Gdansk, la perle de la Baltique ou encore capitale de l’ambre, est une ville que j’ai pu découvrir lors de mon Erasmus le temps d’un semestre, de septembre 2017 à février 2018. L’arrivée sur ces terres encore inconnues s’est faite depuis l’aéroport Lech Wałęsa, situé à 14km. à l’ouest du centre-ville de Gdansk.
Parler de centre-ville à Gdansk est probablement trop général. En effet, la ville compte désormais deux centres (en rouge sur la carte) : un étant la vieille ville de Gdansk où l’on retrouve toute l’histoire de la ville, et le second est le nouveau centre-ville dans le quartier nommé Wrzeszcz, un quartier premièrement difficile à prononcer et situé au nord-ouest de la ville à environ à 20 min. en tramway du premier. Le campus Polytechnika Gdanska se trouve entre ces deux centre-ville (en orange sur la carte).
Le quartier du chantier naval
Le taxi m’ayant déposé dans la ville à l’adresse de mon Air B&B, dans lequel je comptais rester deux semaines le temps de trouver un appartement pour le semestre d’automne, je me suis alors retrouvé dans un quartier assez sombre, où les routes n’en étaient pas vraiment, seulement recouvertes de terre se transformant en boue avec les averses de la veille. Mon sens de l’orientation n’était plus au rendez-vous. Les bâtiments étaient tous identiques, fait de brique rouge. La seule différence était leur numéro de porte d’entrée.
Mémoire d’un quartier industriel
Étant arrivé plus tôt que la rentrée universitaire en Pologne j’ai donc pu visiter les environs pour comprendre vraiment où j’étais. En parcourant les rues adjacentes à mon appartement, je suis tombé sur le Europejskie Centrum Solidarności (Centre Européen de Solidarité) que j’ai pu visiter le temps d’une après-midi complète tellement ce bâtiment s’imposant comme un navire échoué de l’extérieur est immense. L’acier corten, matériau fortement utilisé en Pologne, se fond idéalement dans le paysage, avec en arrière-plan les bâtiments où se trouvait mon logement.
En marchant tout autour de ce musée qui a ouvert le 31 août 2014, j’aperçois une entrée arborant une banderole de Solidarność (Solidarité) et un portrait de Jean-Paul II. Plus tard dans le semestre, et grâce aux cours du Professeur Szczepanski, j’ai alors compris que ce lieu chargé d’histoire représentait l’entrée des chantiers navals où s’est déroulée en 1980 la grande grève. Cette grève, organisée par les ouvriers des chantiers navals, dirigé par le futur Prix Nobel Lech Walesa, et soutenu par le Pape Jean-Paul II, est le début d’une protestation contre le licenciement d’une de leur collègue, pour son appartenance à une association indépendante des organismes du pouvoir, la privant ainsi de ses droits à la retraite. C’est alors, sous la pression de ces personnes, que le 31 août 1980, les contestations se conclurent par la signature des accords de Gdansk, autorisant l’existence de syndicats libres indépendants du Parti Communiste, et ouvrant la voie à la création du syndicat appelé « Solidarité ».
Ce quartier aux couleurs foncées était en fait l’ancien quartier des ouvriers du chantier naval. Ce vieux quartier de Gdansk témoigne encore de la qualité de vie des ouvriers de l’époque. Les bâtiments ne sont pas très bien entretenus, les appartements non plus et l’isolation thermique et acoustique n’arrangent pas la situation.
Un quartier en mutation
Bien que ce quartier ne soit pas aussi développé que d’autres situés ailleurs dans la ville, il reste atypique et de plus en plus prisé des jeunes. Au pied des grues emblématiques qui marquent le paysage, et parmi les immenses infrastructures industrielles métalliques dégageant encore un peu de fumée blanche par leur cheminée, on y retrouve aujourd’hui plus de clubs, de salles d’expositions, de clubs de danse ou de boxe que de bateaux en construction. L’activité du chantier naval tourne au ralenti et il est en train de mourir petit à petit, la ville le sait. Aujourd’hui elle compte désormais sur d’autres dispositifs pour permettre de maintenir l’activité économique du quartier.
