MATIÈRE ET LUMIÈRE
Ce périple a été réalisé dans le cadre de l’UE thématique matière à construire, avec seize autres étudiants, à bord de trois minibus. Nous avons traversé la France pour visiter des bâtiments mettant en valeur les matériaux biosourcés : le bois, la terre crue, cuite, ou encore la paille. Arrivés à Nancy nous avons eu la chance d’assister au congrès international de la construction bois, ou se trouvait présent, entre autres intervenants de qualité, Shigeru Ban, dont nous avions visité le centre culturel à Metz la veille.
Ce voyage a été d’une grande importance pour moi, il m’a conforté dans ma volonté d’utilisation de ces matériaux, tout en me donnant les exemples, bon et mauvais, et les arguments pour défendre mes projets.
Afin d’en conserver une trace visuelle, j’ai emmené avec moi une caméra pour tenter de capter au mieux les ambiances, les lumières, et les matières dans leur mise en œuvre. La qualité n’est pas optimale, mais elle permet d’avoir un bon avant goût, et de renforcer l’expérience d’immersion pour celui qui n’a pas eu la chance de voir en vrai.
Au travers d’une sélection choisie, je vais vous décrire, avec plus ou moins de profondeur en fonction de mon ressenti, les dispositifs employés, en tentant de vous traduire l’harmonie dans la mise en œuvre et l’esthétique recherchée par les concepteurs.
Lycée de Clisson (44) – ATAUB Architectes – 2013
« Un bâtiment à énergie positive n’impose pas de renoncer à l’architecture et de tout sacrifier à la compacité » Alexis Korganow de l’agence Ataub
L’orientation de l’intégralité des locaux est choisie de façon à privilégier au maximum l’éclairage naturel. Afin de réguler cet apport, et d’en tirer parti, des brise soleils équipés de panneaux photovoltaïques ont été mis en place sur la totalité des façades exposées. La structure quant à elle est généralement visible et mise en valeur par les différents dispositifs lumineux employés.
Malgré la taille importante du lycée de Clisson, on peut ressentir une attention particulière du concepteur pour chaque détail. La mise en oeuvre de la matière est travaillée de manière subtile et chacune des ouvertures met en lumière des choix à la fois discursifs, économiques et esthétiques. En dépit du nombre conséquent de dispositifs lumineux différents, l’ensemble du bâtiment révèle une grande cohérence. Chacune des ouvertures cadre sur les jardins intérieurs ou des paysages lointains, dégageant un sentiment de sérénité pour l’usager et le visiteur. En somme, le lycée de Clisson est un bâtiment à l’approche technique, mais à la réalisation sensible, qui semble remplir sa fonction tout en restant audacieux et innovant.
Carnuta, Jupilles (72) – Cleris et Daubourg CPLUSD – 2010
“L’architecture réalisée est une forme pleine, maximale […], remplissant la forme du terrain, sans vides, sans redans ni interstices. […] Défini par les limites urbaines, il n’y a pas de façades sur chaque rue, mais une façade unique qui se développe de tous côtés. La perception en est continue, sans ruptures ni aspérités. Le bardeau de châtaignier, matériau traditionnel, est utilisé ici et transposé pour épouser une forme contemporaine, formant écaille il est assemblé lui-même en facettes continues de plus grande taille, des longs rubans qui constituent l’épiderme du bâtiment. Ces rubans sont à une échelle médiane entre le bardeau et l’édifice tout entier.”
Carnuta est un bâtiment à l’aspect organique, seules les ouvertures y apportent une dimension orthogonale et artificielle. L’enveloppe architecturale est faite de bardeaux de bois. L’ensemble est continu et divisée en plusieurs bandes s’enroulant autour du bâti, comme les lignes et l’écorce d’un tronc. On peut y voir ici une analogie entre la nature (l’enveloppe de bardeaux) et l’empreinte de l’homme (percées angulaires dans cette forme organique).
Au rez-de-chaussée, un bandeau vitré périphérique et la porte d’entrée vitrée assure les apports en lumière naturelle nécessaire. Au deuxième étage, par contre elle disparaît entièrement : l’espace d’exposition est une boîte noire totalement intériorisée et coupée de l’extérieur.
Conservatoire des sols, Orléans (45) – Agence Design et Architecture – 2013
« On ressent l’inertie. En hiver on n’a pas froid et en été on est bien aussi. » Usagère du bâtiment.
Le volume extérieur du bâtiment est rythmé par une trame horizontale générale: du soubassement au mur en couches successives de terre crue, puis par la courvetine en zinc qui couronne l’ensemble. La massivité du bâti, est contrasté par la teinte et la texture des matériaux employés, conférant un aspect plus chaleureux à l’édifice. Il se constitue d’un noyau en terre crue servant de stockage pour les échantillons, autour duquel s’enroule un espace de circulation qui désert chacune de ses fonctions, Qualiforsol est un bâtiment aussi discret qu’impressionnant. Les volumes bien que n’étant pas complexes, englobent le programme intelligemment, en employant des matériaux naturels pour leurs qualités dans les meilleurs conditions. L’utilisation de la terre est à la fois cohérente avec le programme et innovante dans la mise en oeuvre, c’est un bel exemple d’une forme suivant la fonction, et travaillée avec intelligence et simplicité.
