Carte de la Pologne - Itinéraire Cracovie/Gdansk

Carte de la Pologne – Itinéraire Cracovie/Gdansk

 

Avril 2014.

Nous avons hésité longtemps, Hugues, Guillaume, Arthur et moi, avant de réserver cette voiture. Notre envie, à nous quatre, étudiants français en Erasmus à Cracovie, c’était d’aller voir les bisons, à la frontière biélorusse. Ca nous faisait un peu rêver, ça nous avait toujours paru mystique. Y’a quoi à l’Est ? Ca on se le demandait, et on avait deux jours pour préparer notre périple.

La boucle était tracée un jour avant le départ. On irait à l’Est, à Bialowieza, observer les fameux producteurs de l’herbe de bison, continuerions vers les grands lacs de Mazurie, puis Gdansk, pour nous poser un peu sur les plages désertiques de la Baltique, à la frontière russe, avant de replonger tout droit vers le sud. Nous sommes donc partis de Cracovie, dans notre belle citroën C4, sur les routes polonaises, fenêtres ouvertes, carte IGN en mains, et hasard en tête. 3000Km. 6 jours.

Le fil conducteur de ce voyage s’est finalement avéré être les nombreuses églises que nous avons croisé en chemin. Quoi de plus commun, en Pologne, avec un taux très élevé de pratiquants (entre 50 et 60% de la population fréquente régulièrement les églises), positionnant le pays au rang du deuxième plus pieux d’Europe, après Malte. De Cracovie à Gdansk, nos découvertes ont donc été variées, le temps de quelques heures ou d’un simple arrêt en bordure de route.

Cette première église nous a interpellés grâce à son matériau principal : le bois. Situé en bordure de route départementale, ce petit lieu de culte catholique ne paraît pas du tout mis en valeur, de l’extérieur. Un grand parking de graviers fait guise de parvis, et derrière, un très grand champ l’éloigne de toute construction. Seules deux maisons côtoient cet édifice qui flotte donc quelque peu dans son environnement, en pleine campagne. Sombre et terne d’apparence, avec son bois vieilli, elle est recouverte de toitures de zinc qui présentent des éléments architecturés assez travaillés, notamment son clocher à bulbe, propre au style baroque. Ce matériau permet d’établir un premier rapport avec le ciel en réfléchissant la lumière du soleil.

Clocher en zinc

Clocher en zinc

Face à la route, sur une façade de la tour carrée détachée de l’église, on observe une affichette représentant la vierge à l’enfant. Cet élément rajouté, quelque peu déconnecté du bâtiment, rappelle l’événement en préparation : Pâques. A côté de la porte principale de l’église, c’est un autre visage qui est affiché, celui d’un emblème national à jamais ancré dans la mémoire polonaise, et dont la photo est présente dans presque chacune des villes du pays : Karol Józef Wojtyła (Jean-Paul II).

Lorsque l’on pousse la porte de cette petite église, c’est la lumière, révélant la couleur du matériau principal, qui nous frappe en premier. Entièrement habillée de planches de bois, ce lieu spirituel renvoie une ambiance très chaleureuse, également due à sa petite taille. Du côté Ouest, un magnifique orgue se hisse en hauteur, orné de modénatures sculptées dans le même matériau que les parois. Ces sculptures laissent penser que l’église date du XVIIIe siècle, époque à laquelle des concepts baroques étaient appliqués au bois. Le grand instrument de musique répond à l’autel, à l’Est, qui exprime un langage similaire, mais dans des matériaux tout à fait distincts. Sa blancheur tranche avec les murs de l’église, et ses dorures viennent souligner les nombreuses décorations qui jouent avec la lumière. Cet élément paraît majestueux et déconnecté de la simplicité du reste de l’édifice.

A droite de l’autel, si l’on observe bien, une affiche de Jésus dialogue avec celle de Jean-Paul II, situé à gauche. Le silence ne règne pas, deux femmes et un homme sont en pleine préparation de l’église pour Pâques. Des gerbes d’hortensias blancs et de roses rouges viennent envahir les premières marches de l’autel, arrosées par la lumière du soleil.