Le club B90 en est l’exemple. Il s’est implanté dans ce quartier depuis quelques années dans un bâtiment classé de trois étages. Ce club joue aussi sur le style du chantier naval, avec son décor industriel à l’intérieur et ses containers aux couleurs froides à l’extérieur. Pourtant c’est ce type de lieu qui attire à Gdansk. Le soir, le quartier se dissimule dans le noir et c’est l’animation crée par les personnes qui redonne des couleurs au lieu autour de la musique rock et électro.
Vers le nouveau centre-ville de Gdansk
Après avoir trouvé, au bout d’une semaine, un logement plus près de l’école Polytechnika Gdanska où j’allais devoir suivre mes cours, c’est tout naturellement que mon choix s’est porté sur le quartier de Wrzeszcz. Ici, l’ambiance est différente. Le bruit de la circulation est plus prononcé, les bâtiments sont plus hauts et plus récents. Les centres commerciaux sont un point fort du quartier du fait de leur emplacement, proche de la voie de tram et de nouveaux immeubles résidentiels récents. Le sentiment de sécurité est plus fort également car il y a beaucoup plus de personnes dans les rues.
Le quartier de Polytechnika Gdanska : un quartier d’époque
Une fois un appartement trouvé en colocation dans un ancien bâtiment aux façades extérieures tout juste repeintes, je me ballade alors dans les environs en allant jusqu’à Polytechnika Gdanska, le campus universitaire où se trouve le bâtiment d’architecture.
En marchant environ 15 min. j’arrive enfin à l’école. En voyant les bâtiments autour de moi je comprends que ce quartier est ancien même s’il est qualifié de nouveau centre-ville. Grâce aux cours du Professeur Szczepanski encore une fois ainsi que d’une ballade dans le quartier en sa compagnie, l’histoire de ces lieux devient plus compréhensible. En face du pavillon de l’école d’architecture datant de 1904 se trouve un lotissement ouvrier du début du XXe siècle. Il est caractérisé par ses maisons jumelles peintes de différentes couleurs. On retrouve le style de construction du début du XXe siècle comme dans le quartier du chantier naval, avec les briques rouge en façade ainsi que les trottoirs qui sont probablement rester intactes.
Le passé historique de Wrzeszcz
En repartant en direction de l’appartement, on se rend alors compte que le lotissement ouvrier a laissé place aux maisons bourgeoises de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, du fait d’une ornementation plus importante et des superficies plus grandes. L’extérieur est plus lumineux grâce à l’enduit souvent blanc ce qui fait naître un sentiment de richesse comparé au lotissement ouvrier où dès l’extérieur est sombre. Les modénatures sont plus recherchées. Le XXe siècle est une époque où les styles architecturaux en Pologne se cherchaient beaucoup, amenant souvent à des styles éclectiques. Cela se confirme en regardant les décorations des fenêtres ou portes d’entrée ou encore en regardant les portails et grilles des maisons. Mais ce qui est certain c’est que c’est maisons étaient destinées aux professeurs travaillant à Polytechnika Gdanska par exemple ou aux médecins. Cela explique alors pourquoi on retrouve de multiples villas dans ce quartier, proche de l’école et de l’hôpital.
