PROJETS À GRANDE VITESSE AU BORD DU CANAL
« Tour & Taxi ». Le nom résonne depuis le début de la matinée. Arrivé près du site, on s’interroge, on s’imagine. Deux heures déjà que l’on déambule au grès des ruelles et des placettes, à l’affut du moindre point de tranquillité. L’affluence d’un jour de marché ne présage en rien de ce que nous allons voir aujourd’hui. Mais que peut bien signifier cette appellation étrange ? A t-on réellement érigé une tour dans le centre bruxellois pour y entasser l’ensemble des taxis de la ville ? Ou bien serait-ce un gigantesque parc d’attraction urbain à la dénomination délirante ? On aurait surement du se renseigner en amont. Fort heureusement, nos guides du jour ne tardent à venir à la rencontre de notre groupe, finalement attablé à une terrasse bordant le boulevard Leopold II. Le trafic est relégué au second plan face à la vue imprenable vers la basilique du Sacré-coeur qui s’offre à nous. Gabriel et Tiphaine, deux étudiants de l’ENSA Nantes en mobilité à l’Université de la Cambre sont venus nous exposer le travail qu’ils mènent depuis le début du semestre sur ce fameux site de Tour & Taxi, qu’ils décrivent comme le nouveau centre d’intérêt des inventeurs de la ville. Pour nous donner une première appréhension du site, ils nous emmènent hors de notre halte vers une modeste esplanade, faisant office de parc public aux habitants du quartier. Soudain, sans que la pénibilité de notre marche matinale ne nous ait fait prendre conscience du dénivelé que nous venions de grimper, nous nous prenons à dominer Bruxelles. Une splendide ouverture qui contraste avec les rues étriquées que nous traversions jusqu’alors.
Entrée paysagère
Bruxelles en surplomb
Nous pouvons désormais apprécier, en contrebas, le site de notre future visite. On constate avec une légère amertume qu’il n’y a ni tour, ni taxi. Une poignée de bâtiments industriels tout au plus, d’anciennes halles en briques et des entrepôts. Le terrain est vaste et inoccupé, une plaine urbaine semblant vidée de toute présence humaine. Seul le balai des camions, s’affairant au loin autour des zones de chargement, est perceptible. Derrière, on distingue le canal que j’ai traversé ce matin, pour venir du centre. Une péniche en attente devant ce qui parait être une écluse nous indique sa présence, notre position ne nous permettant pas de le distinguer clairement. Enfin, en arrière-plan, se dessine la ville. Des tours émergent, leur élévation contrastant avec le reste de la ville. Les quelques arbres qui se dressent devant nous, à flanc du coteau, ne nous permettent pas de distinguer clairement les lieux que nous avons arpentés hier, au cours de notre visite des Marolles. Le groupe s’ébranle, suivant nos guides, pour traverser la route à laquelle nous tournons le dos.
La virgule verte
On entame dès lors une descente, le long de la pente, pour rejoindre le site. Alignées en surplomb de la rampe, qui progressivement nous mène vers une grande bande de végétation, des maisons de briques et d’ardoises dessinent les contreforts de ce val de verdure. Un flot végétal qui semble submerger cet espace excavé entre deux coteaux à l’urbanité dense. Au fil de la descente, on apprécie progressivement les subtilités de ce parc aux formes parfois improbables. Moutons et chèvres se promènent librement à flanc de pente, dans de petits près à peines enclos. Là, un abri de tôle sert à entreposer provisoirement quelques outils. A ses côtés s’élève un box en bois qui doit servir d’abris futur à cet outillage que les riverains se partagent pour entretenir les pâtures. Les plans se succèdent dans ce décors peu commun, où en l’espace de quelques minutes la limite entre rural et urbain s’affaisse, ce petit transept recollant ainsi des identités totalement diverses. Des ruelles étroites d’un tissu dense et commerçant, on se plonge maintenant dans un parc à l’allure neuve, et aux activités intimistes. Une intimité offerte aux habitants et pourtant adressé aux passants, l’oisiveté de l’un côtoyant la curiosité de l’autre. On se sent intrusif en observant deux personnes s’affairer dans une petite parcelle qui semble devenir le prolongement naturel des maisons en surplomb.