En poursuivant notre chemin, nous traversons des paysages ruraux où seules deux ou trois maisons bordent parfois la route, avant d’arriver à de petits villages. Ici, nous nous perdons dans les rues de Deblin, ville de 17000 habitants dans la voïvodie de Lublin.

L’église que nous croisons dans un des quartiers résidentiels de la ville, n’a alors rien à voir avec la précédente. Elle s’impose. Ici, c’est le béton qui règne. Assise sur un socle de ce matériau, son parvis la met en scène avec son emmarchement guidant les fidèles vers l’entrée. Immaculée, cette structure de béton présente des éléments faisant étrangement référence à des styles architecturaux variés. L’entrée, par exemple, est marquée en façade par trois portes en bois enfoncées entre des éléments verticaux faisant écho à une colonnade classique. Celle-ci est surplombée par un porte-à-faux marquant l’entrée, et représentant une touche de modernisme. Mais les parties les plus marquantes de l’édifice sont les grandes lames verticales qui rendent le bâtiment plus élancé qu’il ne l’est, et rappellent grandement les contreforts d’une église gothique. L’évocation est si forte que le mélange de matériaux et de styles en est troublant.

Façade arrière de l'église

Façade arrière de l’église

Mais la comparaison avant/arrière est aussi intéressante. Là où la façade avant présente un dynamisme et un caractère fort, la partie arrière se montre plus arrondie, adoucie et posée au sol. Ce n’est alors plus la façade qui semble déstructurée, mais davantage la toiture en zinc, se divisant en plusieurs petites parties au-dessus de l’abside. Cette-dernière est surélevée d’une structure métallique assez dure et dénotant avec le blanc du béton. Comme une couronne, cet élément, orné d’imitations de lampadaires en pointe, porte une croix dans le même matériau. Il semble possible d’accéder à cette croix via un balcon circulaire, et de tourner autour. Cette figure se présente alors comme un phare posé sur l’église. En bordure de l’abside, ce qui semble être le transept d’une église en croix latine disproportionnée, se montre plus fermé mais percé de petites ouvertures carrées ou octogonales, rappelant le style art déco et tranchant avec les grandes lames verticales des parties centrales.

Les cloches, comme pour beaucoup d’églises modernes d’après-guerre, sont détachées du bâtiment et disposées sur le parvis, alignées entre deux piliers.

Vitraux de l'église moderne

Vitraux de l’église moderne

Les portes en bois de l’entrée préfigurent l’ambiance intérieure qui, là aussi, n’est pas comparable à ce que la façade montre à voir. Un festival de couleur nous prend alors, passé le seuil. Plus aucun mur n’est blanc, à cause des vitraux dont les couleurs vives dégagent une lumière puissante qui balaye tout l’espace. L’autel, qui paraît petit dans cette grande salle arrondie, est surmonté d’une imposante croix de bois. A droite de cet élément, saluant sereinement les fidèles, se trouve le fameux Jean-Paul II.

Quelques kilomètres plus loin, à Siemiatycze, nous découvrons la première église orthodoxe de notre route (confession partagée par plus d’un million de Polonais) . Celle-ci se montre majestueuse, située sur une colline, point haut de la ville. Elle paraît bien assise sur son socle, avec ses différentes coupoles et semi-coupoles rayonnant autour du chœur. Des chants émanent de l’église et nous amènent à gravir les marches. La vision, d’en haut, est époustouflante. Le soleil se couche, et nous surplombons l’aval, caressé par la lumière de la fin de journée. Derrière nous, des gens, debout, silencieux sur le parvis. L’église est pleine à craquer et les fidèles s’étendent jusqu’à l’extérieur. Atmosphère de recueil, nous ne parlons pas et laissons se perdre dans l’air chaud les sermons diffusés par de grands haut-parleurs situés sur la façade.

Eglise orthodoxe sur sa colline

Eglise orthodoxe sur sa colline

Cet édifice n’accueille sûrement pas de cérémonies depuis longtemps, il paraît très neuf. Des briques jaune ocre habillent les murs et dessinent le contour des ouvertures verticales surmontées d’arcades, révélant une influence clairement byzantine.

