Contexte
Avec ses 5,3 millions d’habitant, Stuttgart est la sixième plus grande ville d’Allemagne. Situé à l’ouest de l’Allemagne à seulement 130km de Strasbourg, Stuttgart fut rasée à 90% en 1945. La reconstruction de la ville s’est faite rapidement, la ville s’est reconstruite économiquement autour de ses industries automobiles Mercedes et Porsche. Aujourd’hui la ville vit un nouveau tournant grâce à la naissance de nouveaux projets urbains et architecturaux contemporains. La ville est en chantier, en quête d’une nouvelle image. Le musée Porsche s’inscrit dans ce renouveau.
Un musée pour une marque de prestige
La construction du Porsche Museum a été commandée par le constructeur allemand Porsche lui-même. Le musée se situe sur la Porsche-Platz (place Porsche) à Stuttgart, dans le secteur de Zuffenhausen. Parmi 170 équipes, le maître d’ouvrage Porsche a sélectionné le cabinet d’architecture autrichien Delugan Meissl pour un budget estimé à 100 millions d’euros. La construction a débuté en 2005 pour une ouverture au public le 30 janvier 2009.
L’intention de Porsche était de construire un musée à son image. Pour comprendre cala, il est nécessaire de s’attarder sur l’image même de la marque Porsche. Porsche est une marque de voiture de luxe possédant une communauté de clients aisés. Cependant ces dernières années, la marque tente de démocratiser la marque. Le musée en est l’image : Tout en paraissant prestigieux, il est accessible à tous, ouvert au-dessus de la Porsche-Platz.
La visite
Dans les commentaires qui suivent nous nous intéresserons autant à l’architecture du musée qu’a la scénographie de son exposition. Nous partons du principe que architecture et scénographie d’un musée sont deux notions qui n’en forme finalement qu’une : l’une ne va pas sans l’autre.
Bienvenue dans le quartier Porsche
Trouver une place de parking a été la première approche du musée. Cette énorme masse semble être tombée du ciel entre le rond-point de la place et la voie ferrée, ne laissant trop peu de places de parking. Il faut y ajouter à cela les véhicules de la concession Porsche avoisinante stationnés sur les trottoirs.
Le bâtiment se donne à voir depuis la place. Le musée parait flotter au-dessus de la topographie plissée du rez-de-chaussée comme un corps dynamique et soulevé de terre. Impossible de trouver une logique dans la forme, le monolithe blanc semble taillé aléatoirement et grossièrement et tenir sur d’épais poteaux de sections rectangulaires. Une face noire ressort de la façade. Il s’agit d’une vaste surface vitrée rectangulaire qui ne laisse apercevoir aucun élément intérieur. S’y cache en fait derrière un restaurant gastronomique de prestige. Au sud est une ouverture horizontale plus discrète permet de capter de la lumière. En s’approchant, nous nous apercevons que la peau du bâtiment n’est pas lisse mais constituées de multiples facettes en losange et reproduit « les motifs d’une peau de serpent» (citation de la guide).
Le RDC s’enfonce légèrement à la suite de ce grand parvis ou sont exposer deux belles Porsche rouges contrastant le blanc pur du musée. Le parvis en pente accueil également une terrasse aux mobiliers sur mesure pour s’insérer dans la pente. La sous-face du porte-à-faux est plaquée d’une surface réfléchissante qui atténue l’effet de compression et apporte de la luminosité.
La première scène
L’accès au hall d’accueil s’effectue par une sobre façade vitrée. Le hall parait exigu par rapport à la monumentalité extérieure du musée qui nous promettait une entrée plus magistrale. Les gens y grouillent, il est difficile de savoir ou s’adresser. La foule nous empêche même de prendre des photographies. Les lectures pré-voyages m’avaient prévenu : il s’agit d’un hall distributeur. Le plafond vitré apporte une lumière diffuse agréable car il n’est jamais exposé aux rayons solaires directs. En fond de hall, nous est offerte une vue sur les archives et surtout sur le garage pour particulier. La guide nous explique que les propriétaires de Porsche de collection peuvent venir ici pour effectuer des réparations. Le garage est bien rangé, sans trace de cambouis ni garagiste d’ailleurs. Les voitures sont accrochées au mur, l’effet visuel d’immersion est impressionnant même s’il faut bien avouer que le garage semble un brin scénariser.