Participation active
Arrivé au bout de la rampe, on se retrouve projeté dans cette virgule verte qui nous incite à nous retourner pour soudain faire face au site de Tour & Taxi. On longe désormais de longues bandes de jardins, pratiquant un chemin de bitume ne semblant pas avoir encore été affecté par les travaux récents. Quelques personnes bêchent avec énergie de petits carrés de terre encore vierge de toute végétation. D’autres sont attablés dans un petit bâtiment en bois dominant le sentier, au pied de la grande arche que forme le pont que nous venons de quitter. Nos guides nous expliquent que les habitants des quartiers avoisinants se partagent ainsi ces lopins de terre et que l’abris leur sert à se concerter sur les orientations à donner à ces espaces partagés. Cette initiative de la concertation s’est pérennisée suite à l’organisation d’ateliers et de débats en amont de la prospective urbaine, réalisée dans le but d’obtenir un plan directeur d’aménagement de la zone. Comme nous le rapporte nos guide, l’étude urbaine de Tour & Taxi inclue un aménagement paysager important, dont le parc que nous traversons représente la première phase d’achèvement. Une volonté d’échange et d’assemblée donc qui perdure et démontre l’envie de partage qu’éprouvent les habitants. La fragilité de ces initiatives face à l’ampleur des travaux qui semblent attendre le secteur contrastent avec l’implication que semblent émettre les riverains. Une recherche à posteriori nous permet de comprendre l’importance réelle de cette dernière. Au moment de la réalisation du plan directeur de la zone, dans lequel cette coulée verte s’inscrit, on interrogea la parole des habitants et leur ressenti pour fixer un point de vue, une représentation générale du site. C’est ainsi, au cours de discussions initiées par le BRAL, association d’habitants et d’usagers des quartiers mitoyens, et des différents bureaux d’étude, que cette motivation pour le dialogue a émergée. Une action qui semble donc se pérenniser après la réception même des premières phases de travaux.
Le jeu d’échelle qui se dessine au cours de cette promenade persiste à nous surprendre. Adossé aux jardins on contemple sous l’arche la silhouette du nouveau centre des affaires qui se dessine derrière le canal. De petites actions très locales impulsé dans l’immensité d’une métropole européenne majeure. Dans le petit bâtiment, on parle, on s’agite au milieu des prospectus et panneaux expliquant les aménagements futurs. Nous n’osons pas rentrer, de peur de déranger, malgré les appels du panneau « entrée libre ».
Au loin la ville
En passant l’arche on se retrouve au pied du petit bâtiment en brique que l’on observait d’en haut. La fumée continue à s’échapper de la petite cheminée en brique qui surplombe l’édifice. En s’approchant, le délabrement de la façade nous permet d’apprécier l’activité discrète qui se trame à l’intérieur. Deux personnes s’affairent autour d’un poêle qui semble former le foyer d’un habitat pas si temporaire. Ils semblent s’êtres réappropriés la petite bâtisse à l’abandon, préservée au coeur de ce no man’s land. Mais pourquoi a t-on laissé ce tas de brique ? Il semble totalement incongru, petit objet posé au milieu de nul part. les deux hommes semblent les derniers survivant d’une omerta urbaine, les laissant esseulés au milieu d’un vague terrain de terre battue. Plus rien à voir pour le moment avec les aménagements paysagers du parc par lequel nous avons accéder au site. La poussière recouvre les fragments de bitumes et les pavés qui forment ce sol vierge de tout aménagement. A perte de vue du vide occulté à la vue des passants qui longent les quais par de grandes halles industrielles. Un site qui porte la possibilité de futurs aménagements. Nos guides nous proposent la brochure du projet. Une image synthétique de l’atelier de paysagiste de Michel Desvigne, mandaté pour les travaux du parc, met en scène la même perspective qui s’offre à nous. On se pose et, le bras tendu, applique l’image au paysage qui s’offre à nous. La petite construction de brique trouve une nouvelle jeunesse, sa toiture d’ardoise scintillant au rayon d’une lumière bien trop exagérée. Nous sommes en Belgique, ne l’oublions pas. Elle est entourée de platanes fleuris dans lesquels se prélassent des passants, tandis que des enfants s’affairent autour d’un panier de basket posé sur une dalle de bitume. La cime d’une rangée d’arbres s’aligne sur la crête de sa toiture et semble le fondre au sein de cet amas de verdure. Mais dès l’on baisse le prospectus, on retombe immédiatement sur la réalité du site. Les deux hommes déplacent un meuble. Ils jettent un regard méfiant sur notre groupe qui s’avance. Conscient de leur situation précaire et temporaire, la présence de nos appareils photos et de nos carnets ne semble pas le rassurer. En y pensant, l’arche du pont semble former une barrière fragile et temporaire à ces changements imminents. Elle semble retenir ce flot de verdure qui déferle jusqu’au site et dont les tracés du dessin futur sont déjà perceptibles.