En faisant le tour de l’édifice en croix grecque, on comprend facilement sa composition. Il s’agit d’une boîte cubique centrale sur laquelle se pose un tambour octogonal couronné d’une coupole et d’un lanterneau. Ce dernier est recouvert d’un bulbe polygonal sur lequel se dresse une croix orthodoxe en métal, dont les lames font miroiter la lumière du soir. Ces mêmes éléments s’asseyent sur chacune des tourelles disposées aux quatre coins de la boîte centrale. Enfin, sur chacune des faces de ce dernier est accolée une chapelle avec demi-coupole, dont l’une représente l’entrée de l’église. Toutes ces toitures sont en bardeaux de zinc noir qui tranchent avec les alternances de briques rougeâtres et jaunes.

Fidèles sur le parvis de l'église remplie

Fidèles sur le parvis de l’église remplie

Lorsque nous reprenons la route, nous passons devant une autre église, 200m plus loin. Il s’agit de la version catholique du monument précédent. Original… Cette fois-ci, l’édifice est au niveau de la route, beaucoup moins mis en valeur et enclos par un portail et une haie de sapins. Beaucoup moins attirés, nous ne nous approchons pas davantage du bâtiment. Celui-ci emprunte des motifs du style baroque, notamment au niveau de ses deux tours/clochers carrés dont les frontons en arabesques sont tronqués et en décalé pour révéler des croix en métal terne. Au milieu de la façade plane, un quadrilobe de vitraux est le seul élément qui établit un dialogue avec la lumière du ciel. Les autres ouvertures, très petites, percent les demi-tourelles accolées aux deux clochers carrés, de manière circulaire ou oblongue. Ces formes font quelque peu écho aux motifs modernistes et paraissent vulgariser, rigidifier la composition baroque mise en mouvement plus haut.

Réplique catholique

Réplique catholique

Ces deux églises ont donc sûrement été le fruit d’une même commande, et réalisées par le même architecte, il y a moins de vingt ans. Il est ici intéressant de voir comme le style architectural peut tenter de s’adapter à la conviction.

Après une demi-heure de route, nous sentons que nous nous approchons de l’extrême Est du pays, et de la frontière biélorusse. Cette petite église en bois, en bordure de route nationale, nous dévoile un trait important de l’Histoire de la Pologne : ses diverses invasions. Nous nous trouvons ici en effet dans l’ancienne partie russe de ce pays également envahi par la Prusse et l’Autriche pendant des années. Ce sont les tombes du cimetière qui nous aiguillent sur cette piste. En effet, certaines d’entre elles sont recouvertes d’écritures cyrilliques. Ce petit cimetière dégage une ambiance agréable, orné de grands pins. Les tombes, elles, sont décorées de fleurs fraîches et de lanternes colorées, traditionnelles en Pologne, et allumées notamment pour la Toussaint.

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Ombre d’une barrière typiquement polonaise prise dans une fumée épaisse

A ce moment, un homme et une femme entretiennent respectivement des sépultures. A l’entrée du terrain, un tas d’ordures vertes et plastiques fume et capte la lumière du soir. Cette dernière passe à travers les balustres de la clôture de la parcelle dont le style est récurrent en Pologne. La barrière de ciment moulé aux motifs très organiques, projette une ombre presque sinistre sur l’herbe grillée, ainsi que dans la fumée épaisse et grise du feu.

L'église entourée de son cimetière

L’église entourée de son cimetière

Le petit édifice, quant à lui, s’efface presque parmi les pins. Ses dimensions rappellent celles d’une maison typique de la Pologne orientale. De simples ouvertures rectangulaires sont percées dans ses murs recouverts d’un bardage en bois laqué. Ce dernier est disposé horizontalement, verticalement ou en biais pour créer des dentelures sur les pignons, au niveau des gouttières. De grandes planches représentant une croix orthodoxe sont clouées à la façade principale. Tout respire la modestie. Les seuls éléments qui se détachent de cette grande simplicité sont les bulbes des deux petits clochers en bardeaux recouverts de feuilles d’or. Ils brillent comme des phares au-dessus de ce petit lieu de culte qui paraît isolé.

