Voyager au Maroc, un pays à la fois proche géographiquement et loin culturellement. En effet, quatorze kilomètres séparent le continent Africain de l’Europe à travers le détroit de Gibraltar.

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Quand on parle du Maroc, on pense à un pays plein de contrastes entre le Nord et le Sud aride pre-saharien, les deux zones séparées par une « barrière » composée de trois parties; les cordillères de l’Atlas (le Grand Atlas, l’Atlas Moyen, l’Atlas Ancien).

La nature et le climat déterminent les manières d’habiter. On en distingue surtout trois ; les peuples taillés dans les versants, les maisons du désert qui s’adaptent aux palmerales ou les villes fortifiées de l’Atlantique.

Au Maroc on trouve deux extrémités. D’un côté, l’agglomération dense des  Médines  avec des labyrinthes pleins de vie où l’ombre prédomine sur les cours intérieures qui perforent le tissu et ils apportent des espaces de lumière. De l’autre, les paysages désertiques où la forme d’habiter naît de la vraie nécessité.

Un autre aspect remarquable est la découverte d’une tradition constructive dans une pleine harmonie avec le paysage et la topographie. Une architecture qui surgit de la matière du lieu, dans un climat si extrême comme celui du Maroc, la création de l’ombre possède une grande importance pour la vie. Pour cette raison là, on peut tirer un grand enseignement sur le contrôle de la lumière, l’épaisseur de la matière ou le volume des espaces.

FEZ (ville intérieure)

La Medina

Depuis la hauteur de la forteresse Borj Sud et entourée par des versants on observe la silhouette fortifiée de la medine de Fez. la plus grande du monde, 350.000 personnes vivent à l’intérieur d’un labyrinthe de presque 100.000 rues pleines d’activité qui forme une mosaïque de sens : des odeurs, des goûts, des couleurs, des filtres de lumières et de cours. Des rues étroites qui descendent par le versant vers le nord-est ; des rues sans sortie, des rues où deux personnes peuvent y être simultanement.

La Medina, Fez

Plan La Medina, Fez

La Medina, Fez

Vue général La Medina, Fez

Les espaces résidentiels se situent aux étages supérieures en laissant le rue libre par un alignement de magasins qui ouvrent leurs portes pour s’étendre sur la rue avec ses marchandises. On vend les produits artisanaux, des soies, des épices, des têtes de chameau et des produits plus habituels. Le transport de la marchandise est fait dans des ânes, des mules ou les chars dont les guides attirent attention avec ses cris d’avis au piéton qui se promène tranquillement dans la trame urbaine. Il semble un monde de l’autre temps, avec mélange de personnages de diverses époques.

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le couleur dans les rues

Fez est un pôle spirituel. L’une des principales villes impériales marocaines remplit des mosquées et medersas qui articulent aussi le medina avec ses cours de brillante lumière et d’eau purificadora. Il faut détacher que le Medina servait comme un premier refuge aux Grenadins qui abandonnaient sa patrie et ils ont laissé son nom au quartier situé à l’Est de la rivière et ce-lui là divise la Medina en deux partie.

La ville est divisée en « zocos » avec des diverses corporations d’artisans qui font le commerce des soies, des tapis, une céramique, des tanneries … Chacun de ces « sûq » (marché) sont normalement en plein air et protégés par une jalousie de façon qu’ils ont une propre personnalité qui le caractérise. De tous, celui que j’ai trouvé le plus impressionnant c’est les Tanneries de Chouara.

Filtres de lumière

Dans un monde où la lumière du soleil est si intense, il est nécessaire de se protéger de la chaleur et trouver de l’ombre devient une priorité. Dans un espace public, où il y a beaucoup d’activité, il est important de trouver ses solutions pour se protéger du soleil. Les différents moyens utilisés sont les suivants. Tout d’abord, la lumière est tamisée dans les « souks » puisqu’elle passe à travers les jalousies de lattis en bois de cèdre. Parfois, la lumière passe latéralement, lorsque les toitures sont échelonnées et que les différences de niveaux le permettent. D’autre part, la lumière peut être zénithale ou encore entrer des deux manières.

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Les jeux de lumière

Mais dans la Médina, il y a des solutions pour apporter de l’ombre dans les rues bordées d’édifices. D’une part, la hauteur des bâtiments et l’étroitesse des rues apportent d’elles-mêmes de l’ombre. Parfois, les rues sont couvertes totalement ou partiellement par un débord de toiture. Aussi, il existe des patios qui permettent de contrôler la lumière entrante dans les bâtiments.

Tanneries de Chouara

C’est incroyable le fait de trouver une tradition encore si vivante; un métier réalisé de manière presque invariable depuis des siècles.

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Tanneries de Chouara

Les ruelles qui enserrent la trame dense urbaine nous conduisent à l’accès vers l’enceinte. D’ici, deux solutions s’offrent à nous. Si l’on monte les escaliers, nous arrivons au niveau supérieur où se trouvent les magasins; alors que si l’on descend par la rampe, nous arrivons au niveau de l’espace de travail où se situent les tanneries. Les mules transportant les peaux peuvent donc s’acheminer jusqu’ici grâce à la rampe.