De la Gare Maritime aux entrepôts royaux
Notre visite se poursuit. Nous avançons sur les terres en construction. Le projet de Michel Desvigne sort de terre. Les voies sont tracées mais la végétation récemment retournée n’a pas encore repoussée. Déjà, l’ambiance se fait sentir, les perspectives sont construites, on sent que l’espace se compose. Le long de la route qui a recouvert le tracé des anciennes voies de chemin de fer, s’élèvent des bâtiments, certains déjà construits, d’autre attendent dénudés que quelqu’un s’empresse de les vêtir. Au loin, sur la ligne d’horizon, des tours d’aciers et de verres s’érigent fièrement, elles semblent appartenir à une autre époque. On nous dira plus tard, qu’il s’agit d’un quartier d’affaire construit il y a quelques années dans le but de développer le quartier. Nous nous dirigeons vers l’ancienne Gare maintenant. Un bâtiment industriel qui fut construit au début du siècle suite à l’expansion du commerce Bruxellois. Après le déclin du site en 1987, les bâtiments furent délaissés. Le site désaffecté fut abandonné, les installations se désagrégèrent.
« Patrimoine » en suspens
Lorsque nous arrivâmes devant l’ancienne halle aux huiles et aux poissons, nous fûmes surpris par l’état de délabrement de la construction. La charpente métallique semblait porter les traces d’un poids qu’elle ne supportait plus. La couverture déformée était partiellement détruite. Le socle en béton qui devait servir d’appoint pour vérifier les marchandises s’éparpillait un peu partout autour de nous. On pouvait voir émerger des armatures métalliques de la structure. L’architecture semblait éventrée, on sentait qu’elle avait vécue.
Nos guides, étudiants de notre école partis en voyage d’étude à Bruxelles prennent la parole. Le site comme ils nous le dirent, avait connu une histoire particulière. Il appartenu à une famille italienne, qui vécue à Bergame. Les terrains alors marécageux servaient pour les chevaux de poste. Du temps du Saint empire romain germanique, la famille assurait la poste de la cour entre le Vatican et la Vénétie. Les « Thurn Und Tannis » régnèrent sans partage jusqu’au XIXe siècle, notamment grâce au système de poste à cheval inventé par Franz von Tannis. A la fin du XIXe siècle, la région de Bruxelles connu un essor économique important. Due à l’expansion du trafic des marchandises, les échanges et les transits s’intensifièrent si bien que la construction d’un nouveau port devint indispensable. La situation privilégiée du site, à proximité du Canal Bruxelles-Charlesroi séduit. La ville s’en empare pour y installer les nouvelles installations maritimes et ferroviaires. Dix ans après l’inauguration du chantier par Leopold II, un ensemble de bâtiment se construisirent avec leur dépendance, sous la direction nationale des chemins de fer belges, propriétaire du terrain. Le site se développa et devint dans les années 1960 l’un des principaux lieux de dédouanements et d’entreposage des marchandises. Plus de 3000 personnes y travaillaient. Quelques années plus tard, les installations perdirent leurs raisons d’être avec l’ouverture de la douane européenne.