Des déviations sur la route nous perdent dans des lieux assez étranges, où des hameaux paraissent vides de toute occupation humaine. L’atmosphère en est presque pesante. Sur la route, notre voiture est reine, seule. Dans les maisons, aucune lumière. Dans les cours, les jardins, personne. Nous ne savons même pas où nous sommes. C’est en approchant cette église isolée, entourée de son cimetière, que nous comprenons la situation. Il s’agit en fait de l’avant-veille de Pâques, jour célébré d’une messe, comme toute la semaine précédant cet événement. S’il n’y a donc personne autour de nous, c’est que les habitants de ces hameaux se sont rassemblés à l’église.

Celle-ci se présente sous la forme d’une maison surmontée d’un toit double pente très haut, récurrent dans les régions enneigées, afin que la neige glisse et ne soit pas stockée. Au centre de cette toiture, comme posée aléatoirement, se trouve une toute petite tour ornée de son bulbe, qui semble comme avoir percé le faîtage. Elle paraît révélatrice de la surélévation d’une toiture initiale plus basse.

Les deux bulbes de l'église

Les deux bulbes de l’église

Contre le pignon principal se dresse une tour carrée à paliers successifs se terminant en pointe, avec son bulbe doré, orné d’une croix orthodoxe elle même habillée de feuilles d’or. L’élément décoratif, de fantaisie, se trouve au pied de la toiture conique du clocher. Il s’agit d’une couronne de triangles recouverts chacun d’une petite toiture en avancée. Les ouvertures, rectangulaires et très simples, se démarquent dans cette façade orange, grâce à leurs menuiseries et leurs cadres blancs. Les seuls vitraux présents dessinent des croix latines avec la coloration verte de certains carreaux entre les croisillons. L’entrée de l’église est une porte simple, elle aussi blanche, et protégée par un préau à la toiture double pente, dans la largeur de la tour carrée. Certains éléments rapportés s’opposent à l’authenticité du bâtiment. En effet, des haut-parleurs sont fixés de chaque côté de la tour, et des poteaux de projecteurs, en retrait par rapport à l’entrée et évoquant les spots des stades de football, assurent la mise en lumière de l’édifice. Ces derniers éblouissent sûrement les fidèles lors de leur sortie de l’église, en pleine nuit (en Pologne, des messes sont célébrées matin et soir). Pour accéder à l’église, il faut traverser le cimetière qui la ceinture, comme pour le précédent édifice. La clôture, elle, n’est plus en ciment moulé, mais tout aussi froide. C’est ici un muret de briques grises, dont certaines sont enlevées, et marquées par un calepinage de joint de mortier plus foncé. Cette barrière dénote totalement avec les couleurs chaudes de l’église.

Après un feu de camp et une nuit passée dans la voiture, en plein milieu de la dernière réserve naturelle de bisons d’Europe, nous arrivons à Białowieza. Le petit village se situe en plein milieu de ce parc naturel à cheval sur la Pologne et la Biélorussie. La frontière de ce pays n’est donc plus très loin. Créé en 1932, ce parc était initialement un ancien domaine impérial de chasse. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, il est reconnu comme réserve mondiale de la Biosphère grâce à sa forêt primaire.

Bialowieza signifie la tour blanche, en polonais. Et pourtant, le village est caractérisé par ses petites habitations en bois qui bordent d’une manière systématique la rue principale. Elles se distinguent toutes par leur couleur et leurs décorations en bois qui s’apparentent à de la dentelle.

Ce qui est original à Bialowieza, c’est qu’il s’agit d’une petite commune de 2600 âmes, mais qu’il n’y a rien de plus simple que de trouver où se loger. En effet, chaque maison fait chambre d’hôte (étage entier), pour le même prix que son voisin. C’est très simple, et peu cher. Mais avec quelques 100 000 touristes par an, les habitants du village le plus visité de la Pologne de l’Est y trouvent leur compte.