Depuis les toitures terrasses on observe la grande place encerclée par les édifications, qui contient les auges circulaires de teintures de diverses couleurs et d’un autre côté les petits tonneaux contenant de la chaux ainsi que les excréments de colombes.

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toitures terrasses

Les auges de la tannerie forment une topographie puisqu’elles sont situées à différents niveaux, dépendant des phases dans le processus de fabrication du cuir. La zone centrale de la tannerie foisonne d’activités, et les couleurs contrastent les unes avec les autres, ce qui donne un charme au lieu.

Plan Tanneries de Chouara

Mais les tanneurs travaillent dans des conditions très difficiles, il sont submergés jusqu’aux jambes dans les auges, une forte odeur difficilement respirable se dégage du lieu et  il travaillent les uns sur les autres, en frottant énergiquement et  en rinçant les peaux.

Autour de cet espace ouvert, sur les terrasses et les toitures à différentes hauteurs, sont disposées les peaux déjà terminées et teintées, pour sécher. Le cuir de dromadaire, de chèvre, de brebis et de vache (de la meilleure à la moins bonne qualité) passe après aux mains d’artisans qui le transforment en sacs, en vestes, et autres objets variés. Puis les magasins situés au niveau supérieur les vendent.

Des pleins et des vides dans la Medina

Dans la trame dense urbaine, les ruelles de la Medina de Fez sont labyrinthiques, et il n’existe pas d’aération dans le tissu urbain. Les seuls vides créés sont formés par les places des édifices publics ayant une dimension très importante. Dans ces lieux, le soleil pénètre en modifiant la réalité grâce aux jeux de lumière. Ainsi, la lumière, par ses reflets, ses ombres, devient tantôt géométrie, tantôt rythme l’espace ou encore provoque des symétries. Par exemple, dans la Medersa Merini Al Attarine; lorsque la lumière entre dans la place pourvue de proportions harmonieuses, elle vibre dans l’espace. En effet, elle se raccroche aux matériaux, et aux reliefs des décorations des murs, révélant la matière.

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Medersa Merini Al Attarine

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l’intérieur Medersa Merini Al Attarine

Juste en face d’elle et séparées par une seule rue de près de 2 mètres de largeur, on trouve le grand mezquita au-Qarawiyyin. Il s’agit du centre religieux le plus important de la ville de Fez.

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Mezquita au-Qarawiyyin

Depuis la rue un passage sous un arc brisé nous permet de voir la lumière découpée qui provient de la grande cour d’ablutions. Le bassin d’eau et l’axe du mirab sont alignés et sont à contre jour lorsque nous rentrons. L’émir Muhammad V a pu pendant son exil temporel dans Fez admirer l’intérieur de la Mosquée et reporter certains de ses concepts dans la salle du Palacio de los leones, à l’Alhambra. En effet, on y observe deux pavillons avancés et l’axe de l’eau qui traverse la cour jusqu’à la fontaine centrale.

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Mezquita au-Qarawiyyin

Un autre bâtiment remarquable par son patio est le « funduq » Tsetaoiniene; destiné pour les commerçants itinérants de la ville et leurs caravanes. Sa façade dispose d’un débord de toiture sur la rue jusqu’à laisser une frange étroite laissant visible le ciel (environ un mètre).

Cette toiture est un exemple de l’une des méthodes antérieurement mentionnées pour fournir de l’ombre à la rue. Ce bâtiment se compose d’un patio central où dormaient les dromadaires et dans le pourtour du patio, en traversant les portiques, les magasins se trouvaient au rez-de-chaussée pour les marchandises. Les chambres pour les marchands se situaient aux deux étages supérieurs proposant une coursive extérieure donnant sur l’espace central. Actuellement, il se trouve occupé par quelques magasins en mauvais état.

Finalement, entre toutes ces typologies de bâtiments publics présentant des cours intérieures, le Medersa de Bou Inania se fait remarquer. Il s’agit de l’une des seules où un non musulman peut entrer. Au fond, le vestibule est dans l’ombre et nous invite ainsi à monter des escaliers pour accéder au niveau de la cour des ablutions. En y arrivant, le contraste lumineux se fait ressentir, la lumière inonde l’espace et le bassin central de marbre blanc.

Medersa Bou Inania

Une fois à l’intérieur, la Mosquée se trouve en face de nous, dans une pénombre et protégée par le fossé dans lequel elle se trouve. Dans l’axe transversal se trouvent deux salles de prière et le reste du bâtiment (de deux étages) qui ferme la cour renferme les salles d’étude. Celles-ci se situent dans l’étage inférieur et ont des jalousies jusqu’à hauteur humaine pour observer sans être vu. Dans l’étage supérieur, il y a des chambres d’étudiants.

