épaisseur de 20 cm, celle du sol fait 35 cm

– la bibliothèque multimédia offre 500 000 volumes, surtout scientifiques, dont 50 000 en libre accès. A cela s’ajoutent 10 000 revues scientifiques en ligne et 17 000 livres numérisés, ainsi qu’un système de prêt et de recherches bibliographiques de pointe

– côté restauration, les usagers ont le choix entre un cyber café de 53 places, un self-service de 128 places et un restaurant de 80 places, sans compter les terrasses extérieures

– 860 places de travail sont à disposition des étudiants. Les usagers peuvent encore profiter d’une librairie dotée d’une banquette de lecture originale, d’une agence bancaire futuriste et de divers services de conseil

– 110 millions de francs suisses pour le projet; 50 furent financés par les sponsors, sept grandes entreprises suisses (Rolex, Crédit suisse, Novartis, Logitech, Nestlé, Losinger, SICPA) et 60 par la Confédération.

Alain Herzog – EPFL

MA VISITE.

Une table ronde réunissant Tom Emerson (architecte, professeur à l’ETH-Zurich), Marco Bakker (architecte, professeur à l’EPFL), Jo Taillieu (architecte, professeur à l’ EPFL) est organisée le lundi 9 mars 2015 dans la project room du bâtiment SG de la section Environnement Naturel, Architectural et Construit  (ENAC). Madame Lamunière, qui dirige le bureau dans lequel je réalise mon stage, a accepté de me laisser mon après midi. La conférence étant programmée à 18h30, cela me laisse le temps d’aller visiter le campus et plus particulièrement, le Rolex Learning Center.

transport
Le trajet est direct depuis l’arrêt de métro Lausanne-Flon, situé en bas de mon appartement. Pour les lecteurs intéressés, l’EPFL se trouve dans la zone 12 et donc, dans le Grand Lausanne, le prix du ticket de métro reste le même depuis le centre (3,60 CHF ou tout de même 2,40 CHF avec le demi tarif pour un trajet).

Capture d’écran 2015-11-16 à 16.14.50
Une dizaine de minutes plus tard, je mets le pied dans la sphère de la fameuse Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. En débarquant sur les quais extérieurs, on se retrouve directement confronté à une architecture moderne et monumentale: un gigantesque prisme avec  un porte-à-faux et une façade vitrée impressionnants posé à côté d’une barre colorée de logements étudiants me fait face. Un intérêt certain vis-à-vis de l’architecture grandit dès les premières secondes d’observation. Mais le but de ma visite n’est pas là. Je maintiens mon excitation et me laisse entraîner par le flux des quelques personnes sorties du wagon en même temps que moi, vers un passage souterrain.

Allée centrale du campus à la sortie du passage sous les rails

Ayant quittée la lumière artificielle, je marche alors au milieu d’une grand artère piétonne bordée par deux bâtiments classiques et bien plus modestes dans leur langage architectural que de l’autre côté des voies. Je passe devant le bâtiment Archizoom où se déroulera la  conférence, et continue jusqu’à la place centrale indiquée par des écriteaux sur les murs.

Plus besoin de panneau signalétique, j’aperçois le Rolex Learning Center simplement posé au milieu de ce vaste « terrain vague » inoccupé. Pas besoin non plus de surplomber la plaine, le niveau du sol est déjà captivant et permet d’admirer au second plan la beauté naturelle et majestueuse des montagnes.
Je m’approche du bâtiment. Plusieurs escaliers extérieurs disposés le long de la façade donnent sur des portes, cependant, par leur dimension et le non signalement, je ne m’y aventure pas. Ce ne sont certainement pas les portes d’entrée. Encore une fois, je tente une approche par mimétisme: j’aperçois quelqu’un qui se glisse sous les ondulations de la dalle. Je le suis discrètement…

Vue depuis la place centrale du campus

 

Sous les dalles…

Le coeur de la structure est, malgré tout, attractif avec le traitement du sol notamment. Les quelques tables et chaises colorées (petite pensée  à  l’ENSAN que j’ai quittée il y a deux ans!) ainsi que des portes vélos presque complets invitent également le visiteur à « entrer » et tentent de convaincre d’une vie interne conviviale et d’échanges – ce qui semble en totale contradiction avec le terrain vide sur lequel est construit le bâtiment est construit. Mais c’est surtout la lumière naturelle passant au travers des contours intérieurs du bâtiment qui appelle le visiteur à entrer.