La maison de la santé, Void-Vacon (55) – Christophe Aubertin – 2013
« La maison de santé se veut exemplaire d’un point de vue environnementale. L’accent est mis sur des dispositifs simples permettant autant que possible une exploitation économique et sans maintenance du bâtiment. Ces éléments de « bon-sens » (orientation, morphologie, matériaux) associés à des dispositifs de chauffage et de ventilation performants (chaudière à granulés bois et VMC double flux) assurent à l’édifice un confort maximum avec de très faibles consommations énergétiques. »
Au milieu d’une zone majoritairement industrielle, et donc entourée de boites en béton et en métal, la maison de la santé de Christophe Aubertin est facilement repérable. Sa silhouette, ainsi que le bois qui la recouvre en bardage, de la façade en se retournant sur le toit, la rendent atypique par rapport à son environnement.
Le bardage bois constitue la peau du bâtiment, il se retourne de la façade au toit sur l’intégralité du volume. Depuis l’accès au bâtiment, aucune ouverture n’est visible, en effet elles sont conçues pour éclairer largement les salles de consultation, tout en préservant leur intimité. L’ouverture forme un portique déployé au dessus et sur les cotés du volume principal. Les salles de consultations se relèvent ainsi pour capter la lumière du Sud-est. Ces modules rythment la façade et donne sa silhouette au bâtiment.
Le retour du bardage, dans un plan parallèle à la façade permet de lier les portiques au volume de base, de créer plus d’intimité pour les salles de consultations, mais aussi d’intégrer un brise-soleil dans le volume retourné sur le toit. On peut noter toutefois que certains praticiens ont par la suite occulté eux-même partiellement ou entièrement le bandeau vertical du portique.
A l’intérieur, la lumière se reflète sur le sur le sol en pierres locales et est réfractée sur le mur en pierre brut de sciage de manière plus diffuse (ambiance). Tandis que sur le mur opposé, le noir mat, diffuse d’avantage la lumière, conférant un aspect cosy et apaisant à l’espace de circulation.
Les enfants possèdent un espace de jeu, une boîte en bois dotée d’une piscine à balles. L’ouverture zénithale : un tube teinté de bleue ne laissant pas visible l’ouverture, rend cet endroit magique. Le temps semble s’arrêter pour laisser l’imaginaire des enfants s’épanouir librement.
Le bois est mis en œuvre à l’extérieur sur l’ensemble de l’enveloppe du bâtiment. A l’intérieur, il se retrouve par petites touches, dessiné et travaillé avec attention et soin. Dans les salles de consultation, les placards en bois sont entièrement intégrés dans le mur de telle sorte, le plan du mur est lisse et continu. Par ailleurs, les portes de tiroirs des meubles et le placard de la salle sont taillés dans la même pièce de bois et permet ainsi la lecture continue du veinage sur l’ensemble du mobilier.
L’ensemble du bâtiment, est conçu de façon comme un tout, cohérent de bout en bout. Christophe Aubertin utilise des concepts simples mais son architecture est à la fois celle du détail, de la qualité, mais aussi celle du confort. Confort autant thermique que lumineux grâce au dispositif ingénieux du portique qu’il répète le long du bâtiment et ce pour chaque salle de consultation. Personne n’est privilégié : dans les espaces de circulation ou d’attente comme dans le salle d’auscultation, le bois et la pierre sont mis en œuvre à toutes échelles, par exemple, dans la salle d’attente la table est faite en table en carrelets de frêne. Le résultat est bluffant par sa simplicité, le soucis du détail et la pleine satisfaction des usagers. Ces trois points révèlent pour nous une architecture de très haute qualité.
Centre périscolaire de Tendon, Saint Nabord (88) – HAHA – 2014
« Le bâtiment de Tendon a été construit en conjuguant des préoccupations liées à une valorisation architecturale des ressources locales, à l’intégration et l’interprétation d’une histoire des techniques, et à l’identité publique de ce lieu dans son paysage. »
Conçu comme un prisme équipé de grandes fenêtres cadrant sur le paysage, le centre périscolaire de Tendon est un volume atypique. Son puis de lumière dialogue avec le clocher de l’église faisant face, créant ainsi un objet de caractère à la fois unique et intégré dans son environnement.
La façade en tavaillons fendus est une référence au patrimoine architectural de la région, réinterprété sur une géométrie plus contemporaine, dans laquelle sont découpées de larges ouvertures. Très cadrées, ces percées sont aussi tramées: les plus grandes en cinq parties. Elles se prolongent sur les deux niveaux mettant en évidence le plancher. Cette trame est la résultante de la structure poutres caissons et ossature qui forme les façades.