Pour accéder à l’espace d’exposition, il faut monter un long escalier ou escalator. L’effet de perspective est accentué par le dessin de l’escalier au point de fuite appuyé.
L’espace d’exposition
Le principe de parcours
En haut de l’escalier, des voitures sont éparpillées autour de nous. Heureusement, un plan nous explique le principe du parcours à effectuer. L’espace d’exposition est conçu comme une vaste arène qui s’organise en spirale ascendante. La forme en spirale étant pour les architectes un pur système de déambulation avant tout. La forme en spirale s’étire et se transforme pour constituer différentes zones. Cependant il n’y a pas de principe d’ordre hiérarchique, il n’y pas un unique et linéaire parcours de proposé. Plusieurs relations s’établissent en souplesse autour du point central et organisateur de la spirale. Des jonctions s’établissent. S’il empreinte des escaliers, c’est qu’il court-circuite la spirale. Contrairement le musée Mercedes le parcours est ascensionnel et lorsque le visiteur a gravit toute la rampe, il aboutit à … rien, ou du moins un long escalator qui le ramène à l’accueil. Nous aurions pu imaginer aboutir à l’apogée de l’exposition, un véhicule d’exception ou au moins un point de vue impressionnant sur l’espace d’exposition. Pour résumer, le visiteur suit la rampe pour voir l’intégralité de l’exposition.
la scénographie
Le système bien que simple n’est pas très perceptible. On trouve sur le côté droit de la rampe que l’on suit tout au long de l’exposition, les modèles de voiture qui évoquent l’évolution chronologique de la marque. Ces véhicules sont surélevés par une estrade noire et disposent d’un fond noir. On trouve sur le côté gauche de la déambulation des véhicules regroupés par thème (sport, utilitaire, familial…). Ces derniers sont posés à même le sol. L’effet est bien plus intéressant car les voitures sont plus accessibles, on ose alors s’y pencher pour rentrer la tête dans le cockpit des bolides de courses. Dans le sol et à coté de chaque voiture, on y retrouve une graduation métrée discrète en aluminium. Des véhicules des sections thématiques viennent parfois interférer avec l’évolution chronologique de la marque ce qui rend la lisibilité de l’exposition parfois compliquée.
Ambiances et matériaux
Blanc et corian sont les deux qualificatifs pour décrire la matérialité du musée. L’intérieur est à l’image de l’extérieur. Le corian est partout. Ce matériau constitue le mobilier intérieur et est plaqué sur les murs. Ce dérivé du plastique a pour caractéristique d’être très agréable au touché et d’être très peu réflexible. L’intérieur est donc monochrome, clair et mat et fait ainsi ressortir les carrosseries étincelantes des voitures, et les visiteurs qui tournent autour. Le contenant s’efface aveuglement pour laisser place au contenu. L’ambiance donne une impression très prestigieuse et luxueuse, surtout qu’en l’on sait que le cout du mètre carré de corian et d’environ 300€. L’intention de Porsche de rapprocher le public de sa marque n’est pas franchement perceptible dans l’ambiance du lieu car le visiteur lambda ne se sent pas vraiment « à sa place ». On ressent plus la volonté d’en mettre plein la vue.
REGARD CRITIQUE
L’inaccessibilité
L’inaccessibilité semble le bon terme pour témoigner du ressenti général de la visite. Il est interprétable dans tous les sens du terme : La marque elle-même, mais également l’architecture du lieu. La marque semble réservée à une clientèle singulière et l’ambiance du lieu ne nous invite pas franchement à en faire partie. Les premiers mots de notre guide ont été pour nous témoigner de l’existence d’un toit terrasse avec une salle de réception malheureusement inaccessible à la visite. Quelle frustration pour des étudiants en architecture ! Avec un camarade, nous avons finalement pu accéder (via un ascenseur de service et un badge d’un cuisinier) à cet espace réservé. Nous étions alors dans l’envers du décor, dans le showroom inaccessible pour de simple visiteur. L’espace peut accueillir des voitures. Il est simple d’imaginer des soirées se prolongeant en brunch sur le toit terrasse qui reste tout de même décevant. Une minorité de la toiture est accessible et ne donne pas la meilleure vue aux visiteurs privilégiés.