Une des entrées principales

Ces patios sont la caractéristique principale du projet, ce qui lui vaut d’ailleurs le surnom de tranche de fromage. Rien n’est brutal, pas d’angle. Le passage de l’ombre à la clarté et flou, fluide. Je rentre réellement dans le bâtiment par une rampe disposée sous une marquise.

Plan rdc du bâtiment

Dedans ? L’immaculée conception. Tout est blanc. Courbe. Propre. Moelleux. Fluide. Fini… et infiniment calme. Pas d’échos… La moquette amortit le bruit des pas. Quant au son des voix, il ne se répand pas. Seul, de temps à autre, le roulement mécanique des chariots à livres ronronne au loin. Quelques bulles aux parois transparentes, parfois translucides puis opalescentes, ponctuent l’espace.

 

Les « bulles » de travail

Je continue ma promenade en tentant de ne pas déranger. Je déambule en grimpant et descendant les collines sans destination précise, pas de signalétique, zéro mur. Seuls quelques poteaux au diamètre réduit sont la preuve de la non-lévitation de ces coques de béton. Isolées ou groupées en fonction des zones, des tables rondes et rectangulaires sont disséminées çà et là, définissant ainsi des espaces de travail ou de détente. Leurs dimensions sont généreuses. Peu de chance de cogner le pied de chaise de votre voisin. Les personnes se croisent… de loin. Un rayon de soleil éclaire un amas de coussins inoccupés en haut d’une colline. C’est à ce moment là que ma vision sur le bâtiment n’est plus une analyse architecturale mais véritablement expérimentale. La volonté des architectes de créer un véritable paysage est bel et bien transmise.

Espace en pente

Ma détente fut de courte durée, cassée par le bruit du plastique de ma bouteille d’eau, échappée de mon sac, et dévalant la totalité du dénivelé de cette colline devenue montagne. La moquette m’a paru alors n’absorber aucun bruit… Gênée et sous le regard d’un groupe d’étudiants, je pars m’abriter derrière une structure en contrebas qui semble éphémère. Une librairie qui, après réflexion, ne sera certainement jamais déplacée. Le nombre de livres sur l’architecture et les arts est bien entendu impressionnant. J’y jette un coup d’oeil « rapide » avant de me rendre compte que la conférence ne devrait pas tarder. Je me dirige vers la sortie que je retrouve, à mon grand étonnement, rapidement.

Me sentant tout de suite plus à l’aise, je décide, malgré le temps, de jeter un coup d’oeil à l’extérieur du bâtiment avant de retourner vers le bâtiment d’architecture pour la table ronde. Les détails de la façade sont très beaux. La complexité constructive n’y est en aucun cas dévoilée, au contraire! Tous les détails techniques du bâtiment sont cachés dans les finis intérieurs. Les dalles inférieure et supérieure ne sont ni trop épaisses ni trop fines, compromis entre inertie et légèreté. Le cadre du verre est enfoui dans la structure dans un alignement parfait à celui du mur extérieur. Les menuiseries sont très épurées mettant en valeur la surface vitrée. C’est leur assemblage qui donne l’effet de grande légèreté et de transparence à tout le bâtiment. Pas de gouttière apparente évidemment. En effet, dans la même optique, le système d’évacuation des eaux est camouflé dans la structure du toit. Pas de grille de ventilation apparente non plus. J’en déduis que celle-ci doit être essentiellement naturelle.

Détails des menuiseries extérieures

Les seuls détails qui auraient pu porter atteinte au minimalisme architectural selon moi, sont les éléments visiblement ajoutés à la suite de la conception : les stores extérieurs (et la marquise de l’entrée). J’y retrouve ici l’importance que donnent les Suisses aux dispositifs d’occultation dans le contexte d’économie d’énergie et de passivité des bâtiments. Il faut tout de même noter le soin « helvétique » qui a été porté dans la réalisation soignée et homogène. Les câbles fins servant de guide pour les stores sont disposés de façon répétitive et très systématique n’altérant pas l’esthétique des surfaces vitrées. Les coffres abritant ces protections solaires, invisibles depuis l’intérieur, dessinent de façon continue les contours des fenêtres, et sont revêtus du même matériau que les menuiseries et la dalle supérieure.