La lumière se reflète sur le sol de marbre blanc ce qui produit une vibration dans les effets lumineux. Elle révèle les aspérités des matériaux et les bas reliefs géométriques qui décorent les murs de stuc.

RISSANI (ville palmeral)

Les gorges de Ziz 

Au Maroc la barrière que forment les montagnes de l’Atlas Moyen et du Grand Atlas sépare le nord méditerranéen, plus fertile, du sud aride regardant vers le Sahara.

Pour franchir cette barrière, nous avons traversé les gorges de la rivière Ziz d’où, depuis la route, nous avons pu observer une palmeraie gigantesque de quelques kilomètres de long qui se développe entre les gorges. Dans la palmeraie, la vie s’organise à l’ombre des palmiers si bien que les vergers et les arbres fruitiers sont couverts sous ceux-ci. Les maisons d’adobes (construction en terre crue) sont groupées en constituant des noyaux le long de la palmeraie, en fonction de la disposition de l’ombre et des vergers.

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palmeral Rissani

Sur les rives du  fleuve, en direction du sud, se trouvent aussi quelques lieux habités fortifiés dénommés « qsar ».

Il s’agit des enceintes qui enserrent des rues étroites et des cours qui contrôlent à nouveau la lumière intense. L’exemple de la palmeraie que nous avons parcouru se trouve dans la ville de Rissani. Elle se trouve au sud du Grand Atlas et en suivant le lit de la rivière Ziz, situé à 800 mètres d’altitude et constitue la porte vers le désert. L’architecture de ses demeures est caractérisée par son adaptation au climat et au lieu.

Les pièces présentent une grande hauteur sous plafond, et cette sensation s’accentue car la culture veut que les marocains habitent les sols pour manger et pour réaliser des activités. En effet, ils sont souvent assis à même le sol, ce qui provoque un contraste entre l’échelle humaine et l’échelle de la pièce.

Cette zone est riche en gisements fossiles mais aussi dans qsur, kasbahs et des palais puisque c’est de là que la famille « alauita » qui régnait au Maroc dès le XVIIe siècle tire ses origines. Les gorges qui forment la rivière Todra dans le Grand Atlas sont réellement spectaculaires. Un paysage de roche creusée jusqu’à 300 mètres de hauteur qui déchirent la montagne jusqu’au pied de l’Atlas arrive à la vallée. Là on trouve « la ville de boue » de Tinerhir, abîmée par la civilisation moderne, située dans une autre palmeraie. L’architecture de ces maisons est caractérisée par leur adaptabilité au climat et au lieu.

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Kasbah Rissani

ESAOUIRA (ville côtière)

Une variété d’échelles

Essaouira est la ville de l’Atlantique marocain des bastions portugais en face de la mer et comportant une intervention française dans le tracé de la Médina.

plan général Esaouira

L’idée la plus intéressante de ce lieu est la différenciation d’échelles; d’un côté l’échelle à taille humaine des places des marchés en face de la trame de la Medina, et de l’autre, l’échelle de la muraille et des bastions en face de la ville et de la mer et finalement l’échelle de son petit port plein de vie avec la muraille et la ville.

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rues Medina Esaouira

La ville est caractérisée par l’odeur de ses rues et des marchés de l’Atlantique avec son sel et ses pêcheurs; par l’ombre de l’intérieur de sa trame urbaine et le contraste avec l’horizon plein de mouettes et tout cela empli d’une atmosphère calme seulement interrompue par la brise marine.

Les marchés d’Essaouira

Le marché le plus connu, celui de Jdid, se trouve au niveau de l’axe principal qui traverse la trame irrégulière de la Médina.

Le long de cet axe, latéralement, de petits magasins sont protégés par des passages à arcades de style romain. Ce marché, pareil aux marchés européens, se développe dans une série de places avec portiques qui s’unissent au moyen des axes en créant un jeu intéressant d’articulations, de circulations et de transparences.

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marché Jdid

Ces espaces possèdent la proportion exacte et appropriée à son usage. Chaque place est destinée à un type de marché : des céréales, des enchères, des épices, et des poissons, le plus intéressant puisque c’est l’unique qui occupe aussi l’espace central de la place. En effet, les arcades permettent de protéger la marchandise du soleil.

Cette partie centrale couverte s’élève un peu plus pour laisser passer la lumière. Les étalages se trouvent entre les arcs et chaque poissonnier a l’espace nécessaire pour travailler.

Le port d’Essaouira

Il posède une vie comme on a peu l’habitude de le voir en Europe. On trouve un espace pour les bateaux de pêche en bois et de petites barques proposant une vente improvisée de poisson.

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La muraille est une construction des années 1970, et elle se compose de quelques magasins pour des ustensiles de pêche au niveau inférieur. Une plate-forme au niveau supérieur permet d’accéder aux ateliers et propose une esplanade ouverte sur l’horizon marin.

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port Esaouira

Ana de Ramos Álvarez        anaderamosa@hotmail.com