Toujours, dans l’envers du décor le restaurant semble tout autant inaccessible. A défaut d’avoir gouté les mets proposés, nous avons testé les toilettes du restaurant et ses lavabos nécessitant nous semble-t-il une notice d’utilisation. L’énorme vitrage noir sur la place révèle l’esprit du lieu : ils peuvent avoir une vue en balcon sur toute la place sans être vus.
Ces commentaires peuvent sembler bien sarcastiques, mais précisons qu’il ne s’agit en aucun cas d’une critique des gens côtoyant ce milieu mais plutôt de l’environnement architectural qui renforce un apriori de l’image de la marque que cette dernière souhaite pourtant atténuer.
Le musée Mercedes : regard croisé
Le cœur des stuttgartois balance entre Porsche et Mercedes. Cette dernière firme née également dans les banlieues de Stuttgart à fait de la ville son quartier général. Elle bénéficie également de son musée à part entière conçu par les architectes néerlandais de UNStudio en 2006. La comparaison entre les deux musées des deux constructeurs est alors tentante, voir évidente.
A l’intérieur, l’un est sombre, l’autre est clair. Le motif de la spirale est retenu pour les deux musées. Tandis que chez Porsche le parcours est ascensionnel, le parcours Mercedes est descendant. L’ellipse est doublée pour créer deux parcours distincts : l’un historique, l’autre thématique. L’imbrication des deux ellipses est complexe pouvant déstabiliser le visiteur pour se situer. Mais par ce principe, les espaces d’expositions sont plus aérés, les rampes sont généreuses, l’atrium central aère les espaces les uns des autres. Le parcours en spiral de chez Porsche est rabougrit sur lui-même, il a du mal à trouver des espaces de vide procurés chez Mercedes par des volets historiques (croquis, illustrations, photos) inexistant au Porsche museum. Enfin les architectes de UNStudio semblent avoir été plus loin dans leur principe, justifiant davantage les formes architecturales du bâtiment quitte à tomber parfois dans des métaphores un peu bancale (l’architecture de l’ADN comme référence au parcours en double spirale). Tandis que Mercedes à chercher à muséifier le contenu proposé aux visiteurs, celui de Porsche ressemble davantage à une exposition. Il faut tout de même noter que la richesse de l’histoire de Mercedes lui permet plus facilement de ne pas tomber dans l’esprit « catalogue » que l’on peut reprocher au musée Porsche. Cela rend plus accessible aux visiteurs le musée Mercedes au musée Porsche.
Une image de marque ?
L’esprit du lieu semble finalement logique. Au-delà de la prouesse technique visible depuis l’extérieur, et l’esthétique intérieure, l’architecture ne détonne pas vis-à-vis de la marque qu’elle abrite. Bien que la motivation d’être plus proche du visiteur lambda (et donc du potentiel acheteur) soit revendiquée par la firme, le résultat architectural n’en est pas aussi expressif. Après-tout, ce choix semble celui de la sécurité pour une marque qui s’est forgée une renommée historique. Pourquoi risquer le changement lorsque l’on peut faire pareil ? Avant d’être un choix architectural c’est donc une décision de communication et de marketing de la marque. En dehors de cela, nous ne pouvons pas enlever à l’architecture du musée sa qualité de conception, ses détails et les espaces proposés remarquables.
Documents graphiques
Quentin Hodé
voyage effectué du 10 au 17 octobre 2014
Bibliographie
– Delugan, Meissl, 2007, Delugan Meissl Associated Architects, Cologne, DAAB MEDIA, 175p. TRADICIONAL
– Merz, H.G. 2009. Porsche Museum: Delugan Meissl Associated Architects, Vienne, Springer, 364p.
– Joon-hee, L. 2008. Design peak 08, Berlin, Equal, 290p.
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