Bien que les concepteurs soient d’origine japonaise, je retrouve dans cette façade la simplicité seulement apparente que j’apprécie régulièrement dans les projets suisses. Sujet sur lequel les 3 professionnels que j’admire s’apprêtaient à débattre…

coupe

Coupe longitudinale et de détail

Je l’ai bien compris, derrière les intentions architecturales, il y a certainement celle de révéler le sens et le paysage du site. La création d’un espace qui est perceptible par plusieurs sens. Où l’on peut choisir sa vue, sur le lac Léman ou sur le campus, ou même encore, sur le paysage intérieur. On peut gravir les pentes, glisser le long des vallons. Le regard peut traverser le bâtiment mettant en relation le proche et le lointain. L’expérience nouvelle proposée est celle d’une promenade ludique ou méditative avec une sensation de lumière et de fluidité:

«Si vous vous trouvez au sommet de la colline, vous ne verrez peut-être pas la colline suivante, mais vous entendrez des voix à peine perceptibles. Vous ne serez peut-être pas capable de voir l’autre endroit, mais votre corps sentira une certaine connexion. Contrairement à l’espace traditionnel d’une pièce fermée, de nouvelles relations vont voir le jour, et nous espérons que cela entraînera un nouveau type d’expérience architecturale.» (Vettoruzzo, 2013)

La déambulation causée par l’ondulation n’est pas hiérarchisée: aucun espace n’est d’une amplitude plus grande que l’autre. L’usager est invité à faire une promenade dans le savoir, une promenade qui, comme j’ai pu en prendre conscience personnellement, n’a rien d’un parcours bien défini ou d’une trajectoire. SANAA imagine plutôt une flânerie qui révèle son époque, qu’on peut choisir d’utiliser ou d’éviter. Les architectes invitent à libérer l’esprit et élargir la conscience dans un lieu où la pensée flotterait.

Les qualités spatiales crées par une architecture sobre et paysagère m’ont particulièrement marquées. L’incitation manifeste à une expérimentation/appropriation inhabituelle et personnelle du mobilier et de l’architecture en elle-même m’a semblé également très intéressante: les tables et les poufs sont transportables par exemple. Le bâtiment répond parfaitement aux volontés durables d’un programme telle qu’une bibliothèque universitaire qui est amenée très certainement à évoluer avec le temps et les technologies.

De plus, la beauté du lieu fait l’unanimité chez les usagers :

«Je l’aime pour ce qu’il suscite chez moi ou chez tous les gens qui le parcourent. C’est un bâtiment à vivre,   expérimenter.» (Patrick Aebischer, directeur de l’EPFL)

Cependant, cette application à primer l’expérience en rendant le visible invisible n’est pas forcément positive et tend à abandonner le visiteur qui se retrouve perdu dans ce paysage nouveau et inhabituel. Le manque d’éléments signalétiques, par exemple, m’a déstabilisé plus que n’a stimulé ma déambulation; ou bien, l’environnement blanc immaculé qui renvoie au sérieux et à la rigueur des études, ne fait qu’accentuer le vide des espaces qui semblent alors emphatiques. En s’affranchissant de certaines règles, les architectes ont peut être surestimé ou devancé l’autonomie d’un visiteur non-aguerri. De plus, j’émets quelques doutes quant à la malléabilité des espaces en pentes qui, pour moi, peuvent être considérés comme inutiles, pourtant ce sont bien eux qui mettent en scène la beauté de l’environnement créé.

satellite

[capture écran: image ©2016 google données cartographiques]

Le Rolex Learning Center, par son programme et son architecture, est unanimement attractif et amplifie l’image de grandeur de l’EPFL. Mais étant totalement étrangère au campus, je n’ai pas forcément trouvé que le bâtiment représentait son seul et unique centre de gravité. Il se trouve d’ailleurs à l’opposé de l’arrêt de métro et pas du tout au centre géographique du lieu.

