Byzance pour les Grecs, Constantinople ensuite sous l’Empire romain, Istanbul enfin sous les Ottomans : au fil du temps Istanbul a accumulé un patrimoine historique d’une très grande richesse et d’une surprenante variété. A chaque coin de rue, un monument ou un bâtiment chargé d’histoire se dresse devant nous, témoins des civilisations qui firent la fierté de la ville.

 La paysage d’Istanbul a été façonné par plusieurs communautés tout au long de son Histoire. Une majorité de la population est musulmane et ce sont bien les coupoles et les minarets qui dominent la ville, dont les plus connus sont ceux de la Mosquée Bleue et de Sainte Sophie. Cependant, que serait un monument sans son contexte? Selon Gustavo Giovannoni, inventeur de la notion de patrimoine urbain, un monument ne peut exister sans son contexte, l’un ne peut fonctionner sans l’autre. Aussi, nous allons nous intéresser dans un premier temps à la nature de ce contexte urbain, marqué par les maisons à pans de bois.

LES MAISONS A PANS DE BOIS

Maisons à pans de bois

Maisons à pans de bois

On trouve dans les quartiers les plus anciens, des maisons qui appartiennent à l’architecture vernaculaire d’Istanbul. Ces maisons sont à échelle humaine, petites et modestes, ne dépassant pas deux ou trois étages. L’aspect monumental des édifices majeurs de cette ville était alors réservé aux mosquées. Ces maisons de bois sont d’une incroyable variété et décorée d’une imagination féconde. Les murs construits de pins noircis, les balcons et vérandas à encorbellement, les consoles ouvragées, les terrasses à balustrades ajourées de fines découpures, milles détails d’ornementation donnent à chacune d’elles une physionomie particulière. Ces maisons appartenant autrefois aux bourgeois aisés ont une ornementation intérieure ottomane avec une influence occidentale réinterprétée à la mode du pays.

Néanmoins, nombre d’entre elles sont aujourd’hui délabrées bien qu’elles représentent un patrimoine historique et urbain important. Les stambouliotes leur préférant le confort des habitations modernes situées dans les périphéries, cette typologie est aujourd’hui amenée à disparaître. En effet, il n’est pas rare de trouver au coin d’une rue les ruines d’une de ces maisons.

Ruine

Ruine

 

SAINTE SOPHIE

Hagia Sophia

Hagia Sophia

Considérée comme l’une des merveilles du monde, la Basilique Sainte Sophie possède une histoire mouvementée. D’abord, considérée comme une Basilique, elle devint par la suite une mosquée, mais c’est en 1935 par l’ordre d’Atatürk qu’elle devint finalement un musée.

 Sainte Sophie fut construite en 325 sous le règne de Constantin II (337-361) sur un ancien temple dédié à Artémis (Déesse Grecque). Elle fut ensuite agrandie par son fils en 365. Elle est alors l’église épiscopale de Byzance. Cette Basilique avait un toit en bois et une nef flanquée de deux ou quatre allées, portant chacune une galerie à l’étage.

En 404, sous l’empereur Arcadius, elle fut incendiée au cours d’une émeute suscitée par l’exil de Saint-Jean Chrysostome, puis rebâtie dès 415 par Théodose II. Elle fut néanmoins brûlée une deuxième fois en 532 lors de la révolte de Nika causée par l’insurrection organisée contre l’empereur Justinien Ier.

C’est à cet empereur que l’on doit l’édifice que l’on connaît encore aujourd’hui dont il ordonna la construction d’une nouvelle basilique la même année. Son nom, « Hagia Sophia », vient du Grec et signifie la sagesse divine.

L’empereur commanda aux deux architectes, Isidore Milet et Anthemius de Tralles, « le sanctuaire le plus magnifique que l’on eût vu depuis la fondation de la ville ». Pour cela il fit venir de toutes les provinces de l’empire, les matériaux les plus précieux, les marbres les plus rares, les colonnes les plus fines des temples les plus renommés. C’est ainsi que huit colonnes brèche vertes proviendraient probablement du célèbre temple de Diane et auraient été reçues d’Ephèse. De même, huit colonnes de porphyre auraient été enlevées à l’empereur Aurélien au temple de Jupiter Héliopolitain à Baalbek. Les temples grecs d’Athènes, de Délos, de Cyzique, ceux d’Isis et d’Osiris en Égypte, furent aussi mis à contribution.

S2

L’édifice est gigantesque. La lumière y pénètre de toutes parts par sept étages de baies. La base de la coupole, elle-même percée de 40 fenêtres, et flanquée à l’est et à l’ouest de deux demi-coupoles, est soutenue par quatre arcs qui reposent sur des piliers massifs. Cette coupole de brique de 31 m de diamètre et dont la clé est placée à 55 m du sol, prend appui sur quatre gigantesques piliers et sur les arcs principaux des deux demi-coupoles, par l’intermédiaire de quatre pendentifs.

La nef centrale est surplombée à l’est et à l’ouest par deux demi-coupoles, dont celle placée à l’est crée une abside en cul-de-four, elle-même prolongée par une absidiole. Il s’agit donc d’une succession de voûtements en cascade qui serviront de modèle aux architectes ottomans. Les travées latérales et le double narthex sont surmontés d’une galerie aux colonnes de marbre vert.