La vie à l’intérieur d’une ancienne villa
L’appartement loué se trouve au 36, rue Jaskowa Dolina, ce qui signifie la colline de Jaskowa, située à quelques pas de l’appartement. La villa, le bâtiment dans son ensemble, est divisée en six appartements, dont le mien qui était au premier étage. La division de ce bâtiment est plutôt atypique. En effet, dès le palier du premier étage l’agencement des logements est particulier. Pour accéder à mon appartement je devais ouvrir une première porte où je me retrouvais dans le couloir des voisins, puis ouvrir une seconde porte pour rentrer réellement chez moi. Une fois à l’intérieur, l’effet « villa » se faisait ressentir. Le grand salon avec un mur percé sous la forme d’une voûte nous accueillait, pour ensuite desservir les quatre chambres, la cuisine et une salle de bain. La hauteur sous plafond aussi accentue l’effet « villa » du fait des 3,20 m. sous plafond, une hauteur qui est aujourd’hui une norme en Pologne.
Le nouveau centre-ville et ses commerces
Le quartier de Wrzeszcz est dit le nouveau centre-ville car hormis les villas, il se développe plus au nord-est grâce au centres commerciaux et aux différents commerces qui ponctuent le parcours pour aller vers Sopot plus au nord, une ville faisant partie de la Tricity (Gdansk/Sopot/Gdynia). Ici, tout peut être fait à pied car les distances entre les commerces sont raisonnables et assez concentrés. Ce qui est différent de la France ce sont ces grands centres commerciaux comme la Galeria Bałtycka qui est le plus grand de la région de Poméranie. Tous les magasins y sont réunis sur trois niveaux.
Ces bâtiments dessinent le paysage du nouveau Gdansk avec leurs volumes énormes. Ces centres commerciaux ne sont pas les seuls à s’affirmer dans le paysage. On retrouve aussi quelques tours qui commencent à émerger comme la tour Neptune qui accueille des bureaux avec ses 84,7mètres de hauteur, qui en fait la plus haute tour de Gdansk jusqu’à maintenant.
Ce nouveau centre de Gdansk attire non pas pour son architecture historique mais par son attractivité commerciale qui devient de plus en plus importante dans la ville, au détriment peut-être du centre historique.
Arnaud Gaultier
Date du séjour : du 11/09/2017 au 21/02/2018
Photographies de l’auteur (sauf mention contraire)
Bibliographie
Sites internet
Camille Bordenet, Antonin Sabot, « Du communisme à l’Europe, le renouveau de Gdank », Le Monde.fr, en ligne, https://www.lemonde.fr/europeennes-2014/visuel/2014/05/23/du-communisme-a-l-europe-le-renouveau-de-gdansk_4422493_4350146.html, consulté le 11 juillet 2018
Lénaïg Bredoux, « A Gdansk, les chantiers navals meurent à petit feu », Humanité. fr, 31 octobre 2003, en ligne, https://www.humanite.fr/node/294130 consulté le 11 juillet 2018
« Solidartié », La Route de la Libération de l’Europe, en ligne, https://liberationroute.fr/poland/pois/s/solidarity, consulté le 11 juillet 2018
« Ulica Jaśkowa Dolina w Gdańsku », Wikipédia, en ligne https://pl.wikipedia.org/wiki/Ulica_Ja%C5%9Bkowa_Dolina_w_Gda%C5%84sku, consulté le 11 juillet 2018 ; « Rue Jaśkowa Dolina à Gdańsk » (trad. en fr.) https://pl.wikipedia.org/wiki/Ulica_Ja%C5%9Bkowa_Dolina_w_Gda%C5%84sku, idem.
Ouvrages
Jean-Yves Potel, Gdansk, la mémoire ouvrière, éditions La Découverte, 1988
Jean-Yves Potel, Scènes de grèves en Pologne, éditions Noir Sur Blanc, 2006
Annett Steinfuhrer, Sigrun Kabisch, Katrin Grossmann, Annegret Haase et Ray Hall,Residential Change and Demographic Challenge: The Inner City of East Central Europe in the 21st Century, éditions Ashgate Publishing Limited, 2011
Vidéo
Opuszczona Willa Sobótki Gdańsk, 2015, Opuszczone 3city (découverte d’une villa abandonnée à travers une exploration urbaine)