Interminable halle, impensable projet
Nos amis se taisent. Perchés sur le socle de la halle, l’ensemble du petit groupe les avaient écouté avec intérêt. Il est vrai que l’endroit suscite la curiosité. Nous ne savions pas à quoi nous attendre, et même si nous avions en tête une vague connaissance du projet, il était difficile de s’imaginer réellement ce que tout cela allait devenir. Finalement, il ne s’agissait ni plus ni moins que d’une friche industrielle comme il en existe à Nantes ou ailleurs. Mais peut-être, était-ce le fait d’être étranger au lieu et au pays qui altérait notre jugement. Nous nous sentions comme attirés par les installations. Lorsque nous arrivâmes, l’excitation monta, et le groupe se disloqua. Chacun souhaitait découvrir le lieu à sa manière. Le bâtiment avait un air mystérieux. Imposant, austère, presque intimidant. Les parois délabrées par endroits rajoutaient à nos impressions une dimension supplémentaire. Nous étions pressés d’entrer, chacun pressa le pas, nous avions besoin de fouler le sol, de nous immerger à l’intérieur de la construction. Les rayons de soleil traversaient les sheds et venaient s’écraser au sol. Le bâtiment s’éclairait par tranches aux endroits où la construction le permettait. Les raies lumières se dessinaient en long, en profondeur des travées. L’ensemble du dispositif semblait figer une perspective, déjà renforcé par le rythme de la structure. Pendant quelques instant, on aurait pu croire que l’ouvrage était interminable. Mais c’est l’obscurité qui dominait. Au moment d’entrer, nous sentions que l’espace que nous pénétrions marquait une coupure avec l’extérieur, quelque chose de brutal, qui surprend. Le bruit de nos pas s’alourdirent, l’ambiance devint pesante. On se sentait contraint de ralentir, de s’arrêter un instant pour contempler l’immensité qui se trouvait devant nous.
Le lieu était partiellement rénové, certaines des charpentes métalliques avaient fait l’objet d’une réhabilitation, d’autres au contraire était resté en l’état. Au loin, au bout du bâtiment se dressait un chapiteau encerclé par des barrières. Il s’agissait de l’école de cirque. Elle fut installée dans ces lieux il y a quelques années par la ville de Bruxelles. L’endroit était propice à l’apprentissage, il y avait suffisant d’espace et la hauteur des nefs permettaient l’installation de toutes sortes de constructions. On entendait des bruits sourds qui se propageaient, les voix des élèves sans doute, le son résonne dans ces lieux, il faut savoir garder le silence. Nous nous réunîmes au centre du bâtiment, sous la travée centrale, celle qui était rénové. Nous ne manquions par d’interroger nos guides concernant le devenir du bâtiment, sur les raisons qui avaient poussées les personnes responsables du projet à rénover seulement une mince parti du bâtiment. Nous apprîmes à travers leurs recherches que le site avait fait l’objet de nombreux projets, pour tous abandonnés. Une cité des sciences par exemple devait s’y implanter. D’autres encore, envisageait de démolir la totalité du site dans le but de construire un nouveau quartier. Les voix, nous expliquèrent nos amis, se sont élevées, des habitants et des associations coutumiers du site s’étaient regroupées, ensemble ils avaient luttés pour sa sauvegarde. En 1988 déjà, Guido Vendenhurst directeur des fonderies revendiquait la haute qualité architecturale du lieu et s’était consacré à démontrer l’intérêt de préserver ce patrimoine industriel. En 2001, le site fut vendu à une société immobilière afin de développer une zone d’activité diversifiée : Logements, équipements d’envergues régionales ou locales, activités tertiaires. Un appel d’offre européen fut lancés dans le but d’établir un schéma directeur pour le développement du projet. L’agence Yves Lion remporta le concours. IL fut entendu de rompre avec le système précédent, celui qui avait conduit à multiplier les projets. L’atelier se positionna comme un médiateur. Nous l’apprîmes plus tard par nos recherches que le site regroupait un grand nombre d’acteurs à la géométrie variable et aux intérêts divergents. La mission de l’urbaniste comportait un rôle important dans la médiation des intervenants, il fallait faire émerger une vision urbaine cohérente, équilibrés, en tenant compte des intérêts de chacun tout en conduisant ceux-ci dans une visions globale de l’aménagement du site.