Eglise orthodoxe en brique rouge de Bialowieza

Eglise orthodoxe en brique rouge de Bialowieza

Un élément reste très frappant à Bialowieza : son église orthodoxe. Situé dans le centre bourg, à l’entrée du parc naturel, le lieu de culte ne paraît pas à sa place, parmi les habitations de bois. En effet, cet édifice d’influence byzantine est entièrement recouvert de briques rouges. Il fait cependant écho au grand bâtiment de la mairie, édifié dans le même matériau, mais sûrement un ou deux siècles plus tôt. L’église paraît en effet assez récente, sans doute construite il y a moins de cinquante ans. Sa toiture, elle-même rouge, permet de lisser le raccord entre les éléments de couverture et les façades. Le bâtiment est totalement monochrome. Les seuls éléments autrement colorés sont les clefs de voûtes blanches soulignant l’arc de chaque ouverture. Les fenêtres, elles, sont verticales et arquées, organisées en serliennes au niveau du transept. Toutes les modénatures se créent dans le jeu d’alternances de briques, de leurs avancées et reculées.

Placé légèrement en hauteur, le bâtiment est séparé de la route par une bande de gazon en pente et une clôture de fer forgé posée sur un muret de briques similaires à celles de l’église. La végétation sauvage environnante participe à la mise en valeur de cet édifice remarquable.

Une fois le parc naturel de Bialowieza laissé derrière nous, nous décidons de nous arrêter à Bialystok, la capitale de l’Esperanto, pour nous faire une idée de la ville. Nous garons la voiture près de la grande église moderne Saint Roch, juchée sur sa colline et majestueuse à tel point qu’elle peut paraître effrayante, de par ses dimensions. Mais nous nous dirigeons dans la direction opposée, vers le centre ville où l’animation est particulière. En effet, plus nous nous rapprochons de la grande église qui surplombe la place centrale de la ville, plus nous observons que les passants sont très apprêtés. Cela nous rappelle en réalité qu’il s’agit du jour de Pâques, grande journée d’affluence à l’église, durant laquelle les Polonais respectent une tradition très ancrée. Chaque famille, endimanchée, porte son petit panier de nourriture, décoré de fleurs, au lieu de culte afin de le faire bénir. Une fois que les mets sont sacrés, ils sont mis au repos avant d’être dégustés le lendemain matin. Nous entrons donc dans cette église, dans nos vêtements de touristes, pour découvrir la longue file d’attente formée par les fidèles.

Eglise en briques de Bialystok

Eglise en briques de Bialystok

Nous ressortons enfin pour observer l’église de l’extérieur. Construite en 1905, elle s’oppose à Saint-Roch de par son style gothique, entièrement faite en briques. Son entrée est marquée par les trois portes des deux collatéraux et de la nef, surmontés de tympans et de frontons. Ses deux clochers semblent aériens grâce à leurs percements verticaux en ogives qui créent une alternance entre élément construits et vides sur le ciel.

Lorsque nous nous dirigeons vers les grands lacs de Mazurie, l’église catholique à l’entrée de Grajewo, en bordure de route et à l’aspect carton patte nous oblige à nous arrêter. Provocation, blague, mauvais goût, volonté de moderniser l’Eglise ? L’édifice nous laisse perplexes. Construit entre 1988 et 1990, ce bâtiment aux formes sorties d’ailleurs semble vouloir revisiter le style baroque d’une manière postmoderne. Ce qui frappe en premier, c’est ce grand voile de béton aveugle aux courbes accentuées, qui semble être pris dans une bourrasque de vent. Tout est mis en scène dans une symétrie parfaite. L’église est entourée de deux bâtiments similaires, couronnés chacun d’une statue immaculée, représentant un ange. L’un de ces bâtiments abrite le couvent des sœurs de la paroisse. Le tout constitue un complexe imposant mêlant modernité et recherche de références plus anciennes.