Mais, comme expliqué en première partie, les responsables de l’EPFL continuent de façonner l’image du campus au travers des infrastructures renouvelées et récemment construites. L’image satellite datant de novembre 2015 montre de nouveau travaux à l’ouest du Rolex Learning Center – chantier se trouvant d’ailleurs sur l’aménagement extérieur travaillé par SANAA.

« Une passerelle de plus est jetée entre sciences et culture. Un nouveau bâtiment, conçu par les bureaux d’architecture Kengo Kuma & associés (Tokyo) et Holzer Kobler Architekturen (Zurich), s’étirera tout en longueur sur la Place Cosandey » (site de l’EPFL, 2015).

En effet, la place Cosandey, citée plus haut comme un terrain vague, est sur le point de devenir le réel centre du campus entouré de trois emblèmes architecturaux: le bâtiment de mécanique (ME), le Rolex Learning Center et, d’ici novembre 2016, Under One Roof. Ce dernier représente, le tout nouvel enjeu médiatique de l’école. Kengo Kuma et le bureau Holzer Kobler viennent de remporter le concours lancé en 2011 pour la construction de trois pavillons réunis par les gagnants sous le toit du projet (260m de long): Le Datasquare, l’Espace Muséal et le Montreux Jazz Café.

Mon prochain voyage en Suisse ne saurait tarder…

PS: Les apports financiers énoncés dans ce compte rendu de visite n’est pas tout à fait un acte anodin. J’aurais pu ne pas en rendre compte ici. Mais peut-être qu’en raison de ma naïveté due à mon âge et mon peu d’expérience, ou bien ma nature provocatrice française (selon une collègue) ainsi qu’un an passé dans un paradis fiscal, j’ai voulu montrer l’exclusivité portée sur les intérêts financiers et le simulacre (parfois vrai tout de même!) d’une exclusivité technologique et scientifique dans la communication des grands projets suisses…
C’est par exemple dommage, que la seule communication officielle du projet Under the Roof de Kengo Kuma, comme celle pour le bâtiment de SANAA, passe par un communiqué de presse relatant les qualités d’innovation et la faculté à lier des liens étroits avec l’économie privée au lieu de mettre en valeur les nouveaux projets pour leurs qualités architecturales. Peut-être, que pour une école polytechnique dans laquelle la section architecture (ENAC) tient une place de choix, les enjeux didactiques et qualitatifs d’un tel concours d’architecture pourraient être autrement mis à profit. 

Marine Mallédan – marine.malledan@gmail.com

date de visite:  09/03/2015

sitographie:
– http://information.epfl.ch/introduction
– http://mediatheque.epfl.ch
– http://www.rts.ch/info/sciences-tech/1084482-l-epfl-inaugure-son-learning center-du-futur.html
– http://www.rtsentreprise.ch
– http://actu.epfl.ch/news/un-pavillon-experimental-pour-marier-la-culture-et/
– http://www.wbw.ch/fr/revue/articles/textes-originale/2013-1-2-un-pavillon-de-260-metres-de-long.html

bibliographie:
– Della Casa, Francesco. Rolex Learning Center. Lausanne: Presses poly- techniques et universitaires romandes. 2010.
– Della Casa, Francesco et Perret, Jacques. Rolex Learning Centre Guide. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, Lausanne. 2012.
– Della Casa, F. 2004 : Learning Center EPFL. Tracés 24. 5-16.
– Indenburg, Florian. The SANAA Studios 2006-2008: Learning from Japan: Single Story Urbanism. Lars Müller Publishers, Baden, Suisse. 2010.
– Schreier, Mathias. Mémoire de Licence sous la direction du Professeur Ola Söderström: Learning: Center EPFL: Construire l’avenir d’une institution de formation et de recherche scientifique Université de Neuchâtel, Institut de géographie. 2010.
-Vetturozzo, Cécile. Mémoire d’étude, sous la direction de Michel Melot : Le Learning centre de Lausanne: Prototype de la Bibliothèque du Futur? Université de Lyon, France. 2013.

filmographie:
–  Maillard, Pierre. Paysage intérieur. 2010