Cette ossature de bois est dans la plupart du bâtiment laissée visible, afin de servir de bancs ou d’étagères, créant ainsi un mobilier intérieur parfaitement intégré et renforçant l’unité et l’identité du bâtiment.
Les ouvertures, sur deux niveaux, sont indépendantes du plan de la façade qui semble se courber doucement vers le toit du bâtiment. Leur cadre en panneau trois plis retourné et les essis en mélèze ne vieillissant pas de la même manière, l’ouverture obtient avec le temps une présence plus forte dans le dessin de façade. De plus le passant peut lui aussi profiter du cadrage en observant le reflet du paysage environnant dans les percées du volume.
Des luminaires extérieurs sont dissimulés dans la sous-face de la couverture en bardeaux, mettant en valeur la césure ente le mur et la couverture en tavaillons dès que baisse la luminosité ambiante et que s’allume les éclairages extérieurs. Quant à l’ouverture zénithale, elle est habillée d’un brise-soleil périphérique à la fois technique et esthétique, couronnant le bâtiment, il évite les surchauffes et permet de recréer une forme abstraite rappelant celle du clocher voisin.
Ce centre périscolaire est impressionnant de compromis, à la fois repérable et intégré, il occupe une place importante dans le village mais n’usurpe pas sa fonction pour autant. C’est un mélange de formes contemporaines, associées à un savoir faire et à des matériaux locaux. Bien que n’ayant pas visité les espaces intérieurs, le comportement des occupants semble révéler de lui même leur qualité : des regards bercés de lumière, rivés sur les montagnes, des sourires et une cour de récréation couverte de dessins à la craie, signes de l’épanouissement et de l’appropriation des enfants.
Mikado, Saint Nabord (88) – HAHA – 2014
« L’implantation de la halle permet de mettre en exergue l’entité paysagère remarquable de la commune, zone humide protégée pour sa précieuse biodiversité. Les gradins, le belvédère et les abords de l’équipement placent les usagers en lien directavec ce grand paysage et ancre le projet dans son contexte de village vosgien. »
Placé à deux pas du centre périscolaire de Tendon, cette halle à pour vocation de recevoir des activité du centre, mais aussi d’accueillir les rassemblement festifs de la commune. On devine une volonté de la maîtrise d’ouvrage de créer un centre de confluence moderne et tourné vers l’avenir de la construction locale, en ce sens qu’il s’appuie sur une utilisation de Douglas issu des forêt de la commune.
Constituée de trois travées, une centrale, deux latérales, les éléments de charpente sont mis en œuvre par empilement. On peut dire sans se tromper qu’il n’y a pas eu d’économie de matière sur ce projet, dont le but n’est pas d’optimiser des sections de bois, mais plutôt de mettre en valeur le Douglas dans une construction géométrique imposante. L’effet recherché étant un jeu d’équilibre entre les différents éléments de bois donnant une impression de légèreté et de fragilité à la manière d’un jeu de Kapla.
De petits éléments en hêtre intercalent les poutres, accentuant l’aspect aérien de l’ensemble, leur couleur rouge les distinguent du reste de la structure, et permet de créer une limite visuelle entre les éléments de charpente.
Cette structure à l’équilibre complexe est couverte de lattage sur lequel reposent des plaques de polycarbonate, permettant de laisser passer la lumière, et de donner l’impression d’être à l’extérieur tout en étant couvert. La lumière associée à ce jeu de transparence et à la complexité de la structure, crée au sol une ombre projetée complexe et contrastée, celle-ci se retrouve aussi sur la construction elle même générant des jeux d’occlusion tout au long de la journée. La densité des éléments de charpente forme une ombre extrêmement compacte, ce qui permet d’être à l’abri d’une grande partie des rayonnement du soleil, malgré la toiture transparente.
Par ailleurs, en vieillissant, le polycarbonate ondulé va créer un motif de stries sur la surface des poutres exposées, générant un effet de rythme supplémentaire dans l’édifice. Afin de parer aux rayonnement les plus rasants, des stores d’occultation ont été ajouté le long de la façade, entre chacun des huit portiques.
Cette halle, de par son architecture et son environnement bâti proche, est un édifice résolument contemporain. A l’instar du centre périscolaire, il propose une charpente géométrique moderne, tout mettant en avant les ressources locales. Ses architectes semblent avoir été mû par une idée à la fois simple et forte, de ce que devait être un découpage de la lumière par le bois. En marchant sous les portiques de cette structure majestueuse, on pourrait même se demander si ce n’est pas en empruntant un jeu des enfants voisins, que s’est dévoilé cette forme dans leur esprits.
Déconcertante d’efficacité, et inspirante de simplicité.
Simon Lozac’h, lozachsimon@gmail.com
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