Au fond de l’abside, on trouve le mihrab qui n’est pas exactement placé dans l’axe de la basilique, mais au contraire désaxé pour indiquer la direction de La Mecque.

Mihrab

Mihrab

Malgré sa structure à la fois ingénieuse et majestueuse, la coupole s’écroula en 558 sous l’effet d’un tremblement de terre. L’architecte Isidore le Jeune fut alors chargé de la reconstruire. Il diminua son diamètre et renforça les piliers en leur accolant extérieurement de larges contreforts. En 975, sous les empereurs Basile II et Constantin IX, une nouvelle restauration fut nécessaire. A la suite d’un séisme, en 1347, la coupole dut être à nouveau restaurée sous la direction des architectes Astaros, Faciolatus et Giovanni Peralta ; les travaux durèrent jusqu’en 1354. En 1371, un nouveau tremblement de terre renversa la croix. Aujourd’hui encore, les architectes et les ingénieurs craignent que l’édifice ne survive pas à un nouveau tremblement de terre.

Le 29 mai 1453, le sultan Mehmet conquis Istanbul et donna l’ordre de transformer la basilique en mosquée. Il fit construire un minaret et les deux contreforts qui soutiennent l’édifice au sud-est. Bayazid fit ériger le minaret du nord-est, et le sultan Sélim II, ceux de l’ouest ainsi que de nouveaux murs de soutènement. Les sultans firent de nombreuses donations pour enrichir le sanctuaire : Süleyman Ier (Soliman le Magnifique) offrit deux candélabres qui flanquent le mihrab. Ahmet Ier donna à la loge impériale son aspect actuel et fit suspendre le candélabre qui pend sous la grande coupole. Les inscriptions des cartouches furent l’œuvre d’un célèbre calligraphe du XVIIe siècle. Au XVIIIe siècle, on fit disparaître les mosaïques byzantines sous un épais badigeon, mais en 1847 le sultan Abdülmeçit confia à l’architecte Fossati le soin de restaurer l’édifice, et quelques mosaïques furent alors dégagées. On peut d’ailleurs observer à certains endroits la superposition de décors qui témoigne de cette transformation. Ainsi, sur ses murs de somptueuses calligraphies islamiques côtoient les plus grands chef-d’œuvre de la mosaïque byzantine.

Trace d'une croix chrétienne qui apparais sous le décor oriental.

Trace d’une croix chrétienne qui apparais sous le décor oriental.

Jusqu’en 1934, Sainte-Sophie, l’Aya Sofya servit ainsi de mosquée. À cette date, Atatürk la fit transformer en musée.

LA MOSQUÉE BLEUE

B1

Un des autres édifices majeurs d’Istanbul est la mosquée du Sultan Ahmet, plus connue sous le nom de Mosquée Bleue.

Cet édifice religieux fut construit sur les ruines d’un ancien palais byzantin, sous le règne de Sultan Ahmet Ier en 1609 et fut achevé en 1616 par l’architecte Mehmet Aga. La mosquée faisait partie d’un complexe religieux dont certains bâtiments avaient une fonction sociale, mais qui ont aujourd’hui disparus. On y trouvait un bazar, des bains trucs, un hôpital, des cuisines, des écoles et le caravansérail de la ville. En effet, la mosquée était le point de départ des caravanes de pèlerins à destination de la Mecque. Pour la distinguer des autres édifices de la ville, le sultan la fit doter de six minarets, fait rare, car la Mosquée Sacré de la Mecque, qui doit être la seule à en avoir le plus grand nombre, en dispose de sept.

La Mosquée s’insère juste en face de Sainte Sophie. Selon certains historiens, Sultan Ahmet voulait démontrer que les architectes ottomans n’avaient rien à envier à leur prédécesseurs chrétiens. Le plan et la structure de la mosquée ont largement été inspirés de celui de l’ancienne basilique, édifiée mille an plus tôt.

Coupoles

Coupoles de la Mosquée Bleue

A l’intérieur, la salle des prières est surmontée d’un système ascendant de coupoles et de demi-dômes, chacun soutenu par un trois exèdre. La coupole principale repose sur quatre piliers dits à « pieds d’éléphants »de 43m de hauts. L’ensemble de la mosquée est largement éclairée grâce à ses 260 fenêtres. Les somptueux décors intérieurs en céramiques sont à dominante bleue ce qui lui a valu son nom.

Salle des prières

Salle des prières

Istanbul est donc un véritable musée à ciel ouvert dont les œuvres architecturales ont traversé les diverses civilisations auxquelles elles ont appartenu. Ainsi, des monuments de l’époque byzantine et de l’époque ottomane se superposent et embellissent la ville. Ils façonnent le paysage et lui confère une skyline unique, reconnaissable entre toutes.

Blandine Longépé – Voyage effectué en février 2013

blandine_longepe@hotmail.com

Bibliographie:

 GIOVANNONI, Gustavo, Jean-Marc MANDOSIO, Claire TANDILLE, et Amélie PETITA. 1998. L’Urbanisme face aux villes anciennes. Points. Paris: Seuil.

 « Encyclopédie Larousse en ligne – basilique Sainte-Sophie de Constantinople ». 2015. Consulté le 9février 2015. http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/basilique_Sainte-Sophie_de_Constantinople/142257.

 Monuments éternels Arte – Sainte-Sophie à Istanbul. 2014. https://www.youtube.com/watch?v=-t_NJF3zeHA&feature=youtube_gdata_player.