4 X 1 = ?
Quatre types d’acteurs ont entourés le développement du site :
Des agents politiques et administratifs :
La région de Bruxelles-Capital qui à travers le cabinet du ministre-président et les différentes administrations locales et para-locales pilotaient l’élaboration du schéma directeur et tranchaient sur les décisions. Le schéma devait être approuvé par le gouvernement régionale Bruxellois qui devait fixer dans un arrêté du gouvernement les grandes orientations de son développement.
La ville de Bruxelles, le site étant entièrement situé sur leur commune. Consécutivement à l’arrêté du gouvernement régional, la ville devait établir un PPAS portant sur le site mais également sur les terrains adjacents destinées aux activités portuaires et de transport.
La commune de Molenbeek Saint-Jean est aussi associée à la réflexion, compte tenu que son territoire est mitoyen au site de Tour et Taxi.
Des propriétaires fonciers :
Le port de Bruxelles exploite le site d’entreposage T.I.R et offre une surface de stockage de 160 000 m2. Il s’agit de la société chargé de la gestion et de l’exploitation du port et des installations portuaires de la région Bruxelles-Capital.
Project T&T SA holding formé par les sociétés Stakrei, Iret et Exensta pour développer la zone.
Un dernier propriétaire sur le site, la Sopima (société patrimoniale, dépendant de l’état fédéral) qui est propriétaire de l’hôtel des Douanes.
Des acteurs non institutionnels :
Il s’agit principalement des habitants et des usagers fréquentent les quartiers aux abords, regroupé ensemble et associé à la réflexion en sa qualité de d’association relais désigné vis-à-vis de ces catégories d’acteurs. Une mission spécifique lui a été attribué par le gouvernement régionale en 2005 dans le but d’organisé divers ateliers de travail, réunions publiques, actions de sensibilisations au devenir du site (publication d’un journal). Un travail communautaire qui sera précisé concrètement par la rédaction d’un manifeste reprenant les principales revendications des habitants et associations.
Un acteur médiateur – Urbaniste
Le bureau d’étude Atelier Lion-MSA qui agit comme une équipe technique de projet.
A écouter nos amis, nous nous perdions, les projets se succédaient et comme nous avions peu de connaissance en la matière, nous restions dans l’interrogation. A terme, nous ne savions pas vraiment de quelle manière les bâtiments allaient évolués. Sous notre regard, tout semblait figer. Les documents qu’ils avaient apporté et qu’ils tenaient entre les mains, esquissaient un bref rappelle chronologique des multiples opérations ayant eu cours sur le site. Mais l’histoire était floue, et encore aujourd’hui le sujet semble toujours aussi complexe. Par la suite, après s’être renseigné, nous apprîmes que le site avait fait l’objet d’une concertation avec les habitants. Et comme nous étions intéressés par l’architecture participative, et que nous venions de rencontrer Lucien Kroll, le sujet nous intéressa d’avantage. Il était d’abord intéressant de comprendre que le schéma directeur se plaçait comme un outil d’engagement envers les pouvoirs politiques et les différents acteurs. Un moyen de faire valoir les positions et les intérêts de chacun, autours d’un document commun. Il ne correspondait pas à une vision figé de l’aménagement du site, ni à un ouvrage réglementaire fixant de manière irrémédiable son devenir, il n’était pas non plus un projet d’urbanisme mais d’avantage un projet humain. Un outil de définition transversale en somme. Le processus de projet n’était donc pas linéaire, mais au contraire résultait d’un enchainement complexe de discussions qui dura près d’un an et demi.
Pour ce faire de nombreuses réunions furent organisées. Des discussions dites bilatérales qui réunissait l’ensemble des acteurs et leurs représentants, au cours desquelles il s’agissait de débattre, d’échanger les points de vues, de prendre les remarques en vues des corrections. Un total de 200 réunions furent comptabilisées. Aussi, et c’est peut-être ce qui nous a le plus intéressés, des Workshops furent organisés entre les habitants. Des moments de travail et de réflexion durant lesquels ils pouvaient exprimer leurs revendications, leurs positions, leur souhaits. Organisés par le Bral, ils furent orientés vers l’émergence d’une « parole habitante », et débouchèrent par la publication d’un « Manifeste T&T : Tout publiek » qui fut transmis aux responsables politiques et aux bureaux d’études. Un Worshop fut également organisé par le bureau d’étude de l’AATL et s’orienta vers l’émergence d’une vision publique de l’aménagement. A côtés des discussions bilatérales, des discussions en groupe ont également été organisées afin de fixer un point de vue régional. Ces discussions ont principalement été d’ordre politique entre membres des différents cabinets concernées par le Schéma Directeur.