Façade de l'église

Façade de l’église

La façade principale de l’église est marquée par une étrange et imposante structure métallique peinte en jaune, qui reprend les ondulations du mur. En-dessous, la vierge, entièrement rose, est encadrée par deux éléments s’apparentant à des colonnes torses stylisées, modernes, évoquant plutôt à première vue des serpentins. La porte d’entrée, noyée dans les ondulations, paraît perdue et assez peu mise en valeur. Une esquisse de tympan est soumise grâce à un enfoncement en gradins de l’embrasure. Aux deux extrémités de la façade, des poteaux parés de briques, légers et se voulant structurels, contrastent avec la lourdeur et la robustesse de la façade de béton. Un détail dénote avec toute cette modernité : l’horloge. Réalisée en céramique, elle présente des motifs moyenâgeux évoquant une traversée maritime.

Plafond à vitraux de l'église

Plafond à vitraux de l’église

A l’intérieur, le grand espace paraît aseptisé. La lumière arrive essentiellement du plafond, des chapelles, et salles disposées sur les côtés du chœur. Dans ces dernières se trouvent des autels ornés de gerbes de fleurs, ou encore des rangées de bancs qui composent sûrement une salle annexe de célébrations, ou d’exercice pour les sœurs du couvent. Au plafond, la lumière passe dans des filtres colorés orange et verts ; cependant, l’atmosphère générale reste assez fade. Lorsque l’on ressort, la route est notre premier voisin. L’absence de végétation se fait grandement ressentir.

Gdansk est la dernière grande étape de notre périple avant de repartir vers le Sud. Nous découvrons alors une ville bordant la baltique, dans un style majoritairement gothique. Le changement est radical avec Cracovie, où l’architecture de la Renaissance est très présente. Passer par l’église Sainte-Marie est une étape incontournable. Etant la plus grande église du monde construite en briques entre 1343 et 1502, et longue de 105,5 mètres, elle peut accueillir un nombre conséquent de personnes : 20 000 (équivalent à la population de la ville au XVe siècle). Elle a pendant un moment accueilli des fidèles catholiques et protestants, pour n’être consacrée qu’au culte catholique après la Seconde Guerre Mondiale. Cette dernière n’a pas épargné l’église et l’a amputée d’une bonne partie des œuvres d’arts qu’elle renfermait (40%). Parmi elles se trouvait la plus grande horloge astronomique du monde (14m de haut), réalisée au XVe siècle. Elle a cependant été reconstruite, et placée dans le transept Nord de l’église dont la restauration s’est achevée en 1956. Aujourd’hui, le toit de celle-ci possède une charpente en acier.

Grand clocher de Gdansk

Grand clocher de l’église Sainte-Marie de Gdansk

L’édifice monumental se situe au cœur du centre historique de la ville et côtoie de près des bâtiments d’habitations colorés, de cinq niveaux maximum et typiques des villes hanséatiques. La partie la plus impressionnante de l’église, et surtout à ne pas rater est son clocher. Haut de 82m, il est possible d’atteindre son sommet en passant par un chemin fabuleux. En effet, une découverte des combles de l’édifice nous permet de voir la face cachée des voûtes de la nef de 30m de haut. Ce spectacle extraordinaire nous fait prendre conscience de la structure gothique, et des dimensions impressionnantes de l’ouvrage. Il faut ensuite côtoyer la grande cloche, dite «Gratia Dei», de 7850kg pour gravir les escaliers. Lorsque celle-ci sonne, et que l’on n’est qu’à 4 mètres d’elle, c’est un réel orage qui explose dans nos oreilles. La petite cloche, nommée «Ave Maria» ne pèse, quant à elle, «que» 2600kg.

Vue depuis le haut du clocher. Paysage urbain hanséatique

Vue depuis le haut du clocher. Paysage urbain hanséatique

Après la longue ascension des 409 marches, nous arrivons à la terrasse panoramique qui surplombe la vieille ville. Les maisons verticales qui bordent l’église nous paraissent alors toutes petites, rangées les unes à côté des autres. D’ici on observe la composition de leur toiture à double pente, dissimulée par leurs façades décoratives non porteuses. Au loin, il est possible d’apercevoir les grues du grand port de la ville qui se trouve à environ 8km de l’église.

Nous reprenons enfin la route vers le Sud pour rentrer à Cracovie. Il n’est pas possible de visiter Cracovie, la ville aux plus de 120 églises, sans passer par la basilique Sainte-Marie (Mariacki). Cet édifice religieux se situe sur la grande place centrale de la ville («Rynek» ou place du marché, l’une des plus grandes de l’Europe médiévale), face à la halle aux draps. Orientée à l’Est, l’église se présente en biais par rapport à la grande place. Construite en briques sur les restes d’une chapelle romane, cet édifice du XIVe siècle est un mélange de style gothique et Renaissance. Il présente deux tours carrées de tailles différentes et percées de rangées de trois ouvertures verticales au contour blanc avec arc brisé (rangée centrale : vraies ouvertures, latérales : niches). La légende raconte qu’il s’agirait d’une rivalité entre deux frères. Le but étant de construire la tour la plus haute, ce que le frère aîné réussit avant de se faire poignarder par son cadet. La plus grande, celle qui est au Nord, fait 80m de haut et est ornée d’une toiture en pointes gothiques sur laquelle se trouve une couronne dorée. La tour Sud, de 69m de haut, est en réalité le clocher de la basilique. Elle possède une toiture faite d’éléments galbés avec un lanterneau surmonté d’un bulbe polygonal, le tout de style Renaissance.

Tour Sud

Tour Sud

Dans la tour Nord, se déroule un rituel connu de tous les visiteurs. A chaque heure fixe, un musicien ouvre sa fenêtre du haut de la tour et joue un morceau de clairon (hejnal), entendu de loin. Sa mélodie s’arrête brutalement avant d’être interprétée à nouveau, à travers la fenêtre suivante. Selon la légende, lors de grandes invasions au XIIIe siècle, un héraut aurait joué la même mélodie, du haut de l’ancienne église pour prévenir les citoyens de l’arrivée des Tatars. Il aurait reçu une flèche dans le cou, interrompant subitement son signal. Depuis, en hommage à cet événement, la tradition est perpétuée, à toutes les heures de la journée, et de la nuit. Il est possible d’atteindre le haut de la tour Nord pour avoir un point de vue intéressant sur la vieille ville de Cracovie.

Lorsque l’on pousse les grandes portes en bois de la basilique, on arrive dans un lieu magique. Les murs et plafonds de l’église gothique sont ornés de dorures réparties sur des fonds bleus et rouges. Les voûtes du vaisseau, bleu nuit, deviennent alors une sorte de constellation. Au bout de la nef, derrière l’autel, se dresse le plus grand retable gothique en bois d’Europe qui s’ouvre et se ferme quotidiennement, comme un grand livre imagé, composé de douze tableaux différents, lorsqu’il est fermé. Ouvert, il mesure 11m par 12.85m de hauteur. Cette œuvre majestueuse a été réalisée en douze ans par Veit Stoss, grand sculpteur allemand du gothique tardif. Démonté et emporté en Allemagne par des nazis, lors de la Seconde Guerre Mondiale, le retable est restitué en mauvais état à Cracovie en 1946 avant de suivre une campagne de restauration.

Statue d'Adam Mickiewicz - grand poète polonais -regardant l'église

Statue d’Adam Mickiewicz – grand poète polonais -regardant l’église

Ce voyage nous aura fait comprendre à quel point ces lieux de culte peuvent être présents, importants, mais surtout toujours aussi fréquentés au pays de Jean-Paul II.

Il y a quoi l’Est ? Maintenant, nous en avons une petite idée. Cette Pologne, si mystérieuse et méconnue révèle des paysages urbains et naturels insoupçonnés. Pleine de couleurs et de vie, elle dégage un dynamisme considérable. Mais pour en avoir réellement conscience, il faut la voir en vrai.

Charlotte Boyard

boyard_charlotte@orange.fr

Sources :

– Petit Futé : Pologne

-Guide Michelin : Pologne

– http://whc.unesco.org/fr/list/1053/