UN PROJET EMBLEMATIQUE D’ARCHITECTURE BOIS DANS LES VOSGES
L’agence Architecture Studio est rompue aux projets d’envergure: l’Institut du Monde Arabe (partenariat avec Nouvel) livré en 87, le Parlement Européen à Strasbourg en 98, l’église Notre-Dame de l’Arche d’alliance à Paris, ainsi que de nombreux projets majeurs pour les pays émergents figurent parmi de nombreuses réalisations de l’Agence ces 30 dernières années.
Ici l’échelle est tout autre: un collège de 800 étudiants pour une ville de 5000 âmes, Mirecourt, au milieu du paysage rural semi-montagneux des Vosges. Livré en 2004, le projet fait référence aussi bien par son utilisation massive de bois que par sa labellisation HQE.
Notre première approche est frontale: posé au milieu d’une vaste surface de goudron râpeux tenant lieu de parking et d’aire de dépose, le collège exhibe sa structure massive en bois supportant une large aile à la courbe tendue, rabattue sur sa face sud. La monumentalité assumée et assise par une structure massive, rompt de manière franche avec l’échelle domestique du quartier alentour.
La première caractéristique architecturale réside dans un emploi du bois massif comme structure principale de l’ouvrage. Pas moins de 1500m3 de bois, en majorité importé des forêts autrichiennes, ont été ici mis en œuvre, dont les 2/3 sont employés en sections massives, détail notable pour un projet de cette ampleur. La structure poteau-poutre massive, définit un volume d’influence qui englobe espace extérieurs, éléments programmatiques et espaces intermédiaires tampon .
Chaque poteau est moisé dans les 2 dimensions du plan, permettant ainsi des assemblages tridimensionnels sans recours à des sabots métalliques pour connecter éléments horizontaux et verticaux. Ce quadruplement des éléments verticaux aboutit à un encombrement important des porteurs (50×50), qui amplifie fortement la présence de la structure. L’ensemble forme un paysage tridimensionnel orthonormé ou l’oeil se promène et se perd dans les effets de profondeurs, à la manière d’un sous-bois. Loin d’une économie de matière, le projet joue sur l’accumulation du matériau, son dédoublement produisant un effet de surdimensionnement apparent.
Le projet développe une intériorité très forte, un biôme dans lequel on pénètre toujours indirectement: à l’ouest par une «colonnade» marquant l’entrée par un avancement de la structure , sur le flanc nord par un passage entre les volumes programmatiques, sur le flanc sud par un préau-salle de sport traité comme une carapace de bois, et à l’est par un patio ménagé dans le volume principal.
Ce vide intérieur vertical découpé par la structure est parcouru par des circulations et des passerelles, qui permettent de s’élever dans la structure et de la parcourir à différentes hauteurs. La couverture de polycarbonate déverse une lumière douce et filtrée dans les espaces tampon.
Les espaces programmatiques sont traités comme des volumes interceptant la forêt graphique de résineux. De simple volumes parallélépipédique colorés pour les salles de classes, et une carapace de bois pour le préau abrité de l’école. De grands noyaux en béton, dont la forme en plan rappellent les leviers d’un flipper, assurent les circulations verticales. La courbe tendue du béton perforé par de petites meurtrières percées dans la masse contraste avec la rigueur géométrique des faisceaux structurels en bois. Le soin apporté à la mise en œuvre du coffrage leur confère le statut de sculptures verticales, de totems dressés à l’intérieur d’un échafaudage de bois . L’ambiance créé m’évoque l’univers dessiné des villes quasi-axonométriques de l’auteur Moebius, ou les protagonistes déambulent dans des espaces oniriques. De ce point de vue, l’intention narrative exprimée par les architectes d’Architecture Studio sur leur site est extrêmement bien retranscrite. La palette restreinte des matériaux et des couleurs réussit véritablement à raconter une histoire forte et haute en couleurs.
Abord paysager
Le collège, est posé sur un socle inséré dans la légère déclivité ouest-est du site. Peu qualifiée, l’entrée principale à l’ouest se résume à une surface bitumée, tandis que la face opposée connecte le collège au site avec un amphithéâtre creusé dans le sol, et un patio qui fait pénétrer le parc du collège dans le hall.
Victor Yvin
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