Passé ferroviaire
Nous quitterons la gare maritime, quatre hectares au sein desquels nous avions longé les voies de chemin de fer, grimpé sur les quais, et admiré la structure pour partir à la découverte des autres installations du site. Nous nous arrêterons devant un bâtiment en brique, adjacent à la gare maritime et dont l’usage nous est inconnu. La construction est vaste et s’étend sur toute la longueur de l’ancienne gare, et tout autant en profondeur. Le bâtiment est posé sur un socle en pierre sur lequel nous ne tardons pas à grimper grâce aux emmarchements répartis de façon équivalente sur l’ensemble de la façade. La structure métallique en porte-à-faux permet de nous abriter avant de pénétrer dans l’enceinte du bâtiment. A l’intérieur des personnes s’activent en déchargeant du matériel. Nous les interrogeons pour en connaître d’avantage sur la nature des lieux.
Nous apprenons qu’il s’agissait des anciennes halls qui servaient à l’entreposage des marchandises desservis par les trains. Dehors, la rue que nous avions emprunté, correspondait aux quais de déchargement, la hauteur du rez-de-chaussée s’expliquait alors par des questions de logistiques. La structure que nous avions déjà remarqués pour sa qualité architecturale, était l’oeuvre de l’architecte Von Humbeek, le bâtiment avait une centaine d’années. La charpente métallique était autoportante et comme nous le rapporta notre ami, elle était une prouesse technique unique au monde. Nous profitâmes de la discussion pour jeter un regard sur l’intérieur. Nous avions senti en arrivant que nous ne pouvions pas entrer comme nous le voulions, les lieux étaient en préparation. Le bâtiment nous l’apprîmes plus tard, recevait des événements thématiques à la réputation nationale voire mondiale, la foire du livre, la foire des aquitaines, le festival du monde, des salons, des foires, des spectacles. L’architecture était relativement simple, mais l’ingénierie de la structure impressionnante. La toiture en dent de scie permettait aux sheds de disperser la lumière à travers tout le bâtiment de manière égale.
Vitrine sur canal
Plus tard, nous nous rendons à l’entrepôt royal, propriété de la société T&T et rénove récemment par les Ateliers d’architecture Archi 2000 et Jan Van Liende. Construit entre 1904 et 1906 également par l’architecte Von Humbeel le bâtiment se distingue des autres installations par son imposante façade en brique et de pierre bleue. L’architecture encore une fois est austère. Sur le fronton central figure les blasons de la ville, et des provinces belges, la représentation de mercure aussi dieu du commerce s’affichent en grand. Le bâtiment fût rénové dans l’esprit de valoriser le patrimoine, en conservant les vestiges des usages liés à la gare. Les architectes firent le pari de recréer une rue intérieur de 180 mètre de long, une allé central autour de laquelle s’organise les niveaux, desservis par des coursives métalliques aux registre plus modernes. Des magasins de design, des restaurants et des bureaux s’affichent le long du bâtiment, des espaces d’expositions aussi. Lorsque nous sommes arrivées sur les lieux, il n’y avait personnes, des commerçants attendaient patiemment qu’une personne s’asseyent ou viennent leurs demander des informations. Sous nos pieds dans l’allée, les voies de chemins de fer s’exhibent avec quelques vestiges de l’ancien bâtiment.
Nous profitons du calme et de la chaleur pour nous installer à un café, avant de repartir pour le canal de Bruxelles.
Infographie
http://www.adt-ato.brussels
http://www.adt-ato.brussels/sites/default/files/documents/Tour_Taxis_Schema_Directeur_FR_compresse.pdf
Arnaud Bobet / arnaud.cve@gmail.com
Joffrey Elbert / joffrey.elbert@gmail.com
Voyage réalisé du 21 au 25 